Européennes 2024 : Glucksmann surjoue la confiance

Une stratégie à double tranchant: le succès factice appelle-t-il le succès réel ?

Jeudi soir au Zénith à Paris, les socialistes organisaient l’un des plus gros meetings de la campagne, toutes listes confondues, malgré certains sièges vides.

Surprise de la campagne européenne, selon la presse sympathisante et leurs entreprises de sondages, les socialistes seraient en passe de dépasser la liste macronienne. Prennent-ils leurs désirs pour la réalité? Toujours est-il qu’ils abandonnent leur stratégie de la prudence, pensant probablement que l’optimisme est davantage susceptible de drainer les électeurs attirés par un bonimenteur positif.

A dix jours du vote, ils ont vu très grand, voire un peu trop grand. Pour leur grand meeting parisien, ils avaient choisi d’ouvrir le Zénith en grand : 6.800 places. Mais ils étaient loin de remplir la salle. Autour de 4.000 curieux sont venus jeudi soir pour écouter Raphaël Glucksmann. C’est peu, s’agissant de l’un des plus gros meetings de la campagne, toutes listes confondues. Mais n’y a-t-il pas là un gros péché d’orgueil ? Une erreur, si la stratégie de la dynamique développée ces dernières semaines n’imprime pas.

La consigne était visiblement d’afficher une belle assurance chez les socialistes le temps d’une soirée qui devait ressembler à un meeting de clôture de campagne. Voire un discours de victoire, le 9 juin.

Le patron du PS, Olivier Faure, par exemple, ne s’est pas embarrassé du conditionnel quand il a qualifié la campagne de sa liste d’« optimiste, volontaire, qui convainc sans travestir ». « Partout nous avons vu l’espoir se lever », a assuré Olivier Faure, constatant que « d’abord fragile » celui-ci s’était raffermi « jour après jour ».

Discours de victoire ?

Mais c’est surtout Raphaël Glucksmann qui, vendant la peau de l’ours avant de l’avoir tué, n’a pas attendu le verdict des urnes pour affirmer d’emblée : « Disons-le, honnêtement, personne ne nous avait vus venir. Personne ne nous avait crus capable de chambouler les plans des grands stratèges de l’Elysée. » Comprendre, rejouer l’affrontement entre macronistes et RN. « Ce plan-là a déjà échoué », a même surenchéri l’euro-député Place publique. Raphaël Glucksmann a toutefois envisagé un après désenchanté, annonçant  qu’il ne disparaîtra pas le 10 juin…

La tactique socialiste semble ne pas avoir fait long feu. La phase décisive, dans une élection européenne, est traditionnellement la dernière longueur. Quand on souligne auprès de l’état-major de campagne que le meeting frise l’excès de confiance, un vent de panique s’empare de la liste PS-Place publique. Et les réponses divergentes marquent les différences stratégiques majeures entre le Parti socialiste et son allié Place publique.

Un piège sur le point de se refermer sur la liste

Parmi les proches de Glucksmann à Place publique, on baisse d’un ton : on n’est pas du tout sûr de nous, on est stressé ! « Ce soir on n’est pas au débat de CNews, c’est quand même un risque. Et puis il y a le meeting de Marseille, la semaine prochaine, oh vous savez c’est un petit meeting, faut pas s’attendre à un truc énorme. »

Côté socialiste, au contraire, on assume à fond : « Soit on se dit qu’on gère nos 13,5 % et on la joue pépouze [pépère], ou alors on essaye de créer un effet de blast sur la dernière semaine. Dire aux gens qu’on est là, que ça va le faire, qu’on va battre les macronistes. » Au risque d’augmenter les attentes ? « Mais qu’est-ce qu’on a à perdre: on est le parti qui a fait 1,7 % à la présidentielle ! Si on veut gagner le match faut dire qu’on va le gagner… On gagne jamais en défense ! »

Bas instincts et ressentiments médiocres

Alors, jeudi soir, Raphaël Glucksmann a joué l’attaque. Et disons-le, alors qu’on n’avait pas jusque-là été ébloui par son charisme, dans une conclusion assez brillante. « Nous alertons : une démocratie s’abîme quand elle devient une vulgaire arène de tiktokeurs. Une quête de buzz permanent. Notre gauche, celle que nous sommes en train de reconstruire, ne sera jamais celle des insultes, des analogies dangereuses, de la démagogie, de l’instrument cynique des passions les plus basses ou des clins d’yeux les plus répugnants. » Un propos rédigé, manquant de spontanéité.

Plus loin encore et dans le registre moral: « Nous, nous nous enorgueillissons de ne manipuler personne, de ne pas couper des extraits vidéos pour faire dire à notre adversaire l’inverse ce qu’il a dit, de ne pas flatter les bas instincts, de ne pas souffler sur les braises incandescentes par narcissisme, par électoralisme ou par ressentiment médiocre. » Et puis pour convaincre la gauche hésitante : « Allez répandre votre bonne nouvelle : l’émergence d’un espace politique nouveau. D’un bulletin où vous n’avez pas à choisir entre la solidarité, l’écologie, l’Europe et la démocratie. »

Fixe sondagier

La liste de Raphaël Glucksmann n’est pas arrivée là où elle est dans les sondages par le simple effet du Saint-Esprit : les media y sont pour beaucoup et sa progression de 11% en mars (voire même 13%, selon un sondage Harris Interactive pour Challenges, groupe Perdriel , les sanisettes) à 12,5% en mai n’est ni rectiligne, ni fulgurante. La courbe de Valérie Hayer (Renaissance-Renew) passée de 15,5% en avril, à 12,5% en mai, soit -3,5 points par rapport au baromètre de février, est autrement remarquable.

Les socialistes et Place publique ont réalisé une campagne de terrain intense : une « campagne municipale à l’échelle nationale » disent-ils. Avec de nombreuses réunions publiques de proximité et surtout du monde dans celle-ci. Rien que hier soir, le contraste était saisissant avec la salle du « grand » meeting parisien d’il y a cinq ans de la liste Glucksmann, à quelques mètres de là, au Cabaret sauvage où ne rentrent pas plus de 600 personnes. Vraiment grand…

Mais, dans la dernière ligne droite avant le vote, la stratégie de l’intox n’a mas suffisamment rapporté. La campagne du PS et de Place publique pioche un peu et les stratèges commencent à adopter un profil bas… En vérité, cela fait un mois que la liste reste bloquée à moins de 13%. Les socialistes semblent prêts à se satisfaire de ce dernier fixe sondagier jusqu’au 9 juin : le fameux et tant anticipé croisement des courbes avec Valérie Hayer et la liste macronienne. Les dix derniers jours vont même leur sembler une éternité.

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