Seulement 50% des Français seraient encore inquiets d’une victoire du RN

La tendance, sur le point de s’inverser

Les Français interrogés plébiscitent d’abord le Rassemblement national pour les élections législatives, puis la Nupes 2, en pire avec le NPA, et enfin l’alliance présidentielle, selon un sondage Elabe pour BFMTV et La Tribune Dimanche (groupe Saadé, soutien de Macron).

Serge Klarsfeld choisit de « voter pour le RN » contre LFI

Le péril antisémite et islamo-gauchiste vient de l’extrême gauche

Serge Klarsfeld est un défenseur historique de la cause des déportés juifs en France.  - Credit:Fernando Villar/EFE/SIPA / SIPA / Fernando Villar/EFE/SIPA
Serge Klarsfeld est un défenseur historique
de la cause
des déportés juifs
de France.

L’historien rescapé de la Shoah, Serge Klarsfeld, n’aura« pas d’hésitation » à voter pour le Rassemblement national face à un candidat Insoumis, au second tour des élections législatives, a-t-il affirmé, samedi 15 juin sur la chaîne LCI. Il accorde en effet sa confiance au RN qui a « fait sa mue », tandis qu’il voit en LFI un parti « résolument antijuif ».  Des propos qui ont provoqué un choc dans la classe politique stalinisée.

Du côté du « Nouveau Front populaire », Manuel Bompard, secrétaire national de La France insoumise, s’est dit « choqué » par les propos de l’historien, dans lesquels il voit « une perte de valeur et de repère ». Il « considère aujourd’hui que le Rassemblement national serait plus acceptable que le “Nouveau Front populaire” me choque. » Il insiste aussi : « Notre combat contre l’antisémitisme, contre le racisme, contre l’islamophobie est au cœur de nos engagements. » Sauf que l’antisémitisme a changé de trottoir.

A noter que le chasseur de nazis a déclaré qu’il votera en premier lieu « pour un parti du centre » lors du prochain scrutin des législatives au micro de LCI. Il considère toutefois que le Rassemblement national a « fait sa mue » et que La France insoumise est un parti « résolument antijuifs ».

Des propos salués par la droite

Sur la droite de l’échiquier politique, Marine Le Pen, elle, salue dans un post sur X (ex-Twitter) « cette grande conscience et gardien de la mémoire de la Shoah qu’est Serge Klarsfeld » qui « nous rappelle que même si le chemin de nos choix électoraux peut diverger, il est un moment où il faut se retrouver pour refuser ce terrible péril porté aujourd’hui par une gauche qui se compromet avec l’extrémisme ».

Eric Ciotti, président controversé des Républicains, écrit, toujours sur le même réseau social : « Serge Klarsfeld ne se trompe pas d’ennemi ! Le vrai danger pour la France, c’est l’alliance des extrêmes gauches. »

Le président du Crif, Yonathan Arfi, et le premier rabbin de France, Haïm Korsia, n’ont pas encore réagi. Le 11 juin dernier, le président du Crif avait critiqué l’alliance entre le RN et les Républicains, expliquant que cet accord « dangereux » serait « une trahison des valeurs fondamentales de la droite républicaine ». L’historien avait déjà créé le débat en novembre dernier lorsqu’il avait salué la présence du Rassemblement national à la marche contre l’antisémitisme.

Expulsion de l’imam Mahjoubi : Darmanin vante la loi immigration

L’imam Mahjoub Mahjoubi, accusé de tenir des prêches «anti-France», a été expulsé de France ce jeudi soir

Le locataire de Beauvau se flatte d’avoir reçu les votes du RN pour faire passer la loi immigration. Darmanin vante une « France plus forte » grâce à cette loi. L’imam Mahjoub Mahjoubi, visé par une enquête pour apologie du terrorisme et des prêches radicaux, a été expulsé jeudi soir vers la Tunisie « moins de 12 heures après son interpellation » à Bagnols-sur-Cèze (Gard), a annoncé Gérald Darmanin. L’occasion, aussi, de se féliciter de la nouvelle loi immigration, votée dans la douleur avant les vacances de Noël, avant d’être profondément édulcorée par les « Sages » du Conseil constitutionnel.

Dans un message posté sur X (ex-Twitter), le ministre de l’Intérieur a ainsi fait valoir que la décision visant l’imam de nationalité tunisienne est « la démonstration que la loi immigration, sans laquelle une telle expulsion aussi rapide n’aurait pas été possible, rend la France plus forte ».

Accusé d’avoir proféré dans des prêches des appels à la haine visant les femmes, les Juifs ou une société française « pourrie », l’imam tunisien de la mosquée de Bagnols-sur-Cèze, dans le Gard, Mahjoub Mahjoubi a été interpellé jeudi à son domicile et expulsé vers la Tunisie quelques heures plus tard. Pour se défendre, Mahjoub Mahjoubi avait évoqué un « lapsus ».

Une loi sapée par « les Sages »

Adopté au forceps par le Parlement, le projet de loi immigration restreint notamment le versement des prestations sociales pour les étrangers, instaure des quotas migratoires, remet en question l’automaticité du droit du sol et rétablit un « délit de séjour irrégulier ». Ce texte, qui a provoqué une crise ouverte au sein de la majorité présidentielle, a été voté par le Rassemblement national qui y a vu une consécration de « la priorité nationale » qu’il défend.

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a censuré 32 articles de la loi, qui en comptait 86 : quotas migratoires annuels, durcissement de l’accès aux prestations sociales pour les étrangers, « caution retour » pour les étudiants étrangers, durcissement du regroupement familial…

L’imam a déjà «présenté de manière réitérée les femmes comme étant inférieures, faibles et vénales, devant être guidées et contrôlées par les hommes et pouvant être séquestrées au nom de la religion», toujours selon l’arrêté. «Il va falloir qu’on bouscule cette société, cette société belliqueuse et pourrie», a-t-il également dit, d’après ce document.

Expulsion

« Comment barrer la route de Marine Le Pen, » explique Aquilino Morelle

La candidate du RN est aux portes de l’Elysée et il dresse les contours d’un hypothétique sursaut.

Valls et Morelle (g)

Dans un entretien politique de l’hebdomadaire Le Point, l’ancien conseiller de François Hollande revient sur un sondage Ifop donnant Marine Le Pen en tête au second tour de l’élection présidentielle face à Gabriel Attal (51 %) et la formation d’un « gouvernement de combat » dirigé par l’ancien ministre fugace de l’Education pour rivaliser avec le RN lors du scrutin européen… Plus que jamais, l’actualité politique semble tourner autour de la progression apparemment irrésistible du parti fondé en 1972 par Jean-Marie Le Pen.

Une ascension disséquée en novembre dernier par Aquilino Morelle, ancien conseiller de Lionel Jospin à Matignon (1997-2002), puis de François Hollande à l’Elysée (2012-2014), dans son essai La Parabole des aveugles (Grasset)*. Ce patriote passionné et cinglant, qui poursuit de livre en livre une implacable dénonciation des renoncements et des lâchetés de nos dirigeants (L’AbdicationL’Opium des élites), préconise de se confronter enfin à la triple « crise identitaire » française pour empêcher l’accession au pouvoir – si démocratique soit-elle – de Marine Le Pen. [Morelle est aussi un « vieil ami de Didier Tabuteau », actuel vice-président du Conseil d’Etat et ancien directeur général de l’Agence du médicament (actuelle ANSMPS) de 1993 jusqu’en 1997, avec qui il a écrit un ouvrage intitulé La Santé publique (2010) et tous les deux ont été enseignants à Sciences Po à la chaire santé, dont le responsable est …Didier Tabuteau. C’est le rapport Igas qui servira de canevas à l’information judiciaire sur le Mediator. Le rapport de l’Igas rendu public le 15 janvier 2011 fait l’impasse sur la période Tabuteau à l’Agence]. En espérant qu’il ne soit pas trop tard… Entretien.

François Hollande savait-il que son conseiller Aquilino Morelle faisait cirer ses chaussures à l’Elysée ? (09/01/2017)

Le Point : En novembre, vous écriviez dans La Parabole des aveugles que Marine Le Pen était « aux portes de l’Elysée ». Les trois mois qui se sont écoulés vous confortent-ils dans votre analyse ?

Aquilino Morelle : C’est le moins que l’on puisse dire… Attaques terroristes du Hamas le 7 octobre dernier, manifestation contre l’antisémitisme à laquelle le RN a participé – nouvelle étape de sa normalisation –, assassinat du professeur Dominique Bernard par un islamiste tchétchène radicalisé, révolte des agriculteurs : tous ces spasmes violents de notre actualité récente [et surtout le traitement politico médiatique qui en est fait] jouent en faveur de Marine Le Pen et de son parti. Surtout, la lame de fond qui porte le RN et sa candidate reste toujours aussi puissante. Pour bien saisir ce phénomène, il faut revenir quelque peu en arrière dans le temps. Lors des élections présidentielles de 2017 et de 2022, contrairement au battage alors fait, la victoire de Marine Le Pen était en réalité impossible [puisque l’extrême gauche avait appelé à voter poir le banquier Rothschild]. Le « front républicain » était encore efficace, [les media de gauche faisaient peser] une forme d’interdit moral [pesait] sur les électeurs, et la candidate était considérée [caricaturée et décrédibilisée] comme « n’étant pas au niveau ». Un tournant politique s’est opéré en 2022, au moment des législatives de juin, un mois après la difficile réélection d’Emmanuel Macron.

Quel tournant ?

Après avoir obtenu 13 288 686 voix au second tour de la présidentielle, soit trois fois le score de son père lors du choc du 21 avril 2002 (4 804 772 voix), et soixante-dix fois celui du même en 1974, 190 921 suffrages), une première performance, Marine Le Pen a réussi à faire élire 89 députés RN. Ce résultat a fait du RN le deuxième parti de l’Assemblée nationale et représente plus deux fois et demie le résultat atteint à la proportionnelle par le FN en 1986 (35 députés). Or, et c’est là un point essentiel, ce score a été atteint cette fois-ci au scrutin majoritaire, un mode de scrutin conçu non seulement pour dégager des majorités à l’Assemblée nationale, mais, ce faisant, pour permettre également d’isoler ou de cantonner les partis jugés extrémistes.

Ce mécanisme politique et électoral puissant, qui a fonctionné de 1958 à juin 2022, n’a pas suffi, cette fois-ci, pour endiguer la poussée considérable du RN. C’est cette poussée qui explique que ce parti a réalisé le grand chelem dans quatre départements (Haute-Saône, Haute-Marne, Pyrénées-Orientales, Aude) et a manqué d’un seul siège cette performance dans cinq autres (Var, Vaucluse, Aube, Eure, Yonne). Plus aucune région, même plus l’Ouest – longtemps imperméable au FN –, n’est dorénavant épargnée. Géographique, cette poussée est aussi sociologique : toutes les classes sociales, y compris la fonction publique d’Etat, hospitalière et territoriale, [secteurs abandonnés de la République], sont pénétrées par le vote RN.

Enfin, ce parti séduit désormais toutes les classes d’âge, et en particulier les jeunes. Il s’agit aujourd’hui d’un parti puissant, organisé, institutionnalisé, se transformant en un parti « attrape-tout » (catch-all party) [l’anglicisme apporte-il quelque chose?]. C’est ce que j’appelle le « troisième FN », qui a succédé au groupuscule d’extrême droite créé en 1972 par Jean-Marie Le Pen puis au parti recentré et dirigé, à partir de 2012, par sa fille, Marine Le Pen, une femme jeune, ayant condamné les dérives racistes et antisémites de son père, qu’elle a d’ailleurs exclu de ce parti en 2015, et ayant rebaptisé le FN en RN en 2018. Une femme qui, surtout, contrairement à son père, veut conquérir le pouvoir. Pour toutes ces raisons, la perspective de sa victoire en 2027 a acquis une consistance inédite.

Seul un candidat « néo-sarkozyste » pourrait barrer la route de Marine Le Pen 

Le « progressiste » Emmanuel Macron veut aujourd’hui que « la France reste la France », promet de réindustrialiser le pays, appelle au retour de l’autorité et nomme à Matignon Gabriel Attal, défenseur des « classes moyennes »… Est-il sorti de l’aveuglement sur les causes du vote RN ?

Je l’espère et j’ai tendance à le croire. De façon de plus en plus nette au cours de ces derniers mois, Emmanuel Macron a, en effet, et heureusement, mis fin à ce que j’ai appelé « la jurisprudence Tapie », celle qui consistait à considérer les électeurs du RN soit comme des « salauds », soit comme des « stupides » – pour reprendre le langage fleuri qu’affectionnait l’ancien homme d’affaires devenu ministre par la grâce de François Mitterrand. Après sa réprimande à Elisabeth Borne, en mai, après qu’elle a considéré le RN comme « héritier de Pétain » (« On ne peut plus battre l’extrême droite dans notre démocratie simplement avec des arguments historiques et moraux »), ses propos lors de son interview à C à vous [« Si on veut éviter que le RN arrive au pouvoir, il faut traiter les problèmes qui le nourrissent », NDLR] s’inscrivaient dans la même veine, celle du réalisme politique, et non plus de la condamnation morale.

Encore faut-il que cette inflexion du discours se traduise par des actes face aux causes du vote RN. C’est l’enjeu – décisif – des semaines et des mois à venir. Quant à Gabriel Attal, il a d’abord été choisi pour sa proximité intellectuelle et personnelle avec le chef de l’E1tat, et pour sa plasticité politique. Il a été nommé à Matignon, ce qui somme toute est bien logique, pour appliquer la politique décidée par le président Emmanuel Macron. Seule celle-ci compte.

Emmanuel Macron semble chercher à renouer avec le sarkozysme, pourtant vaincu à l’élection présidentielle de 2012 puis lors de la primaire de 2016. Pourquoi ?

Peut-être parce qu’il a une mémoire moins courte que la vôtre… Peut-être se rappelle-t-il que Nicolas Sarkozy a été le seul candidat à parvenir à faire reculer le FN, incarné en l’occurrence par Jean-Marie Le Pen, à l’élection présidentielle, le faisant passer de 16,86 % des voix le 21 avril 2002 à 10,44 % cinq ans plus tard, en 2007. Ce résultat a été obtenu grâce un discours à la fois « social », « de gauche » (l’invocation des mânes de Jean Jaurès, la présentation comme « Français de sang-mêlé », le « travailler plus pour gagner plus »), et « identitaire », « de droite » (la défense de l’identité française). Reste que rééditer une telle performance vingt ans après, alors que l’électorat de droite est scindé entre des classes populaires ralliées au RN et des bourgeois réfugiés chez Emmanuel Macron, constituerait cette fois un véritable exploit !

Ce choix du président de la République renvoie, sans nul doute, à sa préoccupation de ne pas voir ses deux quinquennats résumés en une phrase : « le président de la Ve République qui a transmis à Marine Le Pen le code de l’arme nucléaire le 9 mai 2027 ». Car, il faut bien le saisir, aujourd’hui, seul un candidat tenant un discours à la fois social et « identitaire » – un mot réducteur, car l’identité de la France inclut aussi les questions sociales, républicaines, industrielles et agricoles – pourrait barrer la route à Marine Le Pen. En ce sens, seul un candidat adoptant une stratégie politique que l’on pourrait qualifier, pour simplifier, de « néosarkozyste » me paraît en mesure de réussir ce qui s’apparente de plus en plus à une prouesse politique et électorale. Et à condition d’agir vite, très vite, car le temps joue pour Marine Le Pen.

Quelles seraient les personnalités susceptibles d’incarner ce « néosarkozysme » ?

La gauche partidaire, du PS à LFI en passant par les écologistes, est disqualifiée, avec une exception pour le candidat du PC, Fabien Roussel, qui, sur bien des points, « sauve l’honneur de la gauche », pour reprendre la formule du regretté Jacques Julliard. De ce côté-là, seules des personnalités fortes et ayant compris la nature de la crise française, celles de Manuel Valls et d’Arnaud Montebourg [si usés et disqualifiés soient-ils?], pourraient être entendues des Français.

Ce sont pourtant des hommes marginalisés à gauche…

C’est précisément parce qu’ils le sont qu’ils pourraient avoir une audience auprès de nos concitoyens [paradoxal ou faute de mieux]. Car la « gauche » actuelle, celle née du tournant fédéraliste, libéral et communautaire opéré par Mitterrand à partir de mars 1983, après avoir abandonné les ouvriers et les classes populaires à leur sort, s’est coupée du corps central du pays en refusant, par bêtise idéologique et ignorance historique, de comprendre l’ébranlement identitaire qu’a connu la France et que vivent les Français depuis quarante ans.

L’hypothèse la plus logique et la plus probable serait par conséquent celle d’un candidat issu soit de la droite parlementaire – Laurent Wauquiez, Xavier Bertrand [Xavier Bertrand, ministre de la Santé au moment où éclate le scandale du Mediator, en 2010, avait choisi Aquilino Morelle comme inspecteur Igas pour cette mission] –, soit de ce qui restera du macronisme – Edouard Philippe, Jean Castex, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin ou Rachida Dati. A condition d’être capable de rallier les classes populaires et de s’emparer avec vigueur et lucidité des trois dimensions de la crise identitaire française : désindustrialisation et déclassement économique (l’agriculture comprise), immigration incontrôlée et dilution de la France dans une Europe de plus en plus fédéralisée. C’est une condition sine qua non. Pour être tout à fait honnête, peu des noms que je viens de citer me paraissent en mesure de la remplir. [Morelle est la « plume » du Premier ministre Lionel Jospin]

Les réticences d’Emmanuel Macron face à la version finale de la loi immigration, finalement en large partie censurée par le Conseil constitutionnel, ne jettent-elles pas le doute sur sa résolution à s’attaquer aux causes du vote RN ?

Si l’on veut s’attaquer réellement à ce problème, il faut combattre de manière déterminée l’immigration irrégulière, devenue une immigration « du fait accompli », selon la formule d’Edouard Philippe, et non restreindre les droits de ceux qui se trouvent en situation régulière [Morelle est né dans une famille d’immigrés espagnols]. Certaines dispositions de la loi, comme la facilitation des expulsions, ont été maintenues par le Conseil constitutionnel – et c’est tant mieux. Mais les expulsions resteront difficiles à réaliser.

L’essentiel est de contenir les flux de migrants irréguliers [ils ont un nom, « clandestins »], une problématique à la fois nationale et européenne. Il faudra être capable de repositionner la France par rapport à l’Union européenne, soit par la révision de la Constitution, soit par la révision des traités [et les deux]. En trois ans, Emmanuel Macron a encore le temps de commencer à maîtriser l’immigration irrégulière et de le faire sentir aux Français. C’est la condition sine qua non du succès de l’opération de sauvetage de ses deux quinquennats qu’il semble avoir entamée. En effet, partout en Europe où cette question n’est pas traitée, l’extrême droite l’emporte directement (Italie) ou indirectement (Suède, Danemark).

Une victoire de Marine Le Pen serait-elle vraiment une catastrophe pour la France ?

Je ne porte aucun jugement moral sur ses plus de 13 millions d’électeurs de mai 2022. Je comprends leur colère, mais, en l’occurrence, la colère est mauvaise conseillère. Si je ne crois pas qu’elle soit antisémite, raciste, xénophobe, son parti a une histoire politique dans laquelle s’inscrivent toujours certains de ses proches. Par ailleurs, je suis convaincu qu’elle se sert du peuple afin d’accéder à l’Elysée plutôt qu’elle ne sert le peuple. Son niveau de compétence ne paraît pas celui que l’on peut espérer du dirigeant d’un pays comme la France. Quant à la question décisive de l’équilibre à retrouver entre souveraineté nationale et participation au projet européen, je ne discerne toujours pas la nature de sa position.

Un autre candidat que Marine Le Pen, par exemple Jordan Bardella, aurait-il plus de chances qu’elle d’accéder au pouvoir ?

Les ressorts de la poussée du RN sont, on l’a vu, anciens et puissants. En ce sens, le RN est aujourd’hui le premier parti de France, comme on le vérifiera dans trois mois à l’occasion des élections européennes. Mais l’élection présidentielle reste, ainsi que l’avait caractérisée Charles de Gaulle, la « rencontre d’un homme et d’un peuple ». La question de l’incarnation et de la crédibilité personnelle est fondamentale pour ce scrutin. A cet égard, il se pourrait que, peut-être encore, son patronyme, Le Pen, reste l’ultime obstacle à son élection. Je ne ferai pas ce pari et je ne conseille pas de le faire. C’est ce qui pousse certains, au RN et ailleurs, à considérer que Jordan Bardella ferait un meilleur candidat.

Le modèle républicain exigeant que vous défendez – assimilation, patriotisme, promotion par l’école et le mérite – n’est-il pas anachronique dans un pays «  archipélisé  », américanisé et individualiste ?

J’aime la France qu’aiment tous les Français ! L’exigence que vous soulignez du modèle républicain est celle que souhaitent la plupart de nos concitoyens ! Après quinze ou vingt ans de dérive, ils ont majoritairement compris que l’école doit redevenir un sanctuaire. Quant à l’américanisation, elle n’est pas incompatible avec le patriotisme. Je constate que le président du RN s’appelle Jordan et tient un discours nationaliste. Il n’y a pas de fatalité de cet ordre-là.

Jean-Luc Mélenchon, votre ancien camarade au PS, est-il un héritier de ce « mitterrandisme » (lancement de l’Europe fédérale, « dérive communautariste et immigrationniste ») qui a, selon vous, conduit la gauche au désastre électoral ?

Sans avoir fait partie de ses intimes, Jean-Luc Mélenchon a toujours été un admirateur passionné de François Mitterrand. C’est peut-être ce qui l’a empêché, alors qu’il s’est montré un critique impitoyable de la dérive libérale de l’Europe, de voir que celle-ci était le revers du fédéralisme que Mitterrand a initié à partir du tournant de mars 1983, avec la nomination de Jacques Delors pour dix ans à la tête de la Commission européenne (1985-1995), l’Acte unique en 1986 et le traité de Maastricht en 1992. Lui aussi s’est ainsi montré aveugle à l’égard de celui qu’il continue probablement de vénérer.

Aujourd’hui, à l’inverse de Mitterrand, il ne cherche pas à rassembler, mais à diviser et à cliver. Il pense que seule une situation chaotique pourrait, en le mettant en face de Marine Le Pen lors d’un second tour de l’élection présidentielle, le faire accéder à l’Elysée. C’est là un calcul fou et une hypothèse fausse, car je suis convaincu que, dans un tel cas de figure, il serait battu. Bref, sa démarche actuelle me semble avoir bien peu à voir avec Mitterrand et beaucoup avec la Seine-Saint-Denis, son bastion électoral, qu’il considère comme un point d’appui pour étendre son assise politique et accéder au pouvoir.

*La Parabole des aveugles : Marine Le Pen aux portes de l’Élysée, d’Aquilino Morelle

Europe 1 en flagrant délit de colportage de fake news échappant à la moulinette des fact checkers :