Pannier-Runacher a autorisé la purification des eaux minérales… naturelles

Borne, ex-ministre de la Transition écologique de Macron, a caché des pratiques interdites

Fin du débat
eau du robinet
vs
eau minérale

L’exécutif était au courant depuis 2021 des pratiques non conformes de Nestlé, mais a préféré alléger la réglementation en sa faveur plutôt que de saisir la justice. L’Américain n’est pas le seul à imposer ses volontés à Macron. En fait, tout commence en décembre 2020, après un signalement de fraudes au sein du groupe Sources Alma, qui produit une trentaine d’eaux en bouteille en France, dont Cristaline, « l’eau préférée des Français », vantée par Guy Roux, Rozana, recommandée par un papi sympa qui fleure bon le terroir, puis son fils, esprit sain dans un corps sain, mais aussi Saint-Yorre, Vichy Célestins ou encore l’eau de Châteldon, une eau « d’exception » qui « se fit connaître à la cour des rois de Versailles pour ses vertus digestives », selon le site internet de la marque.

Pierre Papillaud,
capable de vendre l’eau du robinet
au prix de l’eau minérale naturelle

Les bouteilles de Perrier, mais aussi de Vittel, Hépar et Contrex, ont été concernées par des traitements interdits, révèle une enquête du Monde et de Radio France.

Le gouvernement d’Elisabeth Borne savait depuis 2021 que plusieurs industriels de l’agroalimentaire ont appliqué des traitements et filtrages interdits sur leurs eaux en bouteille, révèle cette enquête publiée ce mardi 30 janvier.

Pire, le gouvernement – de la personne de l’ineffable Agnès Pannier-Runacher, aurait assoupli la réglementation pour permettre la poursuite de pratiques non conformes chez le Suisse Nestlé.

Tout commence fin 2020, quand un ancien employé de la société du groupe Sources Alma (Cristalline, Saint-Yorre…) fait un signalement à la direction générale de la concurrence, du commerce et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui n’avait rien détecté par elle-même. L’enquête administrative qui s’ensuit révèle des pratiques « frauduleuses »dont la désinfection de l’eau à l’ozone et la « filtration de l’eau aux UV », rapporte Le Monde.

Rendez-vous avec Agnès Pannier-Runacher

Les enquêteurs découvrent surtout que le groupe Alma est loin d’être le seul à appliquer ce genre de traitements. Parmi les industriels qui achètent des filtres non autorisés figurent notamment le géant suisse Nestlé Waters (Perrier, Vittel, Hépar et Contrex).

Se sentant en danger, Nestlé contacte la ministre de l’Industrie d’alors, Agnès Pannier-Runacher, et une rencontre est organisée à Bercy à l’été 2021. Lors de cette réunion, la multinationale argue qu’elle a besoin de filtrer au maximum ses eaux à cause de nombreuses contaminations bactériennes de ses exploitations.

Nestlé demande par ailleurs au gouvernement de lui accorder la permission d’utiliser les filtres les plus puissants, avec une filtration à moins de 0,8 micron. Ce genre de filtres n’est pas autorisé pour les eaux minérales naturelles et eaux de source car elles sont normalement « microbiologiquement saines », explique un avis de 2003 de l’Agence française de sécurité sanitaire (actuelle ANSES) des aliments (Afssa, alors), dépendant du ministère de la Santé, occupé par Jean-François Mattei. Ils sont uniquement acceptés pour traiter l’eau du robinet ou les « eaux rendues potables par traitement ».

Le gouvernement ne saisit pas la justice

Les bouteilles de Perrier, mais aussi de Vittel, Hépar et Contrex, ont été concernées par des traitements interdits, révèle une enquête du Monde et de Radio France.

Le gouvernement est donc au courant dès août 2021 de la situation et des doléances de Nestlé, mais la ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon (PS, LREM), décide de gérer la crise en interne, sans en informer la justice. Pourtant, selon l’article 40 du code de procédure pénale, tout officier public « ayant acquis la connaissance d’un crime ou d’un délit » doit immédiatement saisir le procureur de la République, rappelle Radio France. Même s’il ne saisit pas la justice, Bercy (Francis Mer) décide tout de même de saisir l’inspection générale des affaires sociales (Igas) en novembre 2021.

Il ressort de l’enquête de l’Igas un rapport accablant publié en juillet 2022 : plus d’un tiers des marques d’eaux embouteillées en France subiraient des traitements non conformes. Et 100 % des marques d’eau de Nestlé sont concernées.

Assouplir la réglementation

Dans « toutes les usines du groupe », la note souligne une « microfiltration en deçà de 0,8 micron mais aussi charbon actif et ultra-violet dont l’interdiction est absolue, ne laissant place à aucune interprétation. » Pire, l’entreprise aurait volontairement caché sa pratique aux ARS en cachant ses traitements dans des armoires électriques.

Mais malgré ce rapport de l’Igas qui confirme les pratiques de Nestlé, le gouvernement décide d’aider la multinationale suisse et en assouplissant la réglementation des autorités sanitaires concernant les eaux minérales.

De fait, en février 2023, lors d’une réunion interministérielle, l’exécutif donne le droit aux préfets de prendre des arrêtés autorisant la microfiltration en deçà de 0,8 µm, indique l’enquête du journal Le Monde et de Radio France.

Bruno Le Maire y défend cette décision auprès de la presse, en s’appuyant sur un avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire alimentaire nationale de 2023, qui indique qu’une filtration maximum peut être utilisée pour retenir certaines particules. Mais le directeur général de l’Anses a, quant à lui, répondu dans un courrier au gouvernement que les filtres utilisés ne devraient jamais « viser à masquer une insuffisance de qualité ».