Belloubet enterre déjà les groupes de niveaux d’Attal

Belloubet entraîne le premier ministre dans les promesses de Gascon

On adore la présentation par Les Echos du conflit ouvert par Belloubet avec Attal:
elle « assouplit » la réforme !

Gabriel Attal avait annoncé le 5 décembre que tous les cours de mathématiques et de français seraient organisés par « groupes de niveau », dès la rentrée 2024 pour les élèves de 6e et 5e et à partir de 2025, pour les 4e et 3e. Un mois après l’arrivée à sa tête, Nicole Belloubet se laisse happer par le syndicat dominant à l’Education nationale. Finis les « groupes de niveau » au collège, vive les « groupes de besoin » ! 

Derrière ce changement d’appellation, c’est toute une partie de la réforme voulue par Gabriel Attal qui est enterrée. Elle avait suscité de vives critiques et provoqué une onde de choc dans l’Education nationale dominée par la gauche.

Après des discussions avec les syndicats – de nouveau reçus, ce mardi -, l’entourage de la ministre indique que les enseignements de mathématiques et de français des élèves de 6e et de 5e ne se feront pas systématiquement en groupes. Il y aura « des dérogations », avec des enseignements en classe entière

Attal devait emporter l’EN à Matignon, mais Nicole Belloubet choisit l’alternance… politique

Gabriel Attal avait annoncé le 5 décembre que tous les cours de mathématiques et de français seraient organisés par « groupes de niveau », dès la rentrée 2024 pour les élèves de 6e et 5e et à partir de 2025, pour les 4e et 3e. Une mesure qui avait séduit, notamment les victimes du pédagogisme.

Ce sera donc finalement une alternance entre enseignements en groupes et en classe entière. Mais dans quelle mesure ? Il n’y aura « pas de proportion cible », indique le ministère en attendant la publication des textes, en fin de semaine prochaine.

L’alternance ne sera pas pédagogique et se fera sous la responsabilité du chef d’établissement. Les groupes d’élèves en difficulté pourront être au nombre de quinze, comme l’avait annoncé en décembre Gabriel Attal, mais ce ne sera « pas une contrainte ».

« L’essentiel est que [la réforme] soit mise en place et que les moyens soient au rendez-vous. » (Gabriel Attal, premier ministre bafoué)

« On n’est plus dans l’idéologie qui mettait les faibles avec les faibles et les forts avec les forts, et ça, symboliquement, c’est très important, se félicite Bruno Bobkiewicz, à la tête du principal syndicat de chefs d’établissement, le SNPDEN, affilié à la fédération UNSA Education, successeur de la FEN. On a eu satisfaction sur l’essentiel, c’est-à-dire sur le fond. Ensuite, on n’a pas tout réglé, notamment la question des moyens. »

Certains collèges ont reçu des moyens qui leur permettront de faire des groupes à géométrie variable, avec l’appui d’un inspecteur académique. Pour les établissements qui n’ont rien reçu, ce sera beaucoup plus compliqué.

Depuis décembre, enseignants et chefs d’établissement ont alerté pour expliquer que les 2.300 postes – correspondant en partie à des redéploiements – annoncés par Gabriel Attal, ne seraient pas suffisants pour mettre en place les groupes de niveau et risquaient d’entraîner des suppressions d’options ou de demi-groupes en sciences, par exemple. Il en faut au moins 4.500, avait alerté le SNPDEN.

L’enseignement privé sous contrat avait expliqué aussi qu’en l’absence de moyens supplémentaires, les groupes de niveau étaient impossibles à mettre en oeuvre sans supprimer des options ou des dédoublements de classes.

« Il n’y a aucun changement, la souplesse a toujours été possible – notamment car on prévoit depuis le début que les élèves puissent changer de groupes de façon fluide au cours de l’année, a assuré Gabriel Attal auprès de quelques journalistes. Et pour ça, j’avais obtenu en décembre des crédits supplémentaires pour mettre en place les groupes de niveau. Je n’exclus pas d’en rajouter un peu. L’essentiel est que cela soit mis en place et que les moyens soient au rendez-vous », insiste le premier ministre.

De son côté, Nicole Belloubet assure dans un entretien avec « Le Monde » que sa « préoccupation est de tout faire pour rendre possible [l’engagement de Gabriel Attal] et le rendre applicable sur le terrain. Je demande aux enseignants de travailler avec leurs élèves en groupes tout au long de l’année scolaire », ajoute-t-elle, tout en parlant de l’introduction d’une « certaine souplesse pour les principaux de collèges. »

« Un recul »

Pour justifier ce revirement, le ministère – accusé de vouloir faire du « tri » entre les élèves – assure qu’il faut « éviter l’assignation dans un groupe pour un élève donné », et vouloir « préserver des temps d’enseignement de français et de mathématiques en classe complète ».

« C’est un recul de la ministre et du gouvernement qui est à mettre à l’actif de la mobilisation », s’est félicitée Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU, syndicat dominant dans le secondaire d’extrême gauche.

Dans la pratique, l’organisation reposera sur les chefs d’établissement. Les situations « diffèrent d’un collège à l’autre », justifie la ministre, renouant avec l’auto-gestion : « ce n’est pas à moi, depuis le ministère, de dicter l’emploi du temps dans chaque établissement ». Pour les principaux de collège, la mise en oeuvre s’annonce complexe.

Mais c’est aussi l’application du renforcement de l’autonomie des établissements, une promesse inscrite dès 2017 dans le programme présidentiel du chef de l’Etat. « Sans le dire, Nicole Belloubet utilise les arguments de Macron pour contrer ceux d’Attal, c’est brillant », relève un connaisseur du secteur.