Deux passeurs présumés arrivent tachés de sang et casqués : psychodrame au tribunal d’Evry

La justice-spectacle distribue-t-elle des César?

Le tribunal d’Evry-Courcouronnes (Essonne) a connu une audience très mouvementée, le 18 décembre dernier, marquée par le comportement… suicidaire de deux passeurs présumés jugés en comparution immédiate.

En fin d’après-midi, deux des prévenus sont arrivés en pleurs dans leur box, chacun un casque sur la tête, l’un avec le t-shirt en sang. Ils avaient tenté de se mutiler dans les geôles du tribunal.

Hussain et Naveed étaient jugés pour avoir aidé à faire entrer en France, de manière illégale, plusieurs ressortissants étrangers. Arrêtés le 13 décembre à Grigny, ils auraient convoyé 40 clandestins (dont un mineur) entre la frontière italienne et l’Essonne, dans un Renault Master, à raison de plusieurs voyages. En Ile-de-France, les passeurs faisaient payer jusqu’à 15.000 euros le rêve européen de « personnes sans papiers », ce qu’on appelle des clandestins, destinées à être logées, dans un premier temps, à Grigny, commune PCF. L’un d’eux, Hussain, a déjà été condamné à Grenoble, six mois plus tôt, en juin dernier, pour ces mêmes faits. Un récidiviste…

Les deux individus d’origine pakistanaise arrivent dans le box des accusés vers 18h. La présidente du tribunal écarquille grands les yeux : Hussain porte un casque de moto. « Il vient de se cogner la tête contre les murs de sa geôle », explique le responsable de l’escorte pénitentiaire. L’homme a eu le crâne ouvert et s’est fait soigner.

« C’est de la comédie »

A deux mètres de lui, dans le même box, Naveed porte un casque de boxeur, ouvert sur le dessus, et gémit dans un t-shirt éclaboussé de taches de sang. Toujours en geôle, l’homme a utilisé son zip de veste pour se trancher légèrement la gorge et les veines du poignet.

Assistés d’un interprète, les deux Pakistanais font alors du chantage au suicide : ils se attenteront à leur vie s’ils partent en prison. Ils jurent qu’ils sont « innocents » en implorant le tribunal, les deux mains jointes.

Devant ce spectacle « peu habituel » de l’aveu de la présidente, la procureure assène : « Nous sommes pris en otage, c’est de la comédie. » Et pointe les faits, graves, dont sont accusés les deux hommes : « La misère n’est pas de ce côté de la barre. Elle est chez les personnes entassées dans cette camionnette. »

Se pose forcément la question du renvoi, ou non, de l’affaire. « On ne juge pas des gens casqués et couverts de sang », décrète la présidente.

La notion de …santé mentale est également évoquée au cours des débats, un classique du moment. Une expertise est évoquée. L’avocat des deux suspects, comme le reste du tribunal, est pour. Mais pas les principaux intéressés, qui affirment, dans un moment loufoque à souhait, qu’ils n’ont « pas de problème particulier ».

L’affaire a bien été renvoyée au 25 janvier 2024. D’ici là, les deux suspects sont maintenus en détention, nourris, logés, et devront subir une expertise psychiatrique. « Le 25, il faudra arriver calmes », leur a lancé la présidente, en conclusion.

Le César du meilleur acteur sera attribué, mais à qui celui du meilleur scénario sera-t-il remis, les avocats ou les associations de soutien aux pseudos « réfugiés » ?

Les deux Pakistanais sont-ils en situation régulière?