Le Turc Naf Naf n’a pas su saisir sa chance
L’hécatombe se poursuit dans les rangs de la mode hexagonale. La pandémie de Covid-19 a précipité les enseignes de prêt-à-porter dans des difficultés économiques. Confinements à répétition, fermetures des commerces non essentiels, inflation, émergence de l’ultra fast fashion, ventes privées et soldes en quasi continu ont pris ces marques de court…. Pour les entreprises du secteur, survivre est de plus en plus compliqué. Même des mastodontes, comme le géant japonais Fast Retailing, sont mis à mal en France. En juin 2023, le groupe envisageait ainsi de supprimer un tiers de ses magasins Princesse TamTam, deuxième chaîne de distribution française de libgerie en 2005, et Comptoir des Cotonniers, racheté en 2005 par le Japonais .
Le même mois, le label Jennyfer était placé en redressement judiciaire. Plus tôt dans l’année, c’était le chausseur San Marina qui fermait définitivement les portes de ses 163 magasins. Le troisième trimestre 2023 ne se termine pas sur une meilleure note, puisque c’est au tour de Naf Naf de connaître des turbulences. D’après les informations du site spécialisé Fashion Network, la marque a demandé son placement en redressement judiciaire le mardi 29 août. Selçuk Yilmaz, le président de Sy, le groupe franco-turc qui détient l’enseigne, a précisé au medium français précité : « Ce choix est fait afin de permettre à Naf Naf de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires permettant d’assurer la continuité d’exploitation ». Parce que, s’il confirme la mauvaise santé d’une entreprise, le redressement judiciaire ne signifie pas sa mort inévitable. Au contraire, avec l’aide d’un-e administrateur, la société fait le point sur ses dettes, sa masse salariale et ses perspectives d’avenir. En fonction des observations dressées lors de cette période, qui peut durer jusqu’à 18 mois, l’entreprise peut être vendue, liquidée, autorisée à continuer son activité ou incitée à mettre en place un plan de redressement judiciaire, pour faire face à « des arriérés de paiement de loyers » accumulés durant la période de Covid. Naf Naf n’avait pas été éligible aux aides durant la crise sanitaire, a précisé le porte-parole..
Naf Naf peine à se positionner
En mai 2020, c’est ce dernier cas de figure qui avait été choisi pour Naf Naf, déjà dans une mauvaise passe. Plus récemment, l’enseigne a dû se séparer de 27 salariés de son siège implanté à Asnières-sur-Seine. Cette fois-ci, ce sont quelque 868 personnes qui seraient menacées si la griffe venait à connaître une liquidation judiciaire. Après cinquante années d’existence, la société d’habillement, lancée par deux frères dans le quartier parisien du Sentier, compte 215 boutiques. Pour célébrer son demi-siècle d’activité, la marque a imaginé, au printemps dernier, une ligne de vêtements aux inspirations rétro, édités en série limitée. Des pièces pop qui ont attiré l’attention d’un public éloigné de sa cible habituelle, mais qui n’ont pas suffi à redynamiser l’image de Naf Naf. Dans les prochains mois, l’entreprise devra chercher comment prendre la parole auprès de consommatrices de plus en plus digitales pour continuer à les séduire et s’assurer, peut-être, un avenir.
Une audience « en début de semaine prochaine »
Une audience devrait se tenir « en début de semaine prochaine » auprès du tribunal de commerce de Bobigny (Seine-Saint-Denis) et l’entreprise devrait « déposer un plan de continuation », selon une source proche du dossier. La société avait commencé à se restructurer et supprimé 27 postes en juin 2023 dans le cadre d’un PSE (plan de sauvegarde de l’emploi), a indiqué le porte-parole.
Elle avait cependant déjà été placée en redressement judiciaire en mai 2020 (avant les effets tangibles de la Covid…) et reprise dans la foulée par le groupe de son fournisseur franco-turc SY, qui est toujours son actionnaire, et qui avait déjà acquis l’enseigne Sinéquanone en 2019. Le Turc était en compétition avec le français Beaumanoir (propriétaire de Morgan).
La fin du prêt-à-porter français
Le secteur du prêt-à-porter en France est secoué depuis plusieurs mois par une violente crise. Camaïeu, Kookaï, Burton of London, Gap France, André, San Marina, Kaporal, Don’t Call Me Jennyfer, Du Pareil au Même et Sergent Major… Ces marques bien connues des consommateurs français ont souffert d’un cocktail détonnant: pandémie, inflation, hausse des coûts de l’énergie, des matières premières, des loyers et des salaires et concurrence de la seconde main.
Il a été fatal pour certaines marques, qui ont été liquidées, comme Camaïeu en septembre 2022, dont le licenciement des 2.100 salariés a fortement marqué les esprits. D’autres sont en redressement judiciaire, comme Kookaï ou Burton of London. Sans en arriver là, d’autres encore réduisent la voilure, taillant dans les effectifs et fermant des magasins, comme Princesse Tam Tam, Comptoir des Cotonniers (groupe Fast Retailing) ou Pimkie.