Edouard Philippe lance un nouveau parti, baptisé «Horizons»

Le sémillant Dussopt (ex-PS) pourrait s’en voir confier la direction

Un artifice qui souligne l’appartenance de Macron à la gauche. Quinze mois après avoir quitté son poste de premier ministre, l’ancien premier ministre, Edouard Philippe, a officiellement lancé son parti, Horizons, dimanche 10 octobre au Havre, pour « constituer une nouvelle offre politique » et élargir vers la droite le socle de soutiens à Macron.

Horizons sera un attrape-nigauds: «Avec Horizons, nous allons définir une stratégie pour la France, c’est une aventure collective», a lancé Edouard Philippe, un renégat du parti Les républicains (LR) qui voudrait entraîner avec lui les mouches avec du miel, alors que les députés égarés derrière LREM lui trouve un goût de vinaigre, à force de mépris.

Le sergent recruteur normand explique que le nom avait été choisi «parce qu’il [lui] faut voir loin» et «participer à la constitution d’une nouvelle offre politique». «Son positionnement, c’est devant», avec «une logique de partenariat, de rassemblement», et «la ligne est de préférer la sérénité à la fébrilité», a-t-il ajouté. 

Soutien officiel à Macron jusqu’en 2022

Et «la deuxième ligne claire est le soutien au président de la République» pour que «les cinq années qui viennent soient des années utiles». Car «très clairement, mon objectif en 2022 est qu’Emmanuel Macron soit réélu», a-t-il lancé, alors que certains le soupçonnent de vouloir faire cavalier seul, alors même que la macronie essaie de construire une «maison commune».

Malaise: Philippe dénonce déjà l’hégémonie de LREM

Philippe, leurre de la droite

«Si c’est une bannière, nous serons derrière», a-t-il assuré, très applaudi, tout en demandant une égalité de traitement dans cette «maison commune» avec LREM et MoDem.

Les patrons des trois groupes parlementaires de la majorité à l’Assemblée nationale française, Christophe Castaner (LREM), Olivier Becht (Agir, de Franck Riester) et Patrick Mignola (MoDem, de François Bayrou) avaient fait le déplacement. Participaient aussi au rendez-vous 160 maires, 600 élus locaux (dont les maires de Fontainebleau Frédéric Valletoux, 55 ans, et de Reims, Arnaud Robinet, 46 ans) et une soixantaine de parlementaires, dont Marie Lebec, Pierre-Yves Bournazel, Naïma Moutchou ou Marie Guévenoux. Que des jeunes ambitieux se projetant en 2027 ?

Au cours de son discours de presque deux heures, émaillé de références à Nicolas Sarkozy, Valéry Giscard d’Estaing et Alexandre Dumas, Edouard Philippe a évoqué «quatre transformations extrêmement massives et signifiantes» que devra affronter le pays – démographique, environnemental, géopolitique et technologique – et défendu «la constance» et «la cohérence» pour y répondre.

Il a également appelé à «remettre de l’ordre dans nos comptes et dans nos rues», et a longuement défendu son idée de porter «probablement» à «65, 66, 67 ans» l’âge de départ à la retraite. Autant de clins d’oeil à droite, que l’ex-LR est soupçonné dans son ancienne famille de vouloir siphonner à l’approche de 2022, en profitant des hésitations sur le nom du candidat ou de l’attrait que pourrait exercer Eric Zemmour sur les plus droitiers.

«La poutre travaille, et croyez-moi, elle n’a pas fini de travailler», a affirmé Edouard Philippe, en allusion à une recomposition politique qui reste «évidemment en cours». Et la réélection de Macron «passera par un élargissement de sa base électorale», a-t-il fait valoir.

A son arrivée au Havre, Olivier Becht avait déjà assuré, en évoquant les adhérents «chez LR et à l’UDI qui partagent nos valeurs», que «si Edouard Philippe arrive à ramener ces gens dans la maison commune [sic: les enfants prodigues sont les autres…], c’est autant de points positifs pour élargir la majorité et faire en sorte qu’Emmanuel Macron soit réélu en 2022». Le nouveau parti permettra de constituer «une formidable attaque, mais pas seulement pour l’élection présidentielle», avait abondé Patrick Mignola.

Une charte de 20 principes

Dans ce dispositif, les élus seront cruciaux, beaucoup de maires de droite Macron-compatibles ayant déjà rejoint le mouvement «La République des maires». La nouvelle formation leur réservera une place de choix, puisqu’ils auront leur propre «assemblée des maires» qui élira le vice-président.

En septembre 2020, ils étaient 200 élus réunis à Angers autour d’Edouard Philippe pour échanger autour de leurs problèmes communs, dont la crise sanitaire, pas pour tracer la route de l’ancien premier ministre vers l’Elysée, assuraient-ils. Etrangement, Philippe avait demandé avec insistance que cette assemblée de la République des maires, chère à son ami Christophe Béchu, se tienne à huis clos. 

Avec le recul, on est mis en garde sur la sincérité des uns et des autres…« On n’est absolument pas dans l’hypothèse de constitution d’un parti politique, jurait alors Béchu. Le sujet n’est pas de créer quelque chose avec un objectif électoral, coupa-t-il court à la sortie. Les temps que nous traversons nécessitent sans doute plus que jamais d’avoir des réflexions posées. Ça a été un discours de responsabilité avec des phrases très claires sur le fait qu’il n’y avait pas de place aujourd’hui pour les aventures individuelles. »

Les statuts du parti seront déposés lundi, et il sera doté d’une charte de 20 principes défendant notamment «la poursuite de la transformation du pays», «l’ordre», «la justice sociale» et «le projet européen». Il s’agit aussi de combattre «les extrêmes de tous bords», «les ennemis de la laïcité», «les partisans de la décroissance» ainsi que «les naïfs et les populistes de l’immigration».

Sur l’aile gauche de la macronie, le petit parti Territoires de progrès, lancé début 2020 par le ministre des Affaires étrangères (mais faiseur d’histoires avec le monde entier) Jean-Yves Le Drian, tient son propre congrès samedi à Bordeaux.

Rien de tel qu’un ex-socialiste pour rassembler à droite ? Le robot et ministre du Budget Olivier Dussopt (ex-PS) pourrait en récupérer la présidence.

Philippe, « un ami pesant » pour Macron

C’est « une « démarche très intéressante, qui vient s’ajouter à la recomposition générale à laquelle on assiste, » dit de cette nouvelle offre, Jean-François Copé estime que c’est « une « démarche très intéressante, qui vient s’ajouter à la recomposition générale à laquelle on assiste. » Invité des « 4 Vérités » de France 2, lundi 11 octobre, le maire LR de Meaux (Seine-et-Marne) estime toutefois que cette initiative pourrait aussi être « le baiser de la mort » : « Sur deux heures de discours, il a annoncé qu’il soutenait Emmanuel Macron pendant cinq minutes, et tout le reste a été consacré à pointer les deux grands échecs du quinquennat. Il pourrait alors être un ami pesant pour le président,

« Le budget, la « préoccupation numéro 1 ».  « Je suis très étonné de voir que c’est un sujet totalement absent du message présidentiel, et d’ailleurs, il est insuffisamment présent à droite aussi », analyse Jean-François Copé, rappelant que la France a atteint « des niveaux de déficit très élevés ». Pire, selon lui, « on n’en parle pas avec les Français, qui se disent alors que ce n’est pas si grave ». Pour le maire de Meaux, c’est pourtant tout l’inverse : « Ce sont des générations entières qui vont récupérer le poids de la dette et du déficit. »