Ukraine: « il est possible que le pire soit devant nous » (Le Drian)

Poutine laisse en fait une chance aux pourparlers de cessez-le-feu

Le président ukrainien Petro Poroshenko a reçu Joe Biden pour une visite éclair,
en janvier 2017

L’analyse du maléfique Le Drian occulte la reprise des pourparlers ce jeudi. L’avancée russe en Ukraine semble en suspens: les négociations commenceront dès ce jeudi matin dans un lieu en Bielorussie situé « non loin de la frontière avec la Pologne », a précisé le négociateur russe Vladimir Medinski.

Un premier round de pourparlers s’était déjà tenu lundi, également en Biélorussie, ou Bélarus, mais les discussions n’avaient donné aucun résultat tangible: les deux parties avaient placé la barre à un niveau logiquement inaccessible. Kiev appelait à « un cessez-le-feu immédiat » avec le retrait des forces russes sur son territoire. De son côté, Moscou envisageait plutôt « un accord qui doit être dans l’intérêt des deux parties« , rappelle le négociateur russe, Vladimir Medinski, 51 ans, homme politique d’origine ukrainienne, et auteur du roman Le Mur (2012) consacré aux « Temps des troubles » en Russie, de la fin du règne de Fédor Ier (dernier représentant de la dynastie des Riourikides) en 1598 à l’avènement, en février 1613, de Michel Ier Romanov, dont les descendants ont régné jusqu’en 1917, à la veille de la Grande Guerre.

Après une semaine de progression rapide, l’armée russe rencontre désormais la résistance de plusieurs grandes villes: « du coup, on voit apparaître des menaces d’encerclement », commente le ministre qui, à 74 ans, ne réalise pas que Macron l’a déplacé de la Défense à la diplomatie. Pour le ministre des Affaires étrangères, le conflit n’est pas prêt de s’arrêter et pourrait même empirer. Comme nostalgique du ministère des Armées, il note « des menaces d’encerclement dans un certain nombre de villes », mais, comme ministre des Affaires étrangères, il ne prend pas en compte le deuxième round de pourparlers: la guerre a, pour lui, tant de charme….

Le Drian souligne que les forces russes avaient émis l’hypothèse d’un blitzkrieg, « d’une entrée rapide, et qui aurait permis à la Russie d’avoir la maîtrise sur l’Ukraine ». Mais le septuagénaire oublie qu’il a lui-même évoqué la menace nucléaire dont dispose la France, une « arme de non-emploi », dite de dissuasion de l’emploi d’armes de destruction massive. Or, aux manettes, le maître des horloges n’est ni Macron, ni le socialiste qui vante  » la résistance forte de la part des Ukrainiens, exemplaire, très courageuse » et semble vouloir rejouer, pour l’Histoire, le rôle de Guy Mollet (SFIO) dans la Crise de Suez, une guerre de neuf jours qui éclata en 1956 en territoire égyptien (à la suite de la nationalisation du canal de Suez par Nasser), mais bien Poutine. Et le « dictateur » laisse du temps au temps des négociations.

Le Drian cite les réussites de Poutine, mais pour nier la position de force de la Russie dans les pourparlers

« Le Temps des Troubles »

Le Drian assure que les troupes russes marquent le pas face à la résistance ukrainienne. « Du coup, on voit apparaître des menaces d’encerclement dans un certain nombre de villes. Kherson est tombée hier, à Kharkiv ça se poursuit, à Marioupol ça se poursuit, et à Kiev », s’alarme-t-il.

Un million de réfugiés a fui l’Ukraine à destination des pays voisins depuis le début de l’invasion russe il y a une semaine, a affirmé à la louche le haut-commissaire des Nations unies aux réfugiés, Filippo Grandi, jeudi 3. Selon un décompte provisoire de l’ONU au mercredi 2 mars, quelque 836.000 personnes ont fui les troupes russes en Ukraine pour affluer vers les pays voisins.

« Pour des millions d’autres, à l’intérieur de l’Ukraine, il est temps que les armes se taisent pour que l’assistance humanitaire puisse arriver et sauver des vies« , a souhaité Le Drian, tout en soufflant « en même temps » sur les braises de la haine américaine anti-russe d’un Joe Biden, 79 ans, resté figé au temps de la guerre froide. C’est lui qui, en août 2021, a en revanche accéléré le retrait des Etats-Unis d’Afghanistan, lequel a conduit à l’effondrement du gouvernement en place et à la reprise du pouvoir par les Talibans, fondamentalistes islamistes regroupés dans une organisation militaire, politique et religieuse dénommée l’Emirat islamique d’Afghanistan.

La politique internationale des USA déstabilise les équilibres géopolitiques actuels mais Poutine protège son peuple quand, en 2014, il reprend la Crimée, située face à la Turquie au Sud, ou quand, en 2008, il soutient l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. Ces régions ont fait sécession de la Géorgie en 1992 avec le soutien de la Russie, et ont proclamé unilatéralement leur indépendance en 2008, laquelle a été reconnue notamment par la Russie et la Syrie, alors que la Georgie est membre du Conseil de l’Europe (comme la Russie, 1996, et la France, 1949) et que la Convention européenne des droits de l’homme et la Cour européenne des droits de l’homme constituent les chevilles ouvrières: elle ne traite pas des sujets de défense. La Georgie est un état tampon, comme l’Azerbaïdjan, entre la Russie et l’Iran.

L’Ukraine est en proie depuis avril 2014 à un conflit ayant fait plus de 9600 morts. Fin décembre 2016, une nouvelle trêve « illimitée » est entrée en vigueur dans l’est de l’Ukraine entre les rebelles prorusses et l’armée ukrainienne, qui s’accusent mutuellement de violer ce fragile cessez-le-feu.

Les Etats-Unis ont débloqué une importante aide financière pour venir en aide à l’Ukraine. L’administration Obama a toutefois toujours refusé de fournir des armes à Kiev, livrant cependant à l’armée ukrainienne des gilets pare-balles, de l’équipement médical et des radars.

« Le scénario ukrainien avait été écrit en Géorgie en 2008. Il suffisait de vouloir lire »

Par arrogance, les Alliés n’apprennent rien de l’Histoire

Mêmes modus operandi, même stratégie, mêmes justifications : la Russie utilise contre l’Ukraine la même logique qu’à l’égard de la Géorgie, en misant sur la passivité des Occidentaux. Au quatrième jour, les Ukrainiens appellent Macron à se taire un peu et à agir.

Lundi 21 février 2008 au Kremlin, au cours d’une réunion du conseil de sécurité russe consacrée au Donbass qui restera dans les annales comme un grand moment télévisé du pouvoir autocratique, l’ancien président Dmitri Medvedev a fait une comparaison accablant les démocraties occidentales. Il s’agissait de la Géorgie, dont les troupes russes occupent 20 % du territoire depuis que Moscou a reconnu, en 2008, deux petites républiques séparatistes, à l’issue d’une guerre éclair.

« Je me souviens bien de 2008, quand on a décidé de reconnaître l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, a dit D. Medvedev sous l’œil de son successeur, Vladimir Poutine. On a sauvé des centaines de milliers de vies. Aujourd’hui, le risque est plus grand, il y a plus de monde. On sait ce qui va arriver après. On connaît les sanctions. On connaît la pression. Mais on sait aussi comment répondre. Si on sait se montrer patients, ils se lasseront et ils reviendront vers nous pour parler sécurité stratégique et stabilité. La Russie doit reconnaître l’indépendance des républiques du Donbass. [Nous y sommes, 14 ans plus tard] L’expérience montre que la tension retombera. »

Le « grand satan » n’est pas nommé: les USA et ses alliés qui ont appelé à la création de l’OTAN) se sont voulus les ennemis héréditaires du système soviétique depuis 1949 et se reconnaissent. L’OTAN, qui n’a pas su mieux protéger le l’Iran que l’Ukraine, lors de la révolution qui a chassé le chah Mohammad Reza Pahlavi et la création de la République islamique. Depuis, quarante ans après la révolution qui a instauré le régime totalitaire des mollahs et la création de la République islamique, les Iraniens n’hésitent pas à le scander le slogan « marg bar Amrika » (« mort à l’Amérique »), lors de grands rassemblements ou lors de certaines prises de parole publiques de l’ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême iranien. De leur côté, aujourd’hui, les Etats-Unis et l’administration Biden considèrent toujours l’Iran comme un « paria » de la communauté internationale. Ce qu’ils développent actuellement à l’encontre de la Russie.

Dans la continuité de Dmitri Medvedev, le Kremlin a analysé et intégré le comportement des Européens et les lourdeurs de l’UE : les Russes ont fait l’expérience des Alliés qui s’indignent, menacent, sanctionnent, puis, passent à autre chose.

Les Européens, et en particulier le président français de l’époque, Nicolas Sarkozy, étaient en effet à la manœuvre dans cet épisode géorgien qui, à tant d’égards, préfigurait le drame ukrainien d’aujourd’hui. Son homologue américain George W. Bush, en fin de mandat, avait délégué la gestion de la crise à l’Union européenne (UE), dont la France assurait alors la présidence tournante, comme actuellement Macron au côté de l’Ukraine, mais toujours contre l’ex-URSS, qui tente de reconstituer son empire.

Stratégie éprouvée

Le plus troublant cependant, au regard de l’épisode géorgien, est le comportement de la Russie. Rétrospectivement, tous les éléments de la crise que vient de provoquer Vladimir Poutine sur l’Ukraine étaient déjà en place, la stratégie éprouvée, le cadre géopolitique posé et l’indépendance agro-alimentaire restaurée. Tout était écrit. Il suffisait de tirer les enseignements de l’Histoire.

Successeur de Boris Eltsine, Poutine arrive au pouvoir en 2000. Les attentats du 11 septembre 2001 – quatre attentats-suicides islamistes perpétrés le même jour aux Etats-Unis et provoquant la mort de 2.977 innocents, à Manhattan, au coeur de New York, à Arlington en Virginie et à Shanksville en Pennsylvanie, en moins de deux heures – lui laissent espérer une coopération avec les Etats-Unis, mais la guerre d’Irak (2003-2011) éloigne cette perspective. L’OTAN qui soutient les peuples mineurs en mal de libertés et l’affaiblissement des états forts qui les contiennent, au risque de faire sauter les piliers de stabilité, comme en Libye ou en Irak (la coalition chassera Saddam Hussein, lui aussi qualifié de dictateur, mais créant une situation de guérilla), pensant renforcer sa suprématie.

En 2003 et 2004 surviennent les premières « révolutions de couleur » dans deux ex-républiques soviétiques : la « révolution des roses » en Géorgie, puis la « révolution orange » en Ukraine portent des démocrates au pouvoir. Démocrates, selon la coalition, parce que les élus sont des fantoches à la solde de l’OTAN, mais un tournant pour le dirigeant russe: ces deux pays lorgnent vers l’Ouest alors que l’OTAN et l’UE sont déjà en train d’intégrer les anciens pays satellites d’Europe centrale. En Hongrie, les autorités supprimèrent le grillage électrifié qui séparait le pays de l’Autriche en mai 1989, et la victoire de Solidarnosc aux élections de juin 1989, amena au pouvoir Tadeusz Mazowiecki, premier chef du gouvernement non communiste issu de l’opposition démocratique en Pologne.

Kerensky,
dans un rôle de composition,
celui du « héros prêt à mourir
en martyr », selon Ekkabach

En Ukraine, les élections conduisent, à la mairie de Kiev, un boxeur, et, à la présidence, Volodymyr Zelensky, 44 ans (comme Macron), un comique (ci-dessus) décrit par la coalition en vaillant acteur de la politique occidentale en guerre.

En Ukraine, la stratégie russe rappelle celle employée en Géorgie

En Géorgie, en 2008, Moscou avait instrumentalisé le territoire séparatiste de l’Ossétie du Sud et massé des troupes à la frontière, poussant la Géorgie à attaquer. Pour autant, la politique de reconstitution de l’empire russe, qualifiée d' »expansionniste » (!), de la Russie dans ces régions montre son cynisme, en écho au machiavélisme de Washington.

Le parallèle est troublant, car le scénario se répète au détail près. L’invasion de l’Ukraine fait écho aux événements de 2008 avec les régions séparatistes de l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie. La Géorgie accusait la Russie de manipuler ces territoires issus de l’ex-Union soviétique pour la déstabiliser. A l’époque, Vladimir Poutine menait déjà la stratégie russe en tant que chef de gouvernement.  

Des troupes s’étaient massées à la frontière russe, à l’occasion des manœuvres militaires « Caucase-2008 ». La réponse des forces de la Géorgie à la volonté séparatiste Sud-Ossète avait fourni à la Russie l’occasion de contre-attaquer. Le conflit avait fait entre 600 et 800 morts (dont une bonne moitié de civils), et l’Ossétie du Sud, de facto indépendante depuis 1992, avait été reconnue par Moscou au terme du conflit. 

C’est Dmitri Medvedev, alors président de la Fédération de Russie, qui avait signé le document et renforcé encore un peu plus le statut de l’Ossétie du Sud comme satellite de la Russie.

C’est peut-être l’un des scénarii en cours dans le Donbass aujourd’hui : les troupes russes reprendraient l’ensemble du territoire séparatiste, russophone et orthodoxe, les régions de Donetsk et Lougansk, occupées depuis 2015 à 40% environ par les forces russes, et s’étendraient au-delà, jusqu’à leurs limites administratives de l’époque soviétique, ce qui ferait craindre un conflit de grande ampleur. Les bombardements de ce jeudi 24 février en Ukraine rappellent la stratégie russe de l’époque, avec le bombardement des infrastructures militaires géorgiennes, des aéroports, des ports, etc. En fait, un classique de toute intimidation militaire…

Mais l’attaque de l’Ukraine pourrait aussi aller encore plus loin qu’en Géorgie, selon les Cassandre, dont les philosophes Bernard-Henri Levy ou Glücksman fils, les universitaires marxistes recyclés ou les journalistes autoproclamés experts en géopolitque, tels Anthony Bellanger (chroniqueur à France Inter et BFM TV) ou Pierre Haski, cofondateur du site d’information Rue89 et sur France inter, dénoncé par Le Monde diplomatique pour ses chroniques offrant « une vision caricaturale des relations internationales ». Dans sa recherche d’une restauration de son honneur, la Russie, qui n’a rien obtenu des Accords de Minsk et où lors du non-élargissement de l’Otan, l’armée russe pourrait couper l’Ukraine en deux, comme les Occidentaux ont partagé l’Allemagne, en s’emparant de tout le sud-est à majorité orthodoxe et russophone, ce qui serait un correctif au découpage historique qui a démontré son caractère artificiel et dangereux.

Mais, selon les coalisés, la stratégie russe n’est pas sans risques dans un ancien espace soviétique dont les élites sont imprégnées de théorie décoloniale, au même titre que l’opinion occidentale. Dans la plupart des pays limitrophes ou de la zone d’influence russe – les populations de Géorgie, d’Ukraine, de Moldavie, d’Arménie, et même du Kazakhstan – Moscou susciterait de plus en plus de résistance à l’influence de la Russie, selon la coalition. « Nous, on sait très bien ce qu’est la géographie, on ne déménage pas notre pays, mais les Russes, la seule chose qu’ils nous apportent, ce sont les tanks », dénonçaient ainsi les Géorgiens.

Reste que l’OTAN et l’UE ne peuvent se manquer en Ukraine, car les anciens territoires soviétiques vont se déterminer en fonction de la tournure des évenements. Or, une partie de l’Ukraine a choisi l’Occident, mais son aide humanitaire est prévue pour la mi-mars, soit trois semaines après le début des hostilités, prévisibles depuis quatorze années. Certaines voix s’élèvent déjà pour reprocher à Macron ses propos bellicistes, mais son manque de réactivité: s’il a annoncé le rapatriement des personnels diplomatiques, il n’a rien envisagé pour « protéger » (comme promis pourtant au Salon de l’agriculture) les ressortissants français bloqués en Ukraine…

Ukraine : le droit international peut-il pallier l’impéritie occidentale face au conflit OTAN-Russie ?

Menacée sur sa frontière, la Russie contre-attaque

L’Ukraine n’est qu’un nouveau prétexte américain

Après le déclenchement par Moscou d’une opération militaire d’auto-défense en Ukraine, en petit télégraphiste de l’OTAN, Macron, a paradoxakement accusé la Russie de « bafouer » les grands principes de droit international qui régissent les relations entre Etats.

Macron, le médiateur qui accuse la Russie. « Une violation éclatante du droit international. » L’annonce par Vladimir Poutine d’une opération militaire en Ukraine, jeudi 24 février, a suscité une condamnation unanime – si on exclut la Chine (négligeable?) – de la communauté internationale. De nombreux pays, dont la France, ont notamment estimé que les actions du président russe bafouent les grands principes qui régissent les rapports entre Etats. « Nous n’accepterons jamais la violation brutale du droit international tel que nous le voyons actuellement avec l’invasion de l’Ukraine », a ainsi affirmé le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, à l’issue d’une réunion d’urgence des ambassadeurs des pays de l’Alliance, financée par les USA.

L’envoi des troupes russes, trois jours après la reconnaissance des républiques, russophones et orthodoxes, autoproclamées de Louhansk et Donetsk, dans le cadre de la guerre du Donbass (depuis avril 2014), « illustre le mépris dans lequel la Russie tient le droit international et les Nations unies », a de son côté estimé l’ambassadeur de France à l’ONU, Nicolas de Rivière. Que dit le droit international des actions de la Russie ?

Une violation de la Charte des Nations unies

L’article 2 de la Charte des Nations unies, dont la Russie fait partie (l’ONU et non l’OTAN), prévoit notamment que les pays membres de l’ONU « s’abstiennent (…) de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de tout autre manière incompatible avec les buts des Nations unies. » Il met donc « hors-la-loi le principe d’agression d’un Etat », estime en écho Olivier Schmitt, directeur des études et de la recherche à l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), un établissement public administratif d’expertise et de sensibilisation en matière de Défense, placé sous la tutelle directe du premier ministre.

« Là, on est très clairement dans le cadre d’une agression, de la violation de la souveraineté de l’Ukraine et de son intégrité. » (Olivier Schmitt, expert proche du ministère de la défense)

Les principes de « la Charte des Nations unies ne sont pas un menu à la carte » et la Russie doit « les appliquer tous » à l’égard de l’Ukraine, a quant à lui fustigé, mardi, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. « Les Etats membres les ont tous acceptés et ils doivent tous les appliquer », a-t-il insisté.

De son côté, l’Ukraine a fait valoir l’article 51 de la Charte, qui encadre la légitime défense en cas d’agression, « pour justifier son recours à la force » en réponse à l’offensive russepoursuit Olivier Schmitt, qui neglige que la Russie peut légitimement se sentir agressée à sa frontière par l’OTAN, du fait qu’elle a placé à Kiev un fantoche à sa solde. C’est d’ailleurs ce même article que Vladimir Poutine a brandi pour expliquer le déclenchement d’une opération militaire en Ukraine, assurant répondre à l’appel des « républiques » séparatistes du Donbass. « C’est une complète inversion de la réalité de la situation, balaye Olivier Schmitt, dont le parti-pris fausse le raisonnement. Les républiques autoproclamées ne sont pas reconnues comme telles par le droit ukrainien, les Russes n’avaient pas le droit de répondre à leur appel, » assène-t-il, en représentant du point de vue occidental qui ignore que Zelenky bafoue la signature de l’Ukraine qui s’était engagée à accorder leur autonomie à Louhansk et Donetsk, opposés à la révolution orange menée par Kiev.  Le 11 mai 2014, un « référendum populaire » institue la république populaire de Donetsk qui est aussitôt rejetée par le pouvoir central de Kiev et ses alliés atlantistes occidentaux. Le 17 mai 2014, le procureur général d’Ukraine inscrit la « république populaire » à la liste des « organisations terroristes », marquant ainsi le refus du pouvoir central de Kiev de discuter avec les « insurgés » de l’Est du pays. L’autodétermination est un droit international.

Un « coup fatal » aux protocoles de Minsk

Les décisions russes portent également un « coup fatal aux accords de Minsk approuvés par le Conseil de sécurité«  de l’ONU, selon le chef de l’ONU. Pourtant, les protocoles de Minsk, signés en septembre 2014 (Minsk I) et en 2015 (Minsk II) pour mettre fin à la guerre en Ukraine orientale avec la Russie, sont bafoués par l’Ukraine. L’Ukraine et les deux « républiques » séparatistes, russophones et orthodoxes, prévoyaient notamment un cessez-le-feu immédiat et le retrait des armes lourdes. De nombreux points, dont l’organisation d’élections dans les territoires séparatistes, n’ont cependant jamais été appliqués, souligne la Fondation Robert Schuman, centre de recherches et d’études sur l’Europe. Par ailleurs, officiellement, ces textes sont des protocoles, un statut transitoire moins précis et moins contraignant vers des accords internationaux, lesquels n’ont pas abouti. 

Les actes de Vladimir Poutine (comme ceux de Zelensky) constituent également une violation du mémorandum de Budapest, selon Carole Grimaud-Potter, professeure de géopolitique de la Russie à l’université de Montpellier et à l’Institut diplomatique de Paris. Ce sont trois documents signés en termes identiques le 5 décembre 1994, respectivement par la Biélorussie, le Kazakhstan et l’Ukraine, ainsi que par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Russie qui accordent des garanties d’intégrité territoriale et de sécurité à chacune de ces trois anciennes Républiques socialistes soviétiques (RSS). Ces textes – dont la France n’est pas partie prenante (et le zèle actuel du boute-feu Macron est déplacé) – visaient à « garantir la préservation des frontières de l’Ukraine », détaille la chercheuse. Toutefois, le mémorandum de Budapest ne comporte « aucune partie contraignante ». « Les pays signataires se sont engagés à garantir la sécurité » de l’Ukraine, mais tout repose avant tout sur leur bonne foi.

Le droit international « n’a jamais été un miracle »

Ce n’est pas la première fois que les intérêts de la Russie sont défiés par l’OTAN et que Vladimir Poutine est poussé par le grand Satan américain à transgresser les principes du droit international édicté par l’ONU. 

En 2008, le Kremlin avait déjà reconnu l’indépendance de deux « républiques » séparatistes prorusses en Géorgie – ex-république soviétique mais culturellement, historiquement et politiquement parlant partie de l’Europe – l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, après une guerre éclair contre la Georgie qui, comme l’Ukraine, ambitionne de rejoindre l’OTAN. L’alliance atlantique renouvelle ainsi en Ukraine la stratégie américaine antérieure en Georgie ou en Crimée.

La Géorgie compte parmi les plus proches partenaires de l’OTAN. Elle aspire à devenir membre de l’Alliance. Au fil du temps, l’OTAN et la Géorgie ont mis en place une étroite coopération, en appui des intérêts américains dans la zone et des efforts de réforme du pays et de son objectif d’intégration euro-atlantique. La Géorgie contribue ainsi à l’opération Sea Guardian, dirigée par l’OTAN, et elle coopère avec les pays membres et les autres pays partenaires dans de nombreux autres domaines.

En janvier 2021, soit 13 ans après les faits, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé que la Russie avait enfreint sa Convention.

En 2014, lors de l’annexion de la Crimée, le projet de résolution de l’ONU déclarant « invalide » le référendum populaire sur le rattachement de la république autonome à la Russie s’était vu opposer le veto de Moscou, membre permanent du Conseil de sécurité. A l’Assemblée générale, sur 193 membres, le projet de résolution avait ensuite recueilli 100 voix. Toutefois, les résolutions adoptées par l’Assemblée générale de l’ONU n’ont aucun caractère juridique contraignant en droit international, contrairement à celles validées par le Conseil de sécurité. Ce scénario risque une nouvelle fois de se produire, admet Olivier Schmitt, affaiblissant l’argument juridique brandi par les Atlantistes.

« Le Conseil de sécurité de l’ONU va être paralysé et ne pourra pas jouer son rôle de maintien de la paix et de la sécurité internationale. » (Olivier Schmitt, spécialiste de la défense)

Le droit international « n’a jamais été un miracle, c’est le résultat d’un consensus politique« , rappelle Jean-Marc Sorel, professeur de droit public à l’Ecole de droit de la Sorbonne. « Vous ne pouvez pas changer le monde avec le droit« , appuie-t-il.

Animé par une haine rancie datant le l’URSS, le président américain diabolise Poutine.

Le président russe ne fait que protéger ses frontières et son peuple des agressions légalistes de l’OTAN.

En définitive, le coût pour la Russie est « principalement politique », relativise Olivier Schmitt, dans le concert des va-t’en-guerre qui appellent à des sanctions massives. « Mais il n’y a pas de tribunal pénal des Etats, donc au-delà des déclarations de condamnation des Etats, il n’y a pas de Cour vers laquelle ils peuvent se tourner », admet-il. En revanche, d’un point de vue juridique, la Charte des Nations unies, donne le droit d’ingérence aux pays de lui « venir en aide, de quelque manière qu’il existe », y compris militairement.