Nouvelle Calédonie: septième mort, le soir du départ de Macron

Le fonctionnaire de police pris à partie a dû se dégager

Banderole déployée en bord de route après le passage du président Macron à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie,
le 24 Mai 2024.

Une septième personne a payé de sa vie les émeutes en Nouvelle-Calédonie, suite à sa menace d’un policier, annonce le Parquet ce vendredi 24 mai.

Le bilan s’élève à 7 morts en Nouvelle-Calédonie. Le Parquet précise que l’émeutier de 48 ans a été tué dans une émeute vers 15h15 sur la commune de Dumbéa en direction du centre hospitalier du Médipôle.

Les policiers ont été pris à partie par une groupe d’une quinzaine d’individus, explique le Parquet qui ajoute que « le fonctionnaire aurait fait usage de son arme de service en tirant un coup de feu, pour s’extraire de cette altercation physique« . 

Les circonstances de ce drame restent à déterminer. Le Parquet a ordonné l’ouverture d’une enquête du chef d’homicide volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique. Le fonctionnaire qui a fait usage de son arme est placé en garde à vue, comme le veut la procédure.

Macron envoie la troupe en Nouvelle Calédonie, après « Mayotte place nette »

Déploiement de l’armée pour sécuriser les ports et l’aéroport face à des émeutiers

Le mur d’escalade du complexe sportif de Magenta à Nouméa en proie aux flammes le 14 mai 2024 après l’éclatement de violences dans la capitale calédonienne

Macron a mis le temps avant d’envoyer quelque 1.700 gendarmes, policiers et militaires dans opération, baptisée « Mayotte place nette » qui doit durer onze semaines, à compter du 16 avril. L’insécurité a également justifié l’emploie de troumes en Nouvelle Calédonie. Il ne s’agit plus d’immigration clandestine, mais de séparatisme.

Les trois collectivités territoriales de Nouvelle Calédonie sont secouées par des émeutes qui ont fait quatre morts, dont un gendarme, et des centaines de blessés: après des nuits d’émeutes, l’état d’urgence a été décrété sur l’île à compter de 20h00, heure de Paris (5h00 jeudi à Nouméa).

Deux personnes tuées par balles

Deux personnes sont décédées dans la nuit de mardi à mercredi à Nouméa pendant les émeutes, a annoncé le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie. «Des trois blessés admis aux urgences, il y en a un qui est mort, victime d’un tir par balle. Pas d’un tir de la police ou de la gendarmerie, mais de quelqu’un qui a certainement voulu se défendre», a précisé le représentant de l’Etat devant la presse, sans donner d’autres détails.

La présidente de la province Sud, Sonia Backès, dans un courrier adressé à Macron, a demandé de déclarer l’état d’urgence sur le territoire. «Des maisons et commerces sont brûlés et pillés, des bandes organisées terrorisent la population et mettent en danger la vie des habitants et des forces de l’ordre aux cris d’insultes et de menaces racistes», explique-t-elle.

«Je vous demande solennellement, en application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955, de déclarer l’état d’urgence et de mettre tous les moyens en œuvre pour ramener la paix et la sécurité en Nouvelle-Calédonie, notamment en engageant l’armée aux côtés des forces de polices et de gendarmerie».

Sonia Backès a aussi expliqué que la situation découlait d’un «combat ethnique»«On vit clairement une volonté de faire partir ceux qui ne sont pas kanaks de Nouvelle-Calédonie […]. On est dans un combat qui est pour eux un combat ethnique».

Le Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, a tenu une conférence de presse dans laquelle il a évoqué une «situation insurrectionnelle», alertant avec des mots très forts sur la «spirale mortelle» qui peut prendre «une forme de guerre civile». «L’heure n’est pas grave, elle est très grave. Si l’appel au calme n’est pas entendu, il va y avoir beaucoup de morts dans l’agglomération de Nouméa aujourd’hui. On est rentré dans une spirale dangereuse, une spirale mortelle», a-t-il fait savoir. Le couvre-feu est prolongé jusqu’à demain, jeudi 16 mai, à 6 heures du matin.

Le haut-commissaire de la République a également appelé la population à ne pas constituer de milices pour se défendre contre les émeutiers «qui sont là par milliers et non pas centaines»«S’il le faut, je ferai appel aux forces armées, a-t-il déclaré. Ce n’est pas parce qu’il y a eu ce vote à l’Assemblée nationale que ça mérite la guerre.» Allusion au vote – par 351 voix contre 153 – à Paris, mercredi 15 mai, du texte, contesté par les indépendantistes, qui élargit le corps électoral propre au scrutin provincial de Nouvelle-Calédonie à tous les citoyens résidant sur place depuis dix ans. Il est contesté par les indépendantistes qui craignent une perte de poids électoral des Kanaks.

Le ministre de l’Intérieur a fait état sur RTL de «centaines de blessés» en Nouvelle-Calédonie dont une «centaine» de policiers et gendarmes, ainsi que des «dizaines de maisons et d’entreprises brûlées partout»«On envoie le GIGN faire des sauvetages», a aussi précisé le ministre qui appelle également au calme en respectant le couvre-feu.

La droite réclame l’état d’urgence

«Après une nouvelle nuit de chaos en Nouvelle-Calédonie, je demande au gouvernement d’activer l’état d’urgence sur ce territoire», a demandé Eric Ciotti, le président du parti Les Républicains sur Twitter, ce mercredi.

«Il faut réformer la Constitution, c’est un scandale», a déclaré Eric Zemmour sur le plateau de BFMTV ce mercredi matin. «Il faut adopter ce texte» et «réprimer sévèrement» les émeutiers, a-t-il rapporté.

«Que dirait Jean-Luc Mélenchon si, en France, par peur des déséquilibres démographiques, on interdisait aux gens qui sont arrivés depuis dix ans en France de voter?», a aussi dénoncé le président du parti Reconquête!

Olivier Marleix, le président des députés Les Républicains, réclame au président de la République «l’instauration de l’état d’urgence» et souhaite «mobiliser l’armée».

Marine Le Pen réclame la proclamation de l’état d’urgence. «Il en va de la sécurité des personnes, plusieurs morts étant déjà à déplorer, mais aussi des biens», a déclaré sur X la présidente du Rassemblement national.

Le palais de l’Elysée a annoncé dans un communiqué la convocation d’un Conseil de défense et de sécurité nationale.

Par conséquent, le chef de l’Etat a annulé son déplacement de campagne du jour à Fécamp (Seine-Maritime), où il devait inaugurer un parc d’éoliennes en mer. Le Conseil des ministres, prévu initialement dans la matinée, est lui décalé à mercredi après-midi.

Le député Nicolas Metzdorf et le sénateur Georges Naturel appellent à leur tour, dans une lettre au président de la République, à l’instauration de l’état d’urgence. «Après 2 nuits où de nombreux Calédoniens ont tout perdu, nous sommes à l’aube d’une nuit de tous les dangers», écrivent-ils, décrivant une situation catastrophique devenue désormais «dramatique».

Les voix discordantes des gauches

«Tout doit être fait pour qu’il y ait une solution négociée», a estimé Marie Toussaint sur France 2. La candidate Les Ecologistes aux élections européennes a souhaité que le premier ministre, Gabriel Attal, «pilote lui-même ces discussions».  s«On a besoin d’une personnalité républicaine incontestable pour mener cette médiation», a ajouté la juriste de 36 ans pour qui l’ancien premier ministre Lionel Jospin, dont le nom «a été mentionné» dans la presse, serait «une bonne idée».

«Emmanuel Macron et son gouvernement ont soufflé sur les braises de la colère en maintenant ce texte de loi rejeté par l’assemblée kanak», estime le député communiste Fabien Roussel sur X. Il appelle à tout faire «pour retrouver le calme et le dialogue» en Nouvelle-Calédonie.

Le candidat du Parti socialiste et de Place publique aux élections européennes, Raphaël Glucksmann, a exprimé sa «solidarité avec la population de la Nouvelle-Calédonie». Avant de partager son «inquiétude» au sujet de la situation. Il a ainsi appelé à un «appel à la solidarité» et à un «retour à l’esprit des accords de Matignon, de Rocard et de Jospin. Un esprit qui a prévalu jusque-là, y compris durant le premier mandat d’Emmanuel Macron». Selon lui, le retour à la paix civile passe par «le dialogue» et incite à «nommer des tiers de confiance», sans préciser qui ils peuvent être.

Mélenchon a vu mercredi dans les émeutes qui ont fait quatre morts en Nouvelle-Calédonie la manifestation d’un retour à un «néocolonialisme», sans issue selon lui.

Mélenchon, en visite jusqu’à samedi au Sénégal à l’invitation du parti panafricaniste et souverainiste Pastef vainqueur de la récente présidentielle, a rappelé les évènements de Thiaroye (Sénégal) en décembre 1944, dans une déclaration après une visite de la maison de l’ancien président Léopold Sédar Senghor à Dakar. Des troupes coloniales et des gendarmes français avaient tiré sur des tirailleurs sénégalais rapatriés qui réclamaient leurs arriérés de solde. Des dizaines de tirailleurs avaient été tués.

«Si j’évoque à cet instant cet épisode du néocolonialisme, c’est que la France, qui pensait s’en être d’abord tirée, y retourne à cet instant et à l’heure à laquelle je vous parle nous avons à souffrir de trois morts parmi les jeunes Kanaks et d’un gendarme français, tués à Nouméa dans les évènements qui s’y déroulent et qui doivent tout à l’absence de réflexion politique sur le bilan de notre histoire», a dit Jean-Luc Mélenchon. «Cent soixante-dix ans d’acharnement n’ont pas suffi à abattre la volonté kanake de redevenir souveraine de son destin et nul n’y parviendra jamais», a-t-il dit. «Il n’y a pas d'(autre) issue à une situation coloniale que la décolonisation et tout le reste est une perte de temps», a-t-il renchéri.

Quel est l’état de la situation sur place ?

Entre les commerces détruits par les émeutiers et les nombreux barrages routiers, le ravitaillement devient difficile à Nouméa. Mercredi, la pénurie alimentaire a provoqué de très longues files d’attente devant les magasins. «L’agglomération va bientôt manquer de nourriture», a prévenu le Haut-commissaire de la République Louis Le Franc, selon Les Nouvelles Calédoniennes. Dans certains Ehpad, des médicaments viennent aussi à manquer. «Certains de ces traitements sont vitaux pour les pensionnaires», a alerté La Fédération des établissements d’accueil de personnes âgées (FEAPA).

La proclamation de l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie a été entérinée en Conseil des ministres mercredi à Paris et entrera en vigueur «dès 20h00 ce soir, heure de Paris» (05h00 jeudi à Nouméa), a annoncé la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot à l’issue du Conseil des ministres.

Gabriel Attal a annoncé mardi le déploiement de militaires «pour sécuriser» les ports et l’aéroport de Nouvelle-Calédonie, confrontée à une vague de violences, ainsi que l’interdiction du réseau social TikTok.

«Des militaires des forces armées sont déployés pour sécuriser les ports et l’aéroport de Nouvelle-Calédonie», a indiqué le premier ministre en ouverture d’une cellule interministérielle de crise au ministère de l’Intérieur. Le haut-commissaire sur ce territoire, Louis Le Franc, qui avait demandé le renfort de l’armée pour protéger l’aéroport de Nouméa, a pour sa part «annoncé un couvre feu et interdit TikTok», a précisé Gabriel Attal.

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a signé mercredi soir cinq premières assignations à résidence dans la foulée de l’entrée en vigueur de l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie, a-t-on appris de source proche du dossier.

Parmi elles, deux personnes appartenant à la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), frange la plus radicale du Front de libération Kanak socialiste (FLNKS), a-t-on précisé de même source. «Des perquisitions administratives seront menées immédiatement», a annoncé Gérald Darmanin sur X.