L’inscription de l’IVG dans la Constitution est votée à l’Assemblée

Mais le Sénat a voix au chapître…

Les droits fondamentaux ? Travail, logement et… avortement?

Les députés ont massivement dit oui au projet de loi constitutionnelle. Mais, au Sénat, où la droite est en position de force, un coup de froid – voire un coup de gel – n’est pas exclu.

La bataille est engagée, mais la victoire n’est pas encore en vue. Les députés ont voté ce mardi 30 janvier pour l’inscription dans la Constitution de l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Une première étape est toutefois franchie dans un parcours qui en comporte encore deux et pas des moindres.

Si le moment reste fort pour les droits des femmes, l’adoption du texte par les députés ne faisait aucun doute. Avant ce vote solennel, ils s’étaient déjà prononcés sur le sujet à trois reprises : en novembre 2022, deux fois début 2024 et chaque fois, l’alliance de la majorité présidentielle et de la gauche a permis une issue favorable.

C’est donc avec une large majorité de 493 voix contre 30 que les députés ont voté pour l’inscription de l’IVG dans la Constitution, pas tant « la liberté garantie à la femme d’avoir recours » à une interruption volontaire de grossesse, que l’assurance que cette liberté soit garantie contre tout retour en arrière. « Je vais maintenant m’atteler à porter le message qui est le vôtre au Sénat », a déclaré le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti à l’issue du vote. Il sait qu’au Palais du Luxembourg, cette précaution est superflue en France.

« Non », Gérard Larcher ne se battra pas pour que l’IVG soit inscrite dans la Constitution.

Le président LR du Sénat a redit sur franceinfo le 23 janvier, son opposition globale au projet de loi car « l’IVG n’est pas menacée » en France. Une position partagée par une partie de ses pairs.

En février 2023, seule la réécriture du texte adopté à l’Assemblée par le sénateur LR Philippe Bas avait permis son adoption. Alors que la proposition des députés consacrait le « droit » à l’IVG, les sénateurs ont eux voté pour « la liberté » d’y recourir – une avancée moindre du point de vue des associations de lutte pour les droits des femmes. Même après cette modifcation sémantique, 152 sénateurs avaient voté contre et le texte n’a été adopté qu’à une courte majorité de 166 voix.

Le projet de loi constitutionnelle porté par le Garde des Sceaux est lui formulé comme suit : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Le 24 janvier, devant les députés, Eric Dupond-Moretti a défendu une formulation qui « va dans le même sens » que le texte du Sénat. « Le Conseil d’Etat y a mis sa patte, et nous ajoutons un mot, un seul ! », a-t-il fait valoir.

Lapidaire !
Le respect du vivant,
c’est pour les règnes
animal et végétal…

La précision du ministre s’adresse directement aux parlementaires de droite. Car la voie choisie pour une révision constitutionnelle nécessite que les deux chambres adoptent le même texte, faute de quoi le Congrès ne pourra pas être réuni. Or, au Sénat, l’ajout du mot « garantie » est vécu par certains LR comme une véritable rupture avec la version en février 2023. « Pour un certain nombre, la liberté garantie, ça veut dire un droit. Et ce n’est pas du tout le sens de ce qui avait été discuté il y a quelques mois », a mis en garde sur Public Sénat le 23 janvier Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains et personnellement opposé à la constitutionnalisation de l’avortement.

« Le Sénat est à égalité en termes de pouvoirs vis-à-vis de l’Assemblée nationale »

Outre ce débat sémantique, les sénateurs opposés au projet de loi s’insurgent aussi contre le calendrier envisagé par l’exécutif. Fin décembre, la ministre des Solidarités Aurore Bergé a annoncé que le Congrès se réunira le 5 mars pour statuer sur le projet de loi. Colère chez LR. « On voit bien que le gouvernement, en plaçant le Congrès début mars possiblement alors que l’examen du Sénat sera à la fin du mois de février, postule qu’il y aurait un alignement docile du Sénat sur l’Assemblée nationale » grinçait Bruno Retailleau au micro de Public Sénat. Sous entendu : un feu vert n’est pas garanti et le gouvernement ferait bien de ne pas s’avancer. Et le Vendéen de souligner que « le Sénat est à égalité en termes de pouvoirs, de droits, vis-à-vis de l’Assemblée nationale. »

Face aux députés, le 24 janvier, le Garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a donc tenté de déminer le terrain. « Je sais l’émoi qu’a provoqué la pseudo-annonce d’une date de Congrès, avant même que les chambres ne se soient prononcées. Cela a été perçu par certains comme un manque de respect à l’égard du Parlement », a déclaré l’« Ogre du Nord », avant de se montrer rassurant. Le 5 mars n’est qu’une « possibilité » et « nous prendrons le temps qu’il faut pour aller au bout de cette révision », a-t-il promis. Si le Sénat adoptait à nouveau une version différente de l’Assemblée, la navette parlementaire serait relancée.

Passe sanitaire: adoption du projet de loi en troisième lecture, au sprint

La commission mixte paritaire arrive à un compromis soumis au Conseil constitutionnel

Après une ultime motion de rejet, les députés ont voté ce texte par 156 voix pour et 60 contre, allégeant les dernières sanctions annoncées par Macron.

Le passe sanitaire étendu a été définitvement adopté aux forceps dans la nuit de dimanche à lundi, députés et sénateurs étant parvenus à un compromis sur ce texte controversé, au lendemain d’une nouvelle journée de mobilisation de ses nombreux opposants libertaires.

L’Assemblée nationale a mis fin au marathon parlementaire entamé mardi par un large vote, avec 156 voix pour, celles de la majorité et de la droite républicaine, 60 contre, venues de l’extrêle gauche gaucheet du RN et 14 abstentions.

Le chef de file des députés LFI a défendu en vain une ultime motion de rejet, dénonçant une “liberté conditionnelle” avec le pass anti-Covid, et invitant à “désobéir”.

Soulagé, le ministre de la Santé Olivier Véran a fait de la provocation en se félicitant de “l’unité nationale retrouvée”, après 60 heures d’échanges au total dans les deux chambres. 

Peu avant, le Sénat, majoritairement à droite, avait levé plusieurs blocages et approuvé le texte amélioré par 195 voix pour, 129 contre et 17 abstentions, prévoyant le passe étendu et aussi l’obligation vaccinale pour les soignants.

En commission mixte, 14 députés et sénateurs avaient trouvé un accord en début de soirée, au bout de près de quatre heures de réunion.

Ainsi, au-delà du 15 novembre, le dispositif de passe ne pourra être maintenu qu’avec un nouveau vote de l’état d’urgence sanitaire par le Parlement, et non pas en décembre, contre la volonté du pouvoir.

Les contrôles relèveront de la police administrative et non du pénal, dans un premier temps.

“Le Covid est temporaire, les licenciements sont définitifs”

En outre, comme le souhaitaient la majorité sénatoriale de droite, l’assurance maladie contrôlera l’isolement obligatoire pour les contaminés par la Covid, avant une intervention des forces de l’ordre en cas de besoin. “On ne pouvait pas traiter les Français comme des délinquants”, selon le sénateur Hervé Marseille (Union centriste). 

Enfin, la droite sénatoriale a rejeté la sanction par licenciement des réfractaires qui ne respecteraient pas l’obligation vaccinale du fait de leur profession. Elle a proposé et obtenu une suspension du salaire, après une âpre discussion.  “Le Covid est temporaire, les licenciements sont définitifs”, a fait valoir le rapporteur LR au Sénat Philippe Bas.

Le ministère du Travail d’Elisabeth Borne a toutefois regretté la suppression de la menace d’un possible licenciement. Selon la ministre, cela va entraîner une moindre protection des salariés car, après la suspension du contrat de travail, une procédure disciplinaire pourra être engagée sans le délai de deux mois initialement prévu et sans la garantie d’indemnités de licenciement pour le salarié.

Rare à ce stade, un amendement gouvernemental de dernière minute, habilitant de manière très encadrée les préfets à imposer le passe dans des grands centres commerciaux, a été validé en séance – la mesure avait disparu en commission mixte. 

Le passe étendu doit être appliqué début août. Le temps presse en effet face à une flambée des contaminations liée aux refus de vaccination et à l’abandon progressif des gestes barrière favorisant la propagation du variant Delta, très contagieux.

Le projet de loi doit encore passer l’obstacle du Conseil constitutionnel saisi par le Premier ministre Jean Castex et la gauche.

« La liberté où je ne dois rien à personne n’existe pas”, a insisté Macron depuis la Polynésie où il est en tournée de campagne présidentielle.

Une petite phrase du député LR Marc Le Fur a résumé le rapport de force dans l’hémicycle : « Monsieur le rapporteur, Monsieur le ministre, vous êtes défavorables à tous les amendements… sauf les vôtres. » Il est ainsi brièvement sorti de sa réserve alors qu’il présidait la séance de l’Assemblée nationale, à la place de Richard Ferrand, lors de l’examen du projet de loi relatif à la crise sanitaire.