Les musulmans anti-français sortent du bois

Le virus anti-français se propage dans le monde arabo-musulman

Une campagne de boycottage des produits français se répand pour protester contre les propos de Macron sur la liberté de blasphémer. Des petits rassemblements se sont tenus ce week-end au Proche-Orient et cette campagne de rejet des produits français a débuté dans les pays musulmans du Maghreb et du Proche-Orient pour protester contre Macron qui soutient la liberté d’insulter.

Quelque 200 Arabes israéliens ont crié leur colère samedi soir sous les fenêtres de l’ambassadeur de France en Israël. Les manifestants s’étaient réunis devant la résidence d’Eric Danon située à Jaffa, la ville en grande partie arabe rattachée à Tel-Aviv, sous des banderoles appelant à la défense du prophète Mahomet. Ils ont brûlé des portraits du président français, avant de se disperser dans le calme. Le Prophète «est sacré dans l’islam et celui qui atteint son honneur, atteint tout un peuple», a déclaré à la foule Amin Bukhari, un intervenant qui a accusé le président français de faire le jeu de «l’extrême droite». «Il faut respecter Moïse chez les juifs, il faut respecter Jésus-Christ, qui est notre prophète aussi, et il faut respecter le prophète Mahomet», a-t-il ajouté, tandis qu’Erdogan mobilise les islamistes contre la France.

A Khan Younès, dans la bande palestinienne de Gaza, ils étaient une poignée à incendier des photos du chef d’Etat français et une dizaine à s’indigner à Deir al-Balah. Le Hamas – bras armé terroriste – qui administre le territoire estime qu’«insulter les religions et les prophètes ne relève pas de la liberté d’expression mais favorise plutôt une culture de la haine». Voici quelques jours, le Hamas avait qualifié l’assassinat de Conflans-Sainte-Honorine d’«affaire interne» et démenti toute connexion avec le collectif Cheikh Yassine d’Abdelhakim Sefrioui, dissous par le gouvernement français. Il disait son refus d’être associé à «des batailles nationales» autre que la «lutte contre l’occupation israélienne». De son côté, le Djihad islamique, le second groupe armé de Gaza, nationaliste islamique et un mouvement nationaliste islamique de libération, a soutenu «qu’offenser» l’islam et son prophète Mahomet, est une «ligne rouge» qui «ne peut être tolérée».

Des appels à la vengeance

A Palestinian demonstrator treads on pictures of French President Emmanuel Macron during a rally to protest his comments over Prophet Mohammed cartoons, in Deir al-Balah in the central Gaza Strip, on October 25, 2020.

Des mouvements de protestation ont également été signalés au Liban, en Libye et en Algérie. Au Liban, la manifestation prévue devant l’ambassade de France dimanche n’a –comme la veille– attiré personne, à part des dizaines de soldats et de forces anti-émeutes. Le puissant mouvement chiite Hezbollah a quant à lui condamné « fermement l’insulte délibérée » faite au prophète, exprimant dans un communiqué son « rejet de la position française persistante consistant à encourager cet affront dangereux ». A Tripoli, des jeunes ont marché dans les rues. A Saïda, un convoi de voitures a été organisé par la Jamaa Islamiya, un mouvement issu des Frères musulmans. En Algérie, le chef du parti islamiste algérien Front de la justice et du développement (FJD), Abdallah Djaballah, a appelé au boycottage de produits français et a demandé la convocation de l’ambassadeur de France. En Tunisie, dans la localité d’El Kamour, aux portes du Sahara, un défilé anti-France a rassemblé dimanche quelques dizaines de personnes, selon des images diffusées par un collectif local. A Deir ez-Zor, Syrie, une ville sous le contrôle des forces kurdes, des miliciens ont ouvert le feu pour disperser une manifestation anti-française. Des manifestations ont été organisés « dans diverses régions échappant au contrôle du régime » de Damas, a par ailleurs indiqué Rami Abdel Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), précisant que des portraits de E. Macron avaient été brûlés.

À Idlib, en Syrie, le 25 octobre 2020.

La Turquie, l’Iran, le Pakistan, le Koweït et la Jordanie ont dénoncé la republication des caricatures du Prophète sans condamner la décapitation de Samuel Paty. Si le roi Abdallah de Jordanie avait participé en 2015 à la marche parisienne pour Charlie Hebdo, un porte-parole du royaume jordanien a, cette fois, exprimé le mécontentement d’Amman face à la nouvelle diffusion des caricatures qui «blessent les sentiments de quelque deux milliards de musulmans et ciblent les lieux saints». Dans le même temps, le président du Sénat, Faisal Fayez, a exhorté les «forces pacifiques à affronter quiconque tente d’insulter le caractère sacré des religions et des prophètes divins sous le prétexte de la liberté d’expression». Le ministre des Affaires islamiques jordaniennes, Mohammed al-Khalayleh, a estimé qu' »offenser » les prophètes ne relevait « pas de la liberté personnelle mais d’un crime qui encourage la violence ». Le Front d’action islamique jordanien, un parti d’opposition, a appelé les citoyens à boycotter les produits français. 

En Irak, Rabaa Allah, dernière née des factions armées pro-Iran –et la plus puissante–, a affirmé être prête « à répliquer », sans autres détails, après ce qu’elle a qualifié d' »insulte à un milliard et demi de personnes ». Les pro-Iran en Irak ont récemment incendié une télévision pour insulte à l’islam, ainsi que le siège d’un parti kurde à Bagdad.

Les pays du Golfe, notamment le Qatar, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, représentent un marché de plus en plus important pour les exportations de l’industrie agroalimentaire française.

Au Koweït, le ministre des Affaires étrangères, cheikh Ahmed Nasser al-Mohammed al-Sabah a « rencontré » l’ambassadrice de France Anne-Claire Legendre. « Ils ont évoqué le crime odieux dont a été victime un enseignant français », a relevé dimanche un communiqué koweïtien, précisant que le ministre avait aussi souligné « l’importance de mettre fin aux atteintes aux religions monothéistes et aux prophètes dans certains discours officiels (…) de nature à exacerber la haine« .

Au Koweït, des images montrant les fromages Kiri et Babybel retirés des rayons de certains magasins ont été relayées sur les réseaux sociaux. Une soixantaine de sociétés coopératives, qui sont de grands distributeurs au Koweït, ont annoncé un boycott des produits français, a précisé le vice-président de la Fédération des coopératives, Khaled al-Otaibi. « Nous avons retiré tous les produits français, à savoir les fromages, crèmes et cosmétiques des rayons et les avons restitués aux agents agréés de ces marques au Koweït », a-t-il expliqué. Quelque 430 agences de voyages du Koweït ont par ailleurs suspendu les réservations de vols vers la France, a indiqué le chef de la Fédération des agences de voyages koweïtiennes, Mohammad al-Motairi.

Au Qatar, les chaînes de distribution Al-Meera et Souq al-Baladi ont annoncé qu’elles « retireraient » les produits français des magasins jusqu’à nouvel ordre. Dans l’un des magasins d’Al-Meera, un correspondant de l’AFP a vu des employés retirer des étagères des confitures de la marque St. Dalfour. L’Université du Qatar a annoncé vendredi sur Twitter le report de la semaine culturelle française à la suite de « l’atteinte délibérée à l’islam et ses symboles ».

Au Pakistan, enfin, le premier ministre Imran Khan a également réagi dimanche en accusant Emmanuel Macron d' »attaquer l’islam ». Il « aurait pu jouer l’apaisement (…) plutôt que de créer une polarisation et une marginalisation supplémentaires qui conduisent inévitablement à la radicalisation », a-t-il tweeté.

La vengeance passe par le boycottage

L’Organisation de coopération islamique (OCI), qui réunit les pays musulmans, a déploré «les propos de certains responsables français (…) susceptibles de nuire aux relations franco-musulmanes». Sur les réseaux sociaux, les appels au boycottage de produits français se sont multipliés depuis vendredi, à travers les hashtags en arabe, ainsi que – phénomène inquiétant – des appels menaçants à la vengeance. L’université du Qatar a reporté la semaine culturelle française et des agences de voyages du Koweït cessent de proposer des voyages en France. Et au Koweït, des photos montrant les fromages Kiri et Babybel retirés des rayons de certains magasins ont été relayées.