Ariane Lavrilleux, journaliste engagée présentée à un juge des libertés et de la détention

La militante enquêtait sur une possible ‘combinazione’ de vente d’armes de la France à l’Egypte

Ariane Lavrilleux, lors d’une conférence de presse dans les locaux de l’ONG Reporter Sans Frontières, suite à sa garde à vue, le 21 septembre 2023 à Paris.

« Ariane Lavrilleux, qui travaille pour le medium en ligne Disclose, a subi quarante heures de garde à vue, une perquisition de dix heures et a été présentée lundi 25 septembre devant un juge, » écrit le journal communiste L’Humanité.

La journaliste d’investigation Ariane Lavrilleux a été entendue dimanche 24 par un juge des libertés et de la détention (JLD) au tribunal de Paris. Ce juge devrait se prononcer ce lundi 25 sur les suites à donner, ou non, aux presque quarante heures de garde à vue que l’enquêtrice du site en ligne Disclose a subies les mardi 19 et mercredi 20 septembre.

 « Une attaque claire, nette et précise contre la liberté d’informer »

Il est reproché à la journaliste un travail d’investigation publié en novembre 2021, et un documentaire collectif complotiste Disclose-France 2 sur la face sombre de la coopération franco-égyptienne diffusé par… Complément d’enquête, présenté par Tristan Waleckx (qui, en 2017, fut récompensé du prix Albert-Londres pour un portrait télévisuel à charge consacré à… « Vincent Bolloré, un ami qui vous veut du bien ? »), à la suite de Jacques Cardoze (2018-2021) qui reproche précisément à Complément d’enquête de « ne pas diriger ses attaques de manière équilibrée entre la droite et la gauche  » .Ariane Lavrilleux y dénonce un possible détournement de la mission française de renseignement Sirli, lancée en 2016 par l’Egypte. Cette opération militaire française, menée en Egypte par la direction du Renseignement militaire (DRM), implique un détachement de quatre militaires français et six salariés de l’entreprise CAE Aviation, basés à Marsa Matruh, dont la mission, qui s’inscrit dans la lutte antiterroriste, est de surveiller le désert occidental égyptien pour y détecter d’éventuelles menaces terroristes venues de Libye et de transmettre les renseignements recueillis aux militaires… égyptiens.

La mission, qui était donc censée prévenir des actes terroristes, aurait servi à « vendre des armes à la dictature égyptienne » du général Abdel Fattah Al Sissi. Ce serait même, selon la journaliste, sa « seule ambition ».

D’après l’enquête, « les forces françaises auraient été impliquées dans au moins 19 bombardements contre des civils, entre 2016 et 2018 », sans que la mission ne soit revue par l’Etat français, que ce soit sous Hollande ou Macron. Etat qui a, en revanche, réagi à l’enquête en portant plainte pour « violation du secret-défense ». La journaliste est accusée de « compromission du secret de la défense nationale » et « révélation d’informations pouvant conduire à identifier un agent protégé », ce dont la journaliste se défend.

Le secret des sources menacé

Outre sa longue garde à vue, elle a dû subir une perquisition de presque dix heures, selon le SNJ-CGT. L’ancien militaire soupçonné d’avoir renseigné la journaliste a de son côté été mis en examen jeudi et accusé de « détournement » et « divulgation du secret de défense nationale », deux infractions passibles de sept ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende.

L’affaire est grave. C’est une atteinte au droit d’informer que les syndicats, ONG et partis politiques ont dénoncé. Pierre Laurent, encore sénateur de Paris la semaine dernière, a écrit dans un communiqué que le travail d’enquête indépendant d’Ariane Lavrilleux « a permis de faire grandement avancer le débat public sur la question des ventes d’armes et la nécessité d’un contrôle démocratique sur celles-ci ».

Il a aussi rappelé qu’« en démocratie, la liberté de la presse, la protection des sources et du travail des journalistes sont des principes incontournables ». Une quarantaine de sociétés de journalistes, dont celle de l’Humanité, de Mediapart ou de France Télévisions, ont dénoncé une atteinte « gravissime » au droit d’informer. Le SNJ-CGT s’est indigné de la répétition, ces cinq dernières années, de ce type de procédure contre les journalistes et s’interroge : « Est-ce digne d’un pays qui prétend lancer, dans quelques jours, des États généraux de l’information ? »

Disclose est une association loi 1901 à but non lucratif, créée par des journalistes indépendants et financée grâce au don, notamment la Fondation Open Society (réseau de fondations créé en 1993 par une figure de la complosphère mondiale, le milliardaire américain George Soros, soit 39 entités à travers le monde (dont l’OSEPI, Open Society European Policy Institute, lobby bruxellois), qui permettent un déploiement dans plus de 120 pays, pour 98.698 €, ou la Fondation Amnesty International pour 10.000 €). Ainsi discrimine-t-elle, refusant les subventions publiques et les dons d’entreprises ou de fondations d’entreprises… Ce « vertueux » organe de presse d’investigation sans actionnaires, sans publicité et en accès libre « enquête sur des sujets d’intérêt général », depuis un peu plus de trois ans.