Biden, l’Otan et l’Onu ont-ils décidé qu’un Ukrainien vaut mieux qu’un Arménien ?
Après la sécession de la république soviétique d’Azerbaïdjan, l’enclave majoritairement arménienne du Haut-Karabakh (ou Artsakh) autoproclame son indépendance en 1991. Plusieurs conflits ont lieu jusqu’à la guerre de 2020, qui se solde par un cessez-le-feu le 9 décembre. Le 19 septembre 2023, les attaques reprennent contre les Arméniens de l’enclave du Haut-Karabakh et ses habitants chrétiens fuient en masse vers son alliée d’Arménie voisine. Une semaine après une attaque victorieuse des musulmans chiites de l’Azerbaïdjan, richissimes exploitants d’hydrocarbures, les séparatistes arméniens annoncent la fin des institutions à partir du 1er janvier 2024, date à laquelle la république autoproclamée du Haut-Karabakh «cessera» d’exister. Après sa défaite, les Arméniens du Haut-Karabakh prennent la route de l’exil: plus d’un tiers de la population a fui en Arménie, selon Erevan.
«M. Macron, qu’avez-vous fait de vos promesses aux Arméniens?,» interroge Sylvain Tesson. L’écrivain a voulu croire Macron lorsque ce dernier promettait qu’il se tiendrait toujours du côté des Arméniens.
Les 19 et 20 septembre, l’Azerbaïdjan a lancé une nouvelle fois son armée suréquipée – riche de l’exploitation du pétrole en mer Caspienne – à l’assaut des villages et des villes d’Artsakh/Haut-Karabakh. En vingt-quatre heures, plus de 200 Arméniens ont été tués, et au moins 400 blessés, poussant les autorités locales à déposer rapidement les armes. Depuis, plusieurs milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, de vieillards ont pris la route de l’exode pour l’Arménie dans des conditions effroyables. Une épuration ethnique en bonne et due forme: dans quelques jours, 120.000 Artsakhiotes auront sans doute quitté leur terre, mettant fin à deux mille cinq cents ans de présence arménienne dans cette région montagneuse christianisée dès le Ve siècle.
« Les Arméniens vous appellent », écrit Sylvain Tesson à Emmanuel Macron. L’écrivain français a publié une lettre dans Le Figaro à l’adresse du président de la République pour l’alerter sur la situation au Haut-Karabakh, et plus généralement sur le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. « La France saura-t-elle prendre le risque d’entraîner ses alliés à se lever pour l’Arménie ? », interroge-t-il.
France 2 a offert à Macron l’occasion de lui répondre dans l’émission L’Evénement, mercredi. Il a assuré que la France « ne laisse pas tomber » les Arméniens. A quoi le voit-on? « L’Arménie est un pays avec lequel nous avons un lien unique, parce que l’Arménie s’est toujours battue pour une forme d’universel dans cette région, de tolérance, d’esprit de paix », a-t-il déclaré, « non, nous ne les laissons pas tomber ». A-t-il livré des armes, comme à l’Ukraine ? Propose-t-il l’accueil de la France aux Arméniens comme il héberge des familles ukrainiennes ?
« Nous nous sommes battus contre les négationnistes, les révisionnistes du génocide qu’a subi l’Arménie, a argumenté le président. Et beaucoup de familles sont venues en France, beaucoup de nos compatriotes ont des origines arméniennes et nous écoutent. » Il évoque la solidarité de la diaspora arménienne en France, trompant ainsi l’opinion française en utilisant le flou pour s’accorder des vertus dont il est dépourvu.
Une mission européenne
De retour d’un sommet européen à Prague, il y a un an (octobre 2022), le beau parleur de l’Elysée a par ailleurs raconté qu’il est parvenu à réunir les représentants des deux pays pour des discussions qui ont abouti à des engagements de la part d’Everan et de Bakou.
« Nous avons décidé que les deux parties s’engageaient à reconnaître les frontières de 1991, qu’ils acceptaient le principe d’une mission européenne qui va aller sur le terrain constater les infractions pour permettre ensuite à la communauté internationale de se prononcer et de restaurer l’ordre et le respect des frontières », a-t-il développé.
La Russie cherche le désordre, accuse Macron
Après un petit rappel historique du conflit qui oppose l’Azerbaïdjan et l’Arménie, le président que les Français se sont donnés a pointé du doigt Moscou. « Tout est lié », a ajouté le complotiste, expliquant que sur la frontière disputée « 5.000 soldats russes sont là ». « Dans ce conflit, il y a un conflit sous-jacent. La Russie a utilisé ce conflit qui datait depuis plusieurs décennies et elle s’est immiscée dans ce conflit, elle a manifestement joué le jeu de l’Azerbaïdjan, avec une complicité turque, et elle est revenue là pour affaiblir l’Arménie qui pourtant naguère était un pays dont elle était proche. » Quelle cohérence dans cette « analyse » tendancieuse, après que Poutine a été donné mourant, puis son armée sous-équipée et sa population frondeuse? Poutine aurait-il finalement les moyens d’un nouveau front militaire? Si la Russie dispose, par le biais de l’Organisation du traité de la sécurité collective (OTSC) dirigée par Moscou, d’une base militaire en Arménie, elle a perdu une large part de son influence comme courtier en puissance dans le Caucase.
Macron accuse donc Moscou d’une présence russe amoindrie dans cette région. Il y voit « une manœuvre de déstabilisation de la Russie, qui dans le Caucase cherche à créer le désordre pour tous nous affaiblir et nous diviser ». La politique étrangère de Macron est-elle frappée de masochisme, de complotisme ?Des propos « inacceptables », a fustigé Moscou jeudi. « Les déclarations d’Emmanuel Macron, selon lesquelles la Russie se servirait du conflit au Nagorny Karabakh pour déstabiliser le Caucase du Sud, sont révoltantes et absolument inacceptables », a indiqué le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué.
« Donc, pour le dire simplement, la France est là, présente, puissance de médiation. Votre serviteur a, au nom du pays, mené cette négociation pendant la nuit de jeudi à vendredi dernier. Et nous ne lâcherons pas les Arméniennes et les Arméniens », a martelé le chef d’Etat français. La réalité de l’exil des Arméniens du Haut-Karabakh ne valide pas les propos de Macron. Les massacres de populations par les Azéris consacrent au contraire un lâchage que ne cautionnent pas les Français. Macron cède à l’Azerbaïdjan qui fait valoir son positionnement de carrefour géostratégique et développe une politique arrogante de soft power.
L’UE a besoin de stabilité dans le Caucase du Sud, une région qui a pris toute son importance dans le contexte du conflit avec la Russie. L’UE a besoin de l’approvisionnement en gaz de l’Azerbaïdjan et mise sur un « corridor central » reliant l’Asie à la mer Noire et à la mer Caspienne.