Greenpeace, les Amis de la Terre, Notre affaire à tous : des associations écologistes appellent à barrer « l’extrême droite » aux législatives

Ses résultats aux Européennes désignent le RN à la haine d’associations  d’extrême gauche

A l’assaut du RN. Après les résultats des élections européennes et la dissolution de l’Assemblée nationale dimanche, les associations écologistes françaises redoutent une nouvelle défaite, aux législatives anticipées, une possible arrivée au pouvoir de la droite nationale qui remettrait à leurs vraies places les mobilisations citoyennes, la biodiversité et le climat.

Depuis deux jours, plusieurs associations environnementales disent publiquement leur crainte d’un succès du Rassemblement national dans les urnes les 30 juin et 7 juillet. Pour elles, cela représenterait une menace inédite, immédiate et inéluctable sur les mobilisations écologistes, avec le soutien d’une certaine presse (Streetpress, Mediapart, Basta, les Jours, et d’autres aussi vertes, rouges ou noires). (notre édito).

Notre affaire à tous, Bassines non merci ou encore Les Soulèvements de la Terre… Ces organisations appellent non seulement à aller voter, mais aussi à rejoindre les manifestations anti-RN prévues avant le premier tour des législatives qui désigneront la prochaine Assemblée nationale.

Appelant à «l’union pour la justice sociale et environnementale», Greenpeace France a caillassé à l’aveugle l’extrême droite et son projet politique, qui «proposent des reculs sur presque tous les secteurs environnementaux : elle soutient l’agriculture et l’élevage industriels, la préservation des profits des industries les plus polluantes, ainsi que les OGM et les pesticides. Son arrivée au pouvoir ouvrirait la voie à l’exploitation du gaz de schiste sur le territoire français, mettrait un coup d’arrêt à la lutte contre la pollution de l’air, et accroîtrait notre dépendance aux énergies fossiles (et donc aux Etats-Unis et à la Russie) aux dépens des énergies renouvelables». Des attaques inégalement justifiées, voiresinfondés ou hypocrites, si on songe que, depuis fin 2021, la France de Macron a importé plus de 4,5 milliards de mètres cubes de gaz naturel liquéfié (GNL) issu quasi exclusivement de gaz de schiste et utilisé pour fournir le réseau de gaz naturel dans les foyers…

Les Amis de la terre, fédération internationale d’extrême gauche créée en 1970, raconte que certains de ses membres luttent déjà difficilement sous des régimes à son opposé sur l’échiquier politique dans d’autres pays. Le programme du Rassemblement national est, estime-t-elle, pensé «au profit de certains humains, au détriment des autres, [et] n’est pas compatible avec les enjeux des crises sociales et écologiques actuelles». 

«Militer dans un pays gouverné par l’extrême droite, ça n’est pas la même histoire !», craint Action justice climat Paris (ex-Alternatiba Paris), qui appelle à agir pour «garantir des conditions de mobilisation citoyenne viables».

Notre Affaire à Tous est une association défendant le concept juridique d’écocide et utilisant donc le droit comme levier politique pour la lutte contre le changement climatique. On la retrouve notamment aux procès des groupes Total en 2021 ou BNP Paribas en 2023 et dans la mobilisation contre le projet d’autoroute A69.

Dupont-Moretti veut créer un crime d' »écocide »

Le ministre veut poursuivre toute «atteinte majeure à l’air, au sol et à l’eau»

Pêcheur islamo-gauchiste ou terroriste écologiste ?

Questionné sur l’inscription d’un crime d’écocide dans la loi, une revendication de la Convention citoyenne pour le climat, constituée en octobre 2019 par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur demande du premier ministre Edouard Philippe, le garde des Sceaux, Eric Dupont-Moretti, partisan de l’écologie punitive, a expliqué, le 22 août, lors des universités d’été écologistes, qu’il entendait plutôt porter «un délit qui réprimera les atteintes majeures à l’air, au sol et à l’eau». Cette inscription se ferait dans le cadre de l’examen de projet de loi relatif au Parquet européen, examiné en première lecture par le Sénat en mars.

Pour le ministre de la Justice, la qualification de «crime d’écocide» posait alors des «problèmes de traduction juridique» que les «experts de la Convention ont eux-mêmes reconnus».

En novembre 2019, une proposition de loi socialiste visant à créer un crime d’écocide avait été rejetée par l’Assemblée nationale. Citant les exemples de la catastrophe de l’Erika ou le déversement «d’eau bétonnée directement dans la Seine» par Vinci, les députés socialistes proposaient de punir cette nouvelle infraction pénale de « vingt ans de réclusion criminelle et d’une infraction de 10.000.000 € ».

Barbara Pompili prend le train en marche

Barbara Pompili et Eric Dupond-Moretti, au ministère de l'Ecologie mercredi.
Barbara Pompili et Eric Dupond-Moretti, au ministère de l’Ecologie mercredi. (Eric Dessons/JDD)

Entretien – Le gouvernement crée un « délit d’écocide » pour punir les atteintes les plus graves à la nature et des juridictions spécialisées. Ces annonces répondent en partie aux attentes des 150 membres de la Convention citoyenne.

Tout le monde les piste, mais personne n’est vraiment d’accord quand il s’agit de les compter. Jusqu’à présent, lesquelles des 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat – moins trois jokers présidentiels – ont été reprises? Sur leur site #SansFiltre, les 150 citoyens jugent qu’une seule a été partiellement approuvée, sur la limitation des zones commerciales. Le gouvernement évoque, lui, une cinquantaine de mesures acceptées, au moins partiellement. « Le problème n’est pas là, balaie Cyril Dion, qui avait soufflé au Président l’idée de la Convention. Macron s’était engagé à les transmettre sans filtre, or elles sont modifiées avant! » En quelques jours, sa pétition pour « sauver la Convention » a recueilli près de 240.000 signatures.

Le chef de l’Etat a prévu de revoir les 150 avant Noël. Puis il y aura la loi climat début 2021. En attendant, pour l’exécutif, toutes les occasions sont bonnes de montrer qu’il avance. Dans le cadre du projet de loi relatif au parquet européen et à la justice pénale, dont l’examen commence cette semaine à l’Assemblée, des juridictions spécialisées pour l’environnement vont être créées. Une réforme qui était déjà dans les tuyaux mais qui est aussi présentée comme une réponse à la Convention. « Nous créons un délit d’écocide », annoncent également dans nos colonnes le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, et la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili.

Les 150 citoyens de la Convention demandaient la création d’un « crime d’écocide ». Emmanuel Macron avait dit que serait étudiée la façon dont « ce principe peut rentrer dans notre droit ». Qu’en est-il?

 
Barbara Pompili : Les 150 citoyens défendaient cette mesure très forte symboliquement portant sur toutes les atteintes à l’environnement. Dès le départ, le Président leur avait indiqué aux citoyens que la rédaction proposée pour l’écocide ne pouvait être retenue telle quelle. Elle était en effet trop imprécise, ce qui la rendait potentiellement inconstitutionnelle. Reste que les problématiques posées sont réelles. On a donc mis en place un groupe de travail sur le sujet avec les citoyens dont les échanges ont permis d’aboutir à des avancées majeures pour la protection de l’environnement que nous allons inscrire dans notre droit avec des peines renforcées pour les atteintes à l’environnement, des contrôles qui seront plus efficaces et un fonctionnement de la justice plus spécialisée 

Eric Dupond-Moretti : Nous avons travaillé ensemble et entre nos deux ministères, ce n’est pas un mariage de raison mais un mariage de passion. J’ai la conviction absolue que la transition écologique ne peut pas se faire sans le concours de la justice. Je veux mettre fin au banditisme environnemental car il existe. Sur le terrain symbolique, le choix de ce mot, « crime », est un mot important. Mais à l’enthousiasme citoyen qui s’est exprimé doit succéder une traduction juridique dans le code pénal. Or, le Comité légistique [qui a travaillé avec les citoyens pour traduire juridiquement leur proposition] leur avait déjà clairement indiqué que l’écocide ne pouvait pas recevoir de traduction juridique en ces termes, notamment pour des questions de proportionnalité entre l’infraction commise et la sanction encourue. Comme je l’avais dit cet été, il s’agit de délits et non de crimes. C’est la raison pour laquelle nous allons créer plusieurs nouveaux délits. 

Dans le cadre du projet de loi relatif au parquet européen et à la justice pénale, nous allons créer un délit général de pollution

La notion symbolique de « crime d’écocide » disparaît donc…


Eric Dupond-Moretti : Vous parlez de symbolique… en 36 ans de barreau, je n’ai jamais vu un homme condamné avec des mots. On est condamné avec du droit et grâce au droit. 

Barbara Pompili : Les avancées que nous faisons sont majeures et sont attendues depuis vingt ans! Nous créons un délit d’écocide et rejoignons les préoccupations des citoyens. 

Que prévoit le délit d’écocide?


Eric Dupond-Moretti : Dans le cadre du projet de loi relatif au parquet européen et à la justice pénale, dont l’examen débute cette semaine à l’Assemblée nationale, nous allons créer un délit général de pollution. Nous allons créer un délit général de pollution. Les pénalités seront modulées en fonction de l’intentionnalité de l’auteur. Les peines encourues vont de 3 ans d’emprisonnement à dix ans d’emprisonnement selon qu’on est en présence d’une infraction d’imprudence, d’une violation manifestement délibérée d’une obligation et la plus lourde, d’une infraction intentionnelle. Les amendes vont de 375 000 euros à 4,5 millions d’euros. Dans les cas les plus graves, d’une infraction intentionnelle ayant causé des dommages irréversibles à l’environnement, on peut parler de délit d’écocide.

Nous créons un deuxième délit, celui de mise en danger de l’environnement

Ce dispositif permet de sanctionner les atteintes. Que fait-on pour les prévenir? 


Eric Dupond-Moretti : Aujourd’hui, certains choisissent de polluer car cela leur coûte moins cher. Par exemple, il est moins onéreux d’ouvrir ses silos à béton et de polluer un fleuve que de les faire nettoyer par des professionnels. Ça va changer. Autrefois, vous polluiez vous gagniez, demain vous polluerez, vous paierez jusqu’à dix fois le bénéfice que vous auriez fait si vous aviez jeté vos déchets dans le fleuve. Je souhaite que l’on soit extrêmement dissuasif. Puis nous créons un deuxième délit, celui de mise en danger de l’environnement. Le texte vise à pénaliser la mise en danger délibérée de l’environnement par des violations délibérées d’une obligation. La peine qui est encourue est d’un an de prison et de 100.000 euros d’amende. 

Barbara Pompili : C’est en fait la traduction, en des termes juridiques précis, de ce que demandaient les promoteurs historiques de la reconnaissance de l’écocide avec l’instauration d’un délit transversal d’atteinte à l’environnement. On va être lourdement sanctionné quand on ne respecte pas un certain nombre d’obligations de sûreté, non seulement quand cela aura entraîné une pollution, mais aussi même si la pollution n’a pas lieu. Plus personne ne passera à travers les gouttes et c’est un puissant signal pour que tout le monde respecte le droit de l’environnement. On va aussi instaurer un dispositif de remise en état pour réparer l’atteinte constatée, via une Convention judiciaire d’intérêt public. Il faut prévenir, punir mais aussi remettre en état l’environnement.

S’agit-il de pénaliser davantage le droit de l’environnement?


Barbara Pompili : Oui, car les infractions environnementales étaient sous pénalisées. Avec cette loi, les atteintes à l’environnement entrent pleinement dans le droit pénal.  

Dans chaque cour d’appel, il y aura un tribunal spécialisé en matière d’environnement, compétent tant en matière civile qu’en matière pénale

Ces nouveaux délits s’accompagnent-ils d’une réorganisation de la justice? 


Eric Dupond-Moretti : Nous allons créer une juridiction spécialisée de l’environnement. Dans chaque cour d’appel, il y aura un tribunal spécialisé en matière d’environnement, compétent tant en matière civile, pour l’indemnisation des préjudices par exemple, qu’en matière pénale. On va aussi créer des postes d’assistants spécialisés en matière environnementale afin de renforcer les moyens de cette nouvelle juridiction spécialisée. Et on souhaite aussi renforcer les services d’enquête en matière d’environnement en créant un statut d’officier de police judiciaire pour les inspecteurs de l’environnement. 

Barbara Pompili : Ce sont deux outils très importants. Il faut certes une justice plus spécialisée mais aussi une police plus efficace. Il faut augmenter le nombre de poursuites en renforçant les moyens d’enquête. Le statut d’officier de police judiciaire pour les inspecteurs de l’environnement leur permettra d’avoir les moyens juridiques d’enquête sur le terrain.  

Ils auront certes les moyens d’enquêter mais sont-ils assez nombreux? 

 
Barbara Pompili : Avec ce statut, on leur donne plus de pouvoir et de responsabilité. Jusqu’à présent, ils constataient une infraction, ils étaient obligés d’appeler un officier de police judiciaire. Tout le monde perdait du temps. Ils auront par ailleurs une compétence nationale. Tous ces outils permettent d’avoir un droit plus fort, une police plus efficace et une justice plus experte.  

Les magistrats seront-ils spécifiquement formés aux sujets environnementaux? 


Eric Dupond-Moretti : Evidemment. Il y aura une circulaire d’application destinée au parquet pour un renforcement des formations des professionnels de justice sur ces questions environnementales. Au niveau de chaque département, on envisage aussi de créer une commission placée sous la double présidence du Parquet et du préfet afin d’animer la politique de prévention et de répression des atteintes à l’environnement.  

Vos annonces visent-elles aussi à répondre à l’inquiétude des 150 citoyens, selon lesquels la crise actuelle ferait tomber aux oubliettes leurs propositions?


Barbara Pompili : Sur ce sujet de la justice environnementale, nous avons lancé ce travail, depuis cet été avec eux, nous avons travaillé rigoureusement, également avec la secrétaire d’Etat Bérangère Abba, et je pense qu’on peut être collectivement fiers du résultat. La crise n’arrête pas les choses – la preuve! – et nous sommes bien en train de préparer un projet de loi ambitieux pour le climat.  

Eric Dupond-Moretti : Ce n’est pas un travail qui a été fait dans l’urgence. Le droit évolue avec la société.  

On veut que le droit de l’environnement soit respecté partout dans la vie quotidienne. On pose des bases structurantes

Pourquoi ne pas créer, comme en Espagne, un parquet national spécialisé dans les affaires d’environnement?

 
Eric Dupond-Moretti : Je ne crois pas que l’échelon national soit le plus pertinent. Au contraire, il s’agit bien souvent d’une délinquance très territorialisée. Quand on constate un problème de pollution dans les Calanques, c’est mieux que le tribunal spécialisé qui dépend du ressort de la cour d’appel d’Aix-en-Provence aille immédiatement sur place constater les choses. Je crois beaucoup à ces juridictions spécialisées, tant au niveau du siège que du parquet, par cour d’appel. C’est le cadre le plus adapté. En terme de maillage, ça couvre davantage de territoire. Les juridictions locales connaissent aussi des délinquances locales spécifiques.  

Barbara Pompili : Avec cette réforme, on ne veut pas que des procès très médiatiques. On ne veut pas juger que des affaires Erika. On veut que le droit de l’environnement soit respecté partout dans la vie quotidienne. On pose des bases structurantes. Mais le droit évolue et on ne ferme aucune porte. 

Les citoyens souhaitaient intégrer dans notre droit le concept de « limites planétaires », défini par l’ONU. Qu’en est-il? 


Barbara Pompili : Cet été, ils ont travaillé avec des juristes et des experts sur cette question. Ils ont constaté que ce n’était pas simple de faire une transcription juridique des limites planétaires. Comment voulez-vous quantifier les atteintes aux limites planétaires? Or, si vous ne pouvez pas le quantifier, comment voulez-vous avoir une peine proportionnelle? Les limites planétaires sont une notion structurante mais trop floue pour être la base d’une infraction pénale. On va continuer à y réfléchir en associant les représentants de la Convention mais en attendant, il ne faut pas s’empêcher d’agir. Il était urgent de mettre les atteintes à l’environnement à un niveau suffisant dans notre droit. 

Vous reprenez ici une partie des propositions des 150 citoyens, d’autres seront inscrites dans le projet de loi Climat en janvier. Ne craignez-vous pas le risque d’une dispersion?


Barbara Pompili : Avec ces mesures, nous répondons à l’interpellation des citoyens sur le crime d’écocide. Pour le reste, le projet de loi climat reprendra une part importante des propositions de la Convention, celles qui sont de nature législative. D’autres se retrouvent dans des textes complémentaires ou dans des engagements pris au niveau international et européen. On est encore en train de travailler. Nous ferons le bilan, et les citoyens aussi, quand on aura fini. 

Eric Dupond-Moretti : Les mesures sur la justice ne sont pas des mesures au rabais. Elles vont faire consensus. Quand les citoyens ont évoqué le crime d’écocide, nous l’avons considéré comme une proposition d’appel sur un débat essentiel. Nous avons donné à ces aspirations une traduction juridique forte, cohérente et efficace.