La canicule actuelle pourrait être pire que celle de 2003 d’après UN expert du …GIEC

Retenez ce nom, Christophe Cassou, climatologue le nez dans le court terme.

Une alarme importée du Canada par Christophe Cassou

Depuis la crise sanitaire de la covid, nous savons, nous, de quels délires contradictoires sont capables les « savants ». Chaque laboratoire, chaque chapelle politique a envoyé ses « experts » distribuer sa bonne parole. Chaque intervention commençait par  » nous savons », alors qu’ils connaissaient très peu du sujet. Les thèses se sont opposées, alors que la vérité scientifique est une. On a vu les libertaires et les enfermistes s’affronter, comme les optimistes et les déclinistes en matière écologique, ajoutant de la confusion au désarroi général de la population. Si la vérité scientifique est aussi diverse, c’est que l’ignorance et la volonté de puissance interfèrent. Un sombre inconnu fait ainsi entendre sa voix sur le sujet de la période actuelle de fortes chaleurs. Aussitôt buzze le grand mot de « canicule ».

Le principe de précaution est appelé à la rescousse. Les pouvoirs publics se désengagent ainsi, déplaçant les conséquences de la canicule sur les Français qui sont appelés à prendre leurs précautions: l’Etat protecteur a suivi les débats sans pour autant prendre les dispositions utiles qui auraient permis de faire face. Pourtant, pas de brumisateurs dans l’espace public: Macron-le-protecteur recommande d’économiser l’eau !…

Une « inquiétude monte »,
la peur du « manque d’eau »

Sept départements sont en vigilance orange canicule ce mercredi 13 juillet, et « le phénomène promet de s’intensifier » pendant encore plusieurs jours, dramatise le climatologue, évoquant pêle-mêle les inondations de la vallée de La Roya en novembrz 2020 et les incendies dans le Gard en juillet 2022.

Les fortes chaleurs sont de retour en ce début d’été – le contraire serait une autre moyen d’agiter les peurs pour les alarmistes – et la vigilance orange canicule a été activée dans sept départements en France. Les températures n’ont pas fini de grimper cette semaine de juillet, on peut s’attendre à des chaleurs extrêmes pendant encore plusieurs jours.

Quelle est la définition de la canicule ?

Canicula est le nom donné à l’étoile Sirius (qui vient du grec « seirius », signifiant « brûlant », « ardent »). qui se trouve dans la constellation du Grand Chien. Etoile qui se lève et se couche avec le soleil du 22 juillet au 22 août, période caractéristique des fortes chaleurs. La canicule est associée à de très fortes températures la journée comme la nuit pendant une période prolongée, habituellement d’au moins 3 jours consécutifs.

Un pic de chaleur fait-il une canicule ?

Si un pic de chaleur
ne fait pas une canicule,
au moins ça fait le buzz..

Rien d’anormal à ce qu’il fasse chaud l’été ? Pas pour Christophe Cassou, climatologue et l’un des principaux auteurs du dernier rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) qui s’est exprimé auprès du journal Libération. Le « dôme de chaleur » qui s’installe pourrait bien être d’une intensité historique, et avec un « risque » de faire « pire » que la canicule de 2003, qui avait fait environ 19.000 « morts » en France, selon les relais médiatiques en mal de sensationnel en période estivale.

Cet épisode de fortes chaleurs « pourrait durer très longtemps, en particulier dans le Sud de la France, » ce qui est une prédiction de bon sens, de sagesse simplement populaire, dira-t-on même…. « On parle déjà de dix jours au-dessus de 35-40 °C ». Un simple emploi du conditionnel par le climatologue alarmiste du GIEC répand la peur. L’ecart de température avancé, 5 degrés, indique une amplitude moins scientifique que de type boule de cristal. Christophe Cassou est directeur de recherche au CNRS et au Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique (CERFACS): calcul scientifique à 5 degrés près…. Le sieur Cassou aura frappé les esprits et fait vendre du papier, peu lui chaut la déforestation…

Le nombre d’épisodes de chaleur a augmenté en 20 ans

Météo-France date de 1993, mais passe des mains du ministère des Transports (1976) à l’Environnement (1993). D’après l’expert du Giec, le pays compte 17 épisides caniculaires entre 1947 et 1999… mais 25 entre 2000 et 2022. Eût-il choisi deux périodes différentes (1947-1987 et 1988-2022) que notre climatologue manipulateur n’aurait pas obtenu les mêmes chiffres. « Sans politique climatique, il y a trois chances [sic] sur quatre pour que le nombre annuel de jours de vagues de chaleur augmente de 5 à 25 jours en fin de siècle selon les régions, par rapport à la période 1976-2005 ».

Le Petit Age Glaciaire est à l’inverse une période longue (fin XIIIe et milieu du XIXe siècles) anormalement froide.

La disette des années 1693-1694 est due à des intempéries excessives et aux basses températures. Au cours de l’hiver 1709, on enregistre des records de froid : jusqu’à -20,5° C à Paris !

Les scientifiques « pensent » que le CO2 est le principal gaz responsable du changement climatique mondial en raison de son effet de réchauffement plus durable: une opinion est une hypothèse de recherche, mais ni une preuve, ni un fait scentifiquzle. D’ailleurs, le méthane a un indice de GWP beaucoup plus élevé, mais il ne peut être utilisé pour culpabiliser les consommateurs comme les automobilistes, têtes de turcs des écologistes alarmistes et vaches à lait de l’Etat.

Le réchauffement climatique est déclaré responsable du nombre d’épisodes de fortes chaleurs – une La Palissade – de leur durée, ainsi que de leur intensité. Pourtant, avant l’été, on parlait plutôt de dérèglement climatique. Le terme de réchauffement est ressorti pour les besoins de la cause écologiste régressive et punitive.

L’année 2021 n’a pas connu de période caniculaire… Les seules canicules datent en France de juin 1947, 1976, 2003, 2005, 2006. Il n’y a pas eu de canicule en France durant l’été 2021, aucune depuis 2006… 

Et le point de vue d’Elisabeth Buffet pour finir, avec élégance:

https://www.tiktok.com/@guetteclemence/video/7121772462878002438?_t=8U6xwKAzf8w&_r=1

« Pap Ndiaye a inventé le “wokisme de salon » », une mise en garde de Pierre-André Taguieff

Le successeur de Blanquer est l’antithèse du premier choix de Macron, président binaire dont la « pensée complexe » alarme

[Pierre-André Taguieff, « Pap Ndiaye a inventé le “”wokisme de salon » (propos recueillis par le rédacteur en chef adjoint des pages Débats du Figaro, Alexandre Devecchio), Le Figaro Magazine, 3-4 juin 2022, pp. 40-44. 

Version complète de l’entretien, qui a dû être coupé pour être publié. L’ouvrage de Pierre-André Taguieff – philosophe, politologue et historien des idées (directeur de recherche honoraire au CNRS, auteur classé   » anarcho-situationnisme » aussi bien que « néoconservateur » – cité dans l’entretien est Le Retour de la décadence. Penser l’époque postprogressiste (Paris, PUF, 2022) ], ci-contre.

La nomination de Pap Ndiaye au poste de ministre de l’Education nationale a fait couler beaucoup d’encre. Que vous inspire-t-elle ?

Pierre-André Taguieff. J’ai tout d’abord éprouvé un sentiment de stupéfaction, voire de sidération. J’aurais compris qu’un Jean-Luc Mélenchon au pouvoir nomme Pap Ndiaye à ce poste. Mais comment comprendre que le président Macron puisse attendre d’un chantre de la « diversité », d’un dénonciateur des « violences policières » et d’un partisan de la discrimination positive à l’américaine qu’il poursuive les nécessaires réformes engagées par son prédécesseur Jean-Michel Blanquer ? Il s’agissait, pour ce dernier, de redonner son sens à l’école républicaine, en se réclamant sans ambiguïté des valeurs universalistes, en défendant le principe de laïcité et en réaffirmant l’autorité des professeurs. Son projet était de rétablir les conditions de l’égalité des chances et d’assurer ainsi le bon fonctionnement de la méritocratie républicaine. 

      [Noir comme peut l’être Obama, un métis qui rejette sa part de blanchité] Pap Ndiaye [56 ans], quant à lui, a des convictions idéologiques bien différentes qu’il a rendues publiques par ses livres (comme La Condition noire. Essai sur une minorité française, publié en 2008) et ses interviews. Elles témoignent notamment d’un intérêt particulier pour les minorités qu’il suppose discriminées (les « minorités visibles »), d’une vision raciale de la société française (composée de « Noirs », de Blancs », etc.) et de prises de position favorables à des mobilisations s’inspirant de l’antiracisme décolonial, comme celles du comité « La Vérité pour Abama », dénonçant le « racisme d’Etat » et les « violences policières » censées le traduire dans la rue.  On trouve certes chez cet intellectuel engagé certaines nuances. Il dénonce, dans la société française, un « racisme structurel » et non pas, comme Rokhaya Diallo ou Assa Traoré, un « racisme d’Etat ». A propos des militants « woke », il confie à M le magazine du Monde en juin 2021 : « Je partage la plupart de leurs causes, comme le féminisme, la lutte pour la protection de l’environnement ou l’antiracisme, mais je n’approuve pas les discours moralisateurs ou sectaires de certains d’entre eux. Je me sens plus cool que “woke”. » Notre nouveau ministre a inventé le décolonialisme de bonne compagnie, ainsi que le « wokisme » de salon, « convenable » et pour tout dire institutionnel. 

      Dans La Condition noire, Pap Ndiaye ne cache pas la « dimension franco-américaine » de ses réflexions, manière élégante et allusive de reconnaître sa dette envers les studies fortement idéologisées qui fleurissent dans les universités anglo-saxonnes : African American StudiesBlack StudiesPostcolonial Studies, etc. Il a rejoint la cohorte des universitaires militants qui, depuis les années 1990, ont trouvé dans l’antiracisme identitaire à l’américaine un substitut au marxisme : les « races » discriminées ont remplacé les prolétaires exploités. En se proposant d’ouvrir un « champ d’étude qui pourrait devenir celui des Black Studies à la française », Pap Ndiaye s’est risqué à transposer en France des modèles d’analyse empruntés à la boite à outils étatsunienne impliquant des engagements politiques « radicaux » dont il s’est efforcé d’arrondir les angles. Comme l’a dit de lui dans Le Monde (4 juin 2021) l’entrepreneur en postcolonialisme Pascal Blanchard, « Pap est un super diplomate ».       

Il est soupçonné par toute une partie de la droite, mais aussi de la gauche républicaine, de vouloir faire entrer la pensée décoloniale à l’école. Comment définiriez-vous cette pensée ?

PAT. Prise au sens large, la « pensée décoloniale » repose sur onze piliers : 1° tout est « construction sociale » ; 2° tout doit être « déconstruit » ; 3° tout doit être « décolonisé », étant entendu que la « décolonisation » doit s’appliquer à toutes les institutions des « sociétés blanches » et à tous les domaines de la culture occidentale ; 4° toutes les « sociétés blanches » sont racistes et tous les « Blancs » bénéficient du « privilège blanc » ; 5° le racisme, qui est « systémique », est l’héritage de la traite atlantique, du colonialisme, du capitalisme et de l’impérialisme du monde dit occidental ou « blanc » ; 6° « l’hégémonie blanche » va de pair avec l’« hétéro-patriarcat » ; 7° « l’intersectionnalité » conceptualise la situation de personnes qui, appartenant à des « minorités », sont censées subir simultanément plusieurs formes de discrimination (de race, de genre, de classe) en toute « société blanche » ; 8° tout nationalisme, y compris le patriotisme républicain à la française, est porteur de racisme, donc de « discriminations systémiques » ; 9° le sionisme est une forme de racisme [déni d’antisémitisme] et Israël est un « Etat d’apartheid » qu’il faut démanteler ; 10° l’« antiracisme politique » consiste avant tout à lutter contre l’islamophobie et la négrophobie ; 11° ce que les islamophobes appellent « l’islamisme » n’existe pas plus que « l’islamo-gauchisme » : il n’y a que des musulmans qui souffrent de « discriminations systémiques » et sont victimes, dans les pays occidentaux, d’une islamophobie d’Etat [mise en question de la laïcité].  

Pap Ndiaye s’inscrit-il réellement dans ce courant idéologique ?

PAT. On trouve dans ses publications comme dans ses prises de position publiques de nombreux emprunts à cette configuration idéologique à bords flous, mais on doit reconnaître qu’il ne coche pas toutes les cases. Pour comprendre son itinéraire, il faut rappeler que, grâce à la bourse [un « privilège blanc »] qui lui a été octroyée en 1991 [par la « société blanche », l’Etat français gangréné par un « racisme structurel » pour étudier un an à l’université de Virginie] au nom de la politique américaine de discrimination positive, il a pu poursuivre ses études à l’université de Virginie [ancien état esclavagiste] où il a préparé sa thèse d’histoire : « Je suis donc un produit de l’école républicaine française et de l’affirmative action américaine », a-t-il déclaré au Monde en 2009. Mais c’est à cette occasion qu’il a découvert le racisme et l’importance accordée aux identités raciales par les intellectuels antiracistes étatsuniens, comme il l’a reconnu en juin 2021 : « Mon passage aux États-Unis m’a permis de penser la question raciale. Ce fut une forme de révélation. »  Il n’y a certes rien de honteux à se découvrir « Noir » sur le tard. 

Echo au slogan « Black is beautiful »,
mouvement d’assertion militante de la fierté afro-américaine dans les années 60

      Son engagement politique le plus clair à cet égard a été le rôle qu’il a joué dans la création du Cercle d’action pour la promotion de la diversité en France (Capvid), puis dans la fondation du CRAN (Conseil représentatif des associations noires de France), fin novembre 2006. On le trouve au bureau du Conseil scientifique (créé en mars 2007) de cette étrange organisation, qui justifie son existence en référence à une appartenance raciale marquée par une couleur de peau. Il reste que le CRAN s’est lancé dans la cancel culture, en exigeant notamment des déboulonnages de statues mémorielles. Autre indice de proximité de Pap Ndiaye vis-à-vis de l’antiracisme racialiste de la nouvelle extrême gauche : ses prises de position en faveur des statistiques ethniques. Dans La Condition noire, il « rend compte du déplacement de la lutte antiraciste vers la politique antidiscriminatoire » et « plaide pour l’utilisation de techniques statistiques afin d’établir la discrimination comme un fait social ».  

     Mais il est vrai que Pap Ndiaye n’a jamais été en pointe dans les milieux intersectionnalistes et décoloniaux, car il se souciait avant tout de sa carrière universitaire, ce qui l’obligeait à se montrer stratège et prudent. Pour reprendre les propos louangeurs tenus sur lui par sa sœur Marie Ndiaye, romancière devenue célèbre dans une société française supposée pourtant soumise à un impitoyable « racisme structurel », il s’est efforcé de se fabriquer une image attrayante de « conciliateur » et de « pacificateur », convenant à ses ambitions institutionnelles – accéder avant tout à des postes de direction, ce qu’il a parfaitement réussi à faire, à Sciences Po Paris (directeur du département d’histoire), au Musée national de l’histoire de l’immigration (directeur général du Palais de la Porte-Dorée, 1er mars 2021) et au Centre national du cinéma et de l’image (président de la « commission images de la diversité », janvier 2022), avant d’être nommé le 20 mai 2022 ministre de l’Education nationale [par le cynique Macron]. Tout en donnant des gages aux militants décoloniaux, il tenait à se démarquer des figures médiatiques les plus caricaturales du décolonialisme, telles que l’indigéniste et islamo-gauchiste Houria Bouteldja ou Rokhaya Diallo, qui se définissait en janvier 2017 comme « féministe intersectionnelle et décoloniale ». 

     Il est venu cependant au secours de l’exaltée Assa Traoré aux propos accusateurs et incendiaires, en déclarant avec complaisance et peut-être empathie en juillet 2020 : « Au fond, quand on la lit, quand on l’écoute, son discours est rassembleur. J’entends un discours de convergence plutôt qu’un discours de clivage et de séparation, un discours qui réclame l’égalité. » Il légitimait ainsi le pseudo-antiracisme fondé sur la dénonciation litanique des « violences policières », autre importation des radicaux étatsuniens. Car la militante décoloniale Assa Traoré désignait clairement l’« ennemi commun : le système », le « système » criminel qui, selon elle, « tue » les jeunes issus de l’immigration. Elle précisait ainsi, en 2018, sa vision intrinsèquement négative de la société française : « En France, la ségrégation sociale est doublée d’une ségrégation raciale : ce qui se passe aujourd’hui dans les quartiers s’inscrit dans la suite de l’histoire de l’esclavage et de la colonisation. » [Ca valait bien un maroquin !] On reconnaît la thèse du « racisme systémique ». Comment, lorsqu’on prétend être, une fois nommé ministre, un « pur produit de la méritocratie républicaine », peut-on assumer d’avoir attribué à l’agitatrice Traoré, entourée de dénonciateurs de l’universalisme républicain en tant que masque du racisme, un « discours rassembleur » ?  [une illustration de la « pensée complexe » macronarde »]

     Impressionné par la meute des gauchistes islamismophiles qui pétitionnaient avec indignation contre l’emploi de l’expression « islamo-gauchisme », Pap Ndiaye a prudemment pris ses distances le 19 février 2021, sur France Inter, vis-à-vis des positions prises sur le sujet par Jean-Michel Blanquer et  Frédérique Vidal – laquelle avait le 14 février 2021 demandé de mener une enquête sur l’islamo-gauchisme à l’université –, en déclarant avec sa seule autorité d’un spécialiste des minorités « de couleur » aux Etats-Unis : 

« Ce terme [d’islamo-gauchisme] ne désigne aucune réalité, bien entendu, dans l’université. C’est plutôt une manière de stigmatiser des courants de recherche (…) [des travaux sur] l’intersectionnalité, [c’est-à-dire] une manière de croiser des approches antiracistes, antisexistes, par exemple, de considérer que les situations sociales sont le fruit d’entrecroisements, qui sont le fruit de discriminations diverses, si vous voulez. Ça, ce sont des recherches tout à fait importantes, qui irriguent la recherche internationale. Et donc il serait évidemment catastrophique de les mettre à l’index. » 

Et de préciser, non sans une certaine morgue : « Ce qui me frappe, c’est plutôt le degré de méconnaissance, dans le monde politique en général, des recherches qui sont menées à l’université en sciences sociales et en sciences humaines(…) Ils n’ont qu’une idée extrêmement vague de ce qu’on appelle la recherche universitaire. » Quant à Pap Ndiaye, « intellectuel internationalement reconnu » (selon ses laudateurs), auteur d’une œuvre considérable (sa thèse et quatre livres, dont deux petits ouvrages scolaires et un recueil d’articles), il sait ce qu’est la recherche « en sciences sociales et en sciences humaines » : études de genre,  « théorie critique de la race », intersectionnalité, postcolonialisme et décolonialisme. 

Ne faut-il pas attendre avant de le juger ?

PAT. Il faut en effet éviter tout procès d’intention sur la base de ce que nous connaissons de ses orientations idéologico-politiques. D’abord parce que, comme tout acteur politique, il peut en changer ou les corriger selon les contextes. Et l’homme a montré qu’il était particulièrement souple.  Ensuite, en raison de l’importance de l’administration de l’éducation, puissante organisation impersonnelle qui absorbe les chocs idéologiques au nom de la « continuité du service », devant gérer en permanence un million de personnels et douze millions d’élèves. Enfin, parce que le citoyen engagé dans l’antiracisme à l’américaine, impliquant une centration sur la race marquée par la couleur de peau et le prétendu « racisme structurel », devra compter, en tant que ministre, avec la tradition républicaine à la française qui, conformément à ses valeurs et à ses normes universalistes, prône l’indifférence à la couleur et ne réduit pas les identités individuelles à des échantillons d’identités ethno-raciales. L’essentialisme racial et l’identitarisme ethnique à base victimaire sont des produits idéologiques importés principalement des campus étatsuniens aux mains d’organisations néo-gauchistes radicales. Mais, compte tenu de son « ouverture » à ces courants idéologiques, on peut craindre que Pap Ndiaye [comme ministre] ne compose avec les syndicats, les groupes de pression et les mouvements politiques ralliés au wokisme et à la cancel culture Ce qui serait une catastrophe pour le système d’enseignement français. 

Votre nouveau livre s’intitule Le Retour de la décadence. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? 

PAT. Une approche philosophique du déclin et de la décadence ne peut se passer d’analyses préliminaires relevant d’une sémantique historique. Le mot « déclin » enveloppe les représentations d’un processus naturel comme « vieillissement », « sénescence » et « fin de » (ou « mort naturelle »), métaphorisé notamment par le mot « crépuscule ». C’est en ce sens que Spengler emploie le terme dans Le Déclin de l’Occident (1918 et 1922). Le mot « décadence », quant à lui, implique les représentations de processus pathologiques polymorphes (à fortes connotations théologiques ou morales), tels que la « dégénérescence », la « déchéance », la « décrépitude », la « dégradation », la « maladie », l’« écroulement », l’« effondrement », l’« acheminement vers la ruine » ou la « désintégration ». Il faut y ajouter la métaphore du « naufrage ». Les visions naturalistes et « rassuristes » du déclin se distinguent des visions catastrophistes ou apocalyptiques de la décadence. Cependant, dans bien des cas, il est impossible de trancher entre la thèse d’une mort naturelle et celle d’une mort violente. Si l’on peut retarder un déclin, on peut éviter un naufrage, voire remonter la pente d’une décadence. 

Le terme « décliniste » a longtemps visé une partie de la droite. Vous montrez qu’il existe un déclinisme de gauche, voire d’extrême gauche à travers l’ « écologisme » ?

PAT. Je souligne en effet que les prophètes de déclin ou décadence, voire de fin du monde ou de chaos final, surgissent aujourd’hui surtout dans les milieux écologistes. C’est sur ces thèmes apocalyptiques qu’ils mobilisent. Le malheur de la pensée écologique tient à ce qu’elle est trop souvent instrumentalisée et exploitée par des illuminés sectaires et des démagogues cyniques, qui prétendent monopoliser les « bonnes » positions, c’est-à-dire celles qui relèvent des modes idéologiques mondialisées se nourrissant de grandes peurs collectives. C’est pourquoi leur rhétorique est manichéenne. Même un supposé « modéré » comme Yannick Jadot s’exprime comme un extrémiste fanatique : « On a un choix entre deux options : l’écologie et la barbarie » (16 mars 2022).

      L’écologisme est devenu une gnose, c’est-à-dire un savoir qui sauve, mais qui n’est plus réservé à un petit nombre. A l’âge démocratique, les gnoses perdent leur caractère ésotérique pour faire l’objet d’un endoctrinement de masse.  L’écologisme fonctionne comme une religion de salut à laquelle se sont converties toutes les mouvances de gauche et d’extrême gauche, y compris les décoloniales, qui y voient une manière particulièrement efficace et consensuelle de diaboliser la civilisation occidentale, source à leurs yeux de tous les maux.  Les militants écologistes rejoignent donc logiquement le camp bariolé des ennemis de l’Occident, un Occident maudit et prédateur qu’ils réduisent au productivisme, au capitalisme ou au néolibéralisme.  

Pour autant, ne faut-il pas prendre au sérieux l’enjeu écologique ?

PAT. Bien entendu, mais après l’avoir arraché des mains douteuses des faux prophètes, des marchands d’apocalypse et des histrions idéologiques qui se multiplient dans le champ des « nouvelles radicalités ». Mais je reste lucide : la « dégauchisation » de l’écologie durera longtemps. On n’effacera pas facilement un processus d’appropriation culturelle et politique qui a si bien marché.   

Votre critique du progressisme ne vous conduit donc pas à donner dans le déclinisme ? 

PAT. Je suis trop sceptique pour être un adepte du déclinisme, qui n’est après tout que le produit d’une inversion simple de l’optimisme progressiste le plus sommaire. Passer de la prédiction béate « ce sera mieux demain » à la lamentation nostalgique du type « c’était mieux avant », c’est tourner en rond.  La grande illusion est aujourd’hui de croire qu’on ne peut en finir avec le catéchisme progressiste qu’en adoptant le catéchisme décliniste. 

     Il faut poser le problème au niveau du destin des civilisations. Ma thèse est que lorsqu’une civilisation perd confiance en elle-même, elle est vouée à consentir à son effondrement. La question de la perte de confiance en soi, face à une crise comme face à une menace, est déterminante. Dans son bel essai sur « les religions meurtrières » paru en 2006, l’historien israélien Elie Barnavi, faisant référence à la menace islamiste, n’hésitait pas à lancer avec lucidité : « Une civilisation qui perd confiance en elle-même jusqu’à perdre le goût de se défendre, entame sa décadence. » Or, l’individualisme hédoniste et consumériste, qui est l’idéologie dominante de la civilisation occidentale moderne, paralyse la volonté et neutralise le courage, ouvrant la voie à la soumission. La fierté civilisationnelle est en baisse dans les pays occidentaux, en même temps que s’accroît la culpabilité de « l’homme blanc », ce malheureux bénéficiaire principal du prétendu « privilège blanc » saisi par une haine de soi doublée d’une honte de soi, devenu la cible principale de l’activisme décolonial et « wokiste ». 

      L’idée d’une re-barbarisation de telle ou telle civilisation est à prendre au sérieux. Elle nous rappelle qu’une civilisation est une longue construction sociohistorique qui reste fragile, même et peut-être surtout lorsqu’elle parvient au faîte de sa puissance. Les civilisés trop satisfaits sont des proies faciles. En outre, étant déçus, voire désespérés à la moindre averse, ils peuvent se métamorphoser en ennemis internes de leur culture ou de leur civilisation, comme nous le montrent aujourd’hui le mouvement décolonial et le néo-antiracisme « wokiste », dont la cible commune est la civilisation occidentale tout entière. 

Diriez-vous que la percée de l’idéologie décoloniale à l’université, dans le monde de la culture et peut-être demain à l’éducation nationale est un symptôme de décadence ?

PAT.  Si l’on entend par décadence une rupture de transmission d’un ensemble de valeurs et un processus de décomposition d’une civilisation ou d’une culture nationale, alors l’imprégnation décoloniale croissante qu’on observe peut être interprétée comme un indice de décadence. Ce qui est sûr, c’est que, pour ceux qui croient d’abord qu’il existe une culture française et qu’il faut la transmettre et la faire fructifier plutôt que la déconstruire, ensuite que l’héritage des Lumières, toujours certes à repenser, doit être défendu et illustré, ce à quoi nous assistons apparaît comme une régression qui, plus profondément, pourrait être une décivilisation. Husserl notait que « le monde la culture, sous toutes ses formes, existe par la tradition ». Et il n’y a pas de tradition sans héritage ni transmission. Les interruptions violentes de transmission produisent des déculturations parfois irrémédiables. L’avenir répulsif que nous entrevoyons, c’est l’invention d’un nouveau tribalisme, un tribalisme postnational, fondé notamment sur la racialisation de divers groupes identitaires en conflit permanent. [En février 2017 à Lyon, Macron a lancé : « Il n’y a pas de culture française. Il y a une culture en France. Elle est diverse »].

     Le paradoxe est que ce néo-tribalisme coexiste et interfère avec les produits de la corruption idéologique de l’universalisme occidental d’origine chrétienne, représenté par la célébration des droits de l’homme [de l’Humain, désormais ! ] (de partout et nulle part) au détriment des droits et des devoirs du citoyen (toujours de quelque part). Ces croyances et ces valeurs néo-chrétiennes concentrées dans un cosmopolitisme moral devenu un catéchisme ne font plus rêver qu’une poignée de prédicateurs sans autre auditoire universel que l’écho de leurs prières et de leurs prêches en faveur du relativisme ou du pluralisme, de l’ouverture, de la tolérance et de la « bienveillance », du « care », de la « diversité » et de l’« inclusivité ». En ce qu’elle était censée annoncer l’unification, l’uniformisation et l’égalisation des pensées et des styles de vie, l’occidentalisation juridico-politico-morale du monde a échoué. On connaît le mot apocryphe attribué à Aristote : « La tolérance et l’apathie sont les dernières vertus d’une société mourante. » Mais l’agonie peut durer longtemps, sur le mode d’une euthanasie lente.

Peut-on, dès lors, échapper au déclinisme et au pessimisme ? 

PAT. Le sentiment qu’on vit l’époque de la fin des grands espoirs collectifs n’a cessé de nourrir les visions modernes et postmodernes de la décadence. Et ce, qu’on la pense classiquement comme fin de l’âge des héros ou, à la manière moderne, comme fin des promesses de libération ou d’émancipation, engluées dans le culte de la consommation qui accompagne l’émergence des sociétés d’abondance. Peut-être le sentiment d’assister à une décadence finale et de vivre les « derniers jours de l’humanité » relève-t-il d’une esthétisation du déclin, qui se traduit régulièrement par la contemplation d’une « apocalypse joyeuse », produit d’une transfiguration festive du taedium vitae, ce dégoût de la vie qui peut donner paradoxalement des raisons de vivre. Cioran a noté sobrement : « Dans l’histoire, seules les périodes de déclin sont captivantes. » Et Nietzsche [mort en 1900] , persuadé que « l’Europe est un monde qui s’effondre », célébrait en 1884 la contemplation esthétique de l’agonie européenne : « Un monde qui s’effondre est un plaisir non seulement pour le spectateur, mais aussi pour le destructeur. »

      On ne peut vraiment échapper au pessimisme radical qu’en s’installant inconfortablement dans le tragique. Il est envisageable de le faire sans s’abandonner aux passions tristes. Le héros tragique est gai, suggérait Nietzsche. Giono, pour sa part, indiquait la voie avec simplicité : « Je crois que ce qui importe, c’est d’être un joyeux pessimiste. » On peut cependant hésiter entre le pessimisme joyeux (la gaieté sans illusions) et « l’optimisme tragique » évoqué par Emmanuel Mounier. 

       La situation n’est peut-être pas sans espoir. On peut s’en tenir à ce « peut-être ». La peur du déclin, voire de la fin, pourrait être un moteur du progrès, mais d’un progrès qui n’aurait plus rien à voir avec l’idole abstraite dont le culte a constitué le cœur de la religion des Modernes. Un progrès qui reste à imaginer, par-delà toute forme de nécessitarisme. Je l’ai baptisé « méliorisme » dans les années 1990. C’est le meilleur usage imaginable de la peur et du sentiment de déclin ou de décadence. Car, après tout, l’espèce humaine est inventive, elle a montré dans l’histoire qu’elle pouvait trouver des solutions aux problèmes les plus épineux. L’inconséquence serait de sortir de la vision nécessitariste du Progrès sans fin pour sombrer dans une vision fataliste du déclin final. Dans les deux cas, on se laisse porter par la vague, celle qui conduit au meilleur ou celle qui mène au pire. Deux visions également paresseuses, et qui alimentent la paresse, l’une comme l’autre nous assurant que nous n’avons rien à faire qu’à attendre. La passivité n’est pas une vertu. Elle inspire l’attentisme et l’opportunisme.   

62% des Français constatent le déclin de la France, selon un sondage Havas

Le tango politique de Macron conduit le pays à sa perte

La France traîne
toute la journée
en pyjama et en charentaises
dans le monde

Décroissance économique, tensions sociales, fractures identitaires ou recul du francais, jusqu’à Bruxelles (où il est langue officielle!), en plus de la crise sanitaire, comme ailleurs… Après ces longs mois d’incertitudes, d’instabilité et de pénuries (des masques aux semi-conducteurs, en passant par les produits anesthésiques en salle de réanimation) qui ne sont pas imputables aux prédécesseurs, mais bel et bien à Macron, au pouvoir auprès de Hollande dès 2014, puis à Bercy avant d’arriver à l’Elysée, la France est désemparée, éreintée, fragilisée. En déclin ? D’après un sondage réalisé par l’Institut CSA pour CNews (détenus par Vincent Bolloré), et dévoilé ce jeudi 16 septembre, c’est en tout cas ce que pensent 62% des Français.

Agées d’au moins 18 ans, les 1.000 personnes interrogées dans le cadre de cette enquête ont répondu à un questionnaire auto-administré en ligne, du 14 au 15 septembre. Parmi les deux propositions suivantes, ils ont dû choisir celle qui leur semblait la plus juste : la France est en déclin ou la France n’est pas en déclin.

La première affirmation a donc récolté le plus de suffrages (62%), quand 37% des interrogés ont opté pour la seconde et 1% seulement a choisi de ne pas se prononcer. Ces résultats font écho à ceux d’une précédente étude sur les «Fractures françaises», menée il y a tout juste un an par l’Institut IPSOS (proprieté de Didier Truchot). A l’époque, en septembre 2020, elle montrait un écart encore plus creusé, avec 78% de déclinistes parmi les interrogés.

L’épidémie de Covid-19 était sans surprise la première source d’inquiétude invoquée concernant la situation du pays. Venait ensuite les difficultés, liées au pouvoir d’achat, l’avenir du système social (santé, retraites…) ou encore la protection de l’environnement. Aujourd’hui, le sondage CSA montre un déclinisme – terme péjoratif (personnes voyant tout en noir) – toujours majoritaire mais dont la part est réduite par rapport aux chiffres observés il y a un an.

Cela est peut-être dû aux récents rapports de l’INSEE et de la Banque de France, qui ont tous deux noté un rebond de l’économie française plus rapide qu’attendu. Tandis que l’Insee revoit ses prévisions à la hausse, le FMI prévoit une croissance mondiale plus rapide qu’en France.

Les deux instances ont respectivement relevé leurs prévisions de croissance pour 2021 d’un quart de point (à 6,25%) et d’un demi-point (à 6,3%) contre +5,5% en avril dernier. Tous deux estiment que l’activité devrait rattraper son niveau d’avant la pandémie au quatrième trimestre, soit en fin d’année.

Moins de déclinistes parmi les responsables de la situation présente

Economique ou sanitaire, la crise n’est pas derrière nous et le sentiment de répression lié au passe sanitaire et le pessimisme est toujours majoritaire chez les Français. Le sondage CSA pour CNEWS confirme que les hommes – qui sont davantage soumis à l’obligation de résultats – sont plus enclins que les femmes au pessimisme. 41% des premiers considèrent que la France n’est pas en déclin, contre seulement 34% des secondes.

Les jeunes actifs font moins confiance à la France. Le sujet clive les jeunes et leurs aînés. Le rapport déclinistes/optimistes est à peu près le même pour chaque génération, de l’ordre de 60/40%. Mais les 25-34 ans se montrent à 69% convaincus très majoritairement d’une France en déclin. Les démarchages de Macron – via Brut ou TikTok – ont clairement manqué leur cible.

Parmi les catégories socioprofessionnelles, les CSP – catégories socio-professionnelles – se distinguent avec une part plus large de déclinistes que celle de l’échantillon total, à 71%. Les CSP+ et les inactifs sont presque parfaitement d’accord, avec respectivement 42 et 40% des interrogés considérant que le pays n’est pas en déclin.

Les extrêmes amplifient logiquement la tendance

La Chine remplace peu à peu
la France au Mali

L’AFP participe largement à la désinformation, assurant que que le déclinisme serait l’apanage des électeurs de droite et extrême droite. Le sondage de l’Institut CSA ne observe que cette opinion est clairement majoritaire à droite : à 82% contre 48% à gauche. Sa part grimpe même à 94% dans les rangs de l’extrême droite.

Mais, à l’extrême gauche La France insoumise et la gauche radicale de manière générale se montrent plus déclinistes qu’optimistes (à 55 et 60%).

Le rapport s’inverse totalement au centre: il correspond à la majorité présidentielle ! Ils sont 67% qui veukent croire en l’avenir… D’ailleurs, le parti le plus optimiste n’est autre que LREM, celui du président Macron. Parmi les sympathisants interrogés, 70% seraient convaincus que la France n’est pas en déclin.

L’actualité justifie le déclinisme actuel avec la rupture de contrat de l’Australie pour 12 sous-marins à la française: LIEN PaSiDupes

Faut-il ré-écrire Molière pour les nuls?

Le mépris et l’abêtissement en marche

« La plupart des textes étudiés aujourd’hui sont relativement éloignés sur la forme des versions jouée sur scène il y a près de 300 ans. 
Eric Feferberg / AFP » :
bonjour la maîtrise de la langue!

FIGAROVOX/TRIBUNE – Anne-Sophie Chazaud fustige l’instrumentalisation, par certains journalistes et sociologues, de la proposition du centre international de théâtre francophone concernant l’apprentissage de la langue française aux étrangers. Pour la chercheuse, cette caste médiatique souhaite procéder à la simplification des textes de Molière par démagogie égalitariste [Infantilisation méprisante de ces étrangers jugés a priori inaptes à l’accès aux auteurs étudiés dès la 6e et à la langue française: promesse de communautarisme].

Par Anne-Sophie Chazaud

Jean-Baptiste Poquelin dit Molière.
Jean-Baptiste Poquelin dit Molière. 

Si le français se trouve être désigné dans la Constitution comme étant la «langue de la République», ce qui souligne avec force le lien consubstantiel entre une identité nationale et un système linguistique chargé au fil des siècles d’histoire, d’usages et de culture, l’on emploie également souvent l’expression «langue de Molière» pour la qualifier.

Parce que celle-ci incarne une sorte de moment de perfection, d’âge d’or reflétant l’esprit français, par son classicisme certes, celui du Grand Siècle, mais aussi par sa puissante charge ironique, son esprit frondeur, sa vivacité, son rapport à la fois au pouvoir et à la dissidence, bref, à l’intérieur même de ce qui est devenu son classicisme, par son aspect éternellement vivant, intempestif et toujours actuel.

Accéder à la connaissance fine d’une langue, c’est donc accepter avec modestie, humilité, ambition et travail, de se plonger dans une Histoire dont on est, dans le maniement des mots, les récipiendaires, les héritiers, et que nous avons la charge de faire vivre, non dans une forme figée ou sacralisée de manière paralysante, mais dans une forme mouvante qui reprend le passé à son compte en le métamorphosant avec lenteur, avec la sage lenteur de la vie elle-même, avec authenticité et non par parti pris idéologique ou par paresse intellectuelle, comme le rappelle avec force Victor Hugo dans la si célèbre préface de Cromwell: «Les langues ni le soleil ne s’arrêtent plus. Le jour où elles se fixent, c’est qu’elles meurent.»

On passe d’une initiative visant l’enseignement du Français aux étrangers, à une remise en question du répertoire et de la langue de Molière.

Une initiative du centre international de théâtre francophone en Pologne conduite en partenariat avec la Comédie-Française, intitulée «10 sur 10», menée depuis plusieurs années, a ainsi pour objectif de donner à 10 jeunes auteurs francophones pendant 10 jours la possibilité de réécrire de nouvelles pièces «destinées essentiellement à l’enseignement du français en langue étrangère (FLE)».

Cette ludique bricolette d’ateliers d’écriture, comme il en fleurit partout, ne pose en soi aucun problème et semble par ailleurs animée des meilleures intentions du monde puisqu’il s’agit d’amener vers la langue française un public qui, a priori, ne la maîtrise pas. On ne peut donc que s’en féliciter. Il s’agissait ici en l’occurrence de revisiter le répertoire de Molière. Pourquoi pas.

La réaction fut vive, en revanche, en particulier sur les réseaux sociaux, face à la manière dont cette information a été traitée par la radio dite culturelle du service public audiovisuel, toujours prompte à tirer la couverture idéologique à elle et dans le sens qui lui convient, avec un tweet qui eut tôt fait de circuler en ne manquant pas de produire l’effet de réaction escompté par l’habituel conformisme anticonformiste en vigueur, énonçant notamment, quitte à dévoyer le projet francophone initial: «La langue de Molière est-elle devenue trop ardue pour les écoliers d’aujourd’hui?».

L’on passe donc, doucement mais sûrement, avec la belle opiniâtreté déconstructiviste en vogue, d’une initiative visant l’enseignement du Français Langue étrangère, destinée donc, comme son nom l’indique, à des étrangers, à une remise en question du répertoire et de la langue de Molière visant le public (jeune) français. Le tour était joué en un tournemain.

Afin de venir appuyer cette hypothèse, un professeur de Lausanne fut appelé à la rescousse, venant comme de bien entendu nous estourbir d’un méta-discours pédagogiste de la meilleure facture: «[il s’agit] d’inventer avec lui [Molière] des pratiques pédagogiques et des nouvelles formes d’écriture dramatique pour les dramaturges d’aujourd’hui.» (on a ici clairement quitté les rivages du Français Langue étrangère).

Puis de poursuivre, tout à son enthousiasme, en donnant l’exemple des Femmes savantes dans lequel un «beau nœud» désigne un bon mariage (et non quelque objet phallique de circonstance) pour finir en apothéose par énoncer ce que France Culture ne manquera pas de choisir comme punchline: «Le comique de Molière fonctionne sur des sketches. Ce qu’il y a de plus proche de l’humour de Molière aujourd’hui, ce serait peut-être l’humour des Youtubeurs». Il faut bien avouer que c’est à ce niveau de défaite de la pensée que l’humour de Molière nous est d’un précieux secours.

Ramener l’humour de Molière au niveau des Youtubeuses de la post-modernité, c’est admettre cet aplatissement de la culture.

Outre l’aspect ridicule (et non précieux) de ce galimatias démagogique post-gauchiste de la plus belle facture, ces affirmations et l’écho si bienveillant qu’elles rencontrent évidemment auprès de la radio de service «culturel» public pose de nombreuses questions de fond.

Tout d’abord, cet aveu d’une langue si riche, si foisonnante, si chargée d’histoire, désormais inaccessible (prétendument) aux jeunes lecteurs signe l’aveu d’un échec de la démocratisation culturelle qui, dans la lignée de Malraux puis du Théâtre National Populaire de Jean Vilar (pour ce qui concerne le théâtre) se fixait au contraire pour but d’amener les citoyens, jeunes ou pas, vers la culture, de les y élever (mais il est vrai qu’on ne dit plus un «élève» mais un «apprenant», puisque l’idée même d’élévation semble proscrite).

En l’occurrence, de leur permettre de se plonger dans toute la richesse truculente de la langue française, comme le fit à sa manière le si regretté Alain Rey avec sa magistrale entreprise de Dictionnaire historique de la langue française, lui que l’on peut difficilement suspecter pourtant d’avoir été un dangereux réactionnaire et qui affirmait «la langue française ne s’appauvrit pas», en réponse aux déclinistes de tout poil.

Ramener l’humour et la saveur de Molière au niveau des Youtubeuses incultes de la post-modernité agonisante, c’est admettre cet aplatissement de la culture sur l’abêtissement des médias de masse et du formatage idéologique qui l’accompagne. C’est priver les jeunes et les citoyens de liberté.

C’est aussi, en réalité et sous couvert d’un égalitarisme démagogique que l’on croyait noyé dans les limbes des MJC des années 1970-80, promouvoir un système culturel à deux vitesses: celui des sachants, de ceux qui maîtriseront la langue de Molière et son épaisseur historique, ceux-là même qui pourront ensuite gloser tout à loisir sur les chaînes de radio ou dans d’obscurs projets pédagogiques indéchiffrables pour le commun des mortels afin de déconstruire encore et toujours les codes qu’ils ont en horreur tout en les maîtrisant parfaitement, et de l’autre côté une sorte de lumpen-prolétariat culturel que l’on flattera dans le sens du poil, en le gavant de sous-culture Youtubeuse, en lui faisant perversement croire que ceci vaut cela, que tout se vaut dans un relativisme qui n’a pour seul réel objectif que de permettre au mandarinat déconstructiviste post-soixante-huitard aux manettes de conserver jalousement son pouvoir.

Ce discours est en réalité chargé d’un profond inégalitarisme: gardons la fine connaissance de la langue de Molière pour nous ; donnons-leur des inepties Youtube, ce sera la version moderne du pain et des jeux. Les «jeunes» apprécieront l’image que l’on se fait d’eux.

Il s’agit d’un abêtissement démagogique au motif que ce français si riche serait trop compliqué pour ces « jeunes » qui ne sont rien.

Notons au passage que cette démarche constitue l’exact inverse de la si belle expérience mis en scène dans le remarquable film L’Esquive d’Abdellatif Kechiche dans lequel des adolescents d’une cité HLM découvrent et plongent peu à peu dans le texte de Marivaux, le travaillent, le malaxent, se laissent travailler par lui à mesure que leurs propres émois se font jour dans Le Jeu de l’amour et du hasard, jeu tendre et cruel qui devient le leur à proportion qu’ils en font l’expérience personnelle: c’est ici tout le vrai sens, exigent, respectueux, de l’appropriation par enrichissement culturel qui est proposé, et non l’abêtissement démagogique des foules au motif que ce français si riche serait bien trop compliqué pour ces gens de rien, ces gens qui ne sont rien.

Enfin, quitte à revisiter Molière dans son intemporelle et toujours vivace actualité: chiche! Et plutôt que d’opter pour les si faciles Précieuses ridicules, qui ne font pas courir grand risque, pourquoi ne pas montrer la terrible actualité d’un Tartuffe revisité qui imposerait la burqa ou le voile aux femmes en leur intimant l’ordre de «cacher ce sein [pire: ce visage!] que je ne saurais voir»?: en voilà une réactualisation qui serait audacieuse, courageuse, qui parlerait à notre époque… Trop courageuse, trop impertinente sans doute, de la vraie impertinence et non de la démagogie à la petite semaine.

Pour ce qui est de la langue, on pourrait bien sûr céder à la facilité d’une porte-parole du gouvernement qui annoncerait dans les Femmes savantes «wesh meuf, le petit chat est dead!», ou remplacer «la peste soit du fou fieffé» du Médecin malgré lui par un «on les aura ces connards!» adressé à quelque Ministre des Diafoirus. Car la langue est aussi un objet éminemment politique…

«Ma patrie, c’est la langue française» disait Albert Camus. On comprend donc bien qu’il soit urgent pour certains de l’abaisser au plus vite, de l’abraser, de l’aseptiser, de l’abêtir, comme on cherchera à gommer toute l’épaisseur historique d’un pays en déboulonnant des statues, renommant des rues, contestant des héritages, tripatouillant la langue elle-même pour, sous prétexte de la rendre inclusive, la rendre en réalité illisible et inepte, réservée toujours aux mêmes sachants experts en salmigondis. La guerre à mener est bel et bien culturelle, et la langue en est le cœur vivant.

Anne-Sophie Chazaud est chercheuse et auteur. Elle a notamment publié Liberté d’inexpression, des formes contemporaines de la censure, aux éditions de l’Artilleur.