Retraites: quelles sont les mesures que le Conseil constitutionnel pourrait censurer ?

La douzième  mobilisation intersyndicale, jeudi, pèsera-t-elle sur les décisions du Conseil constitutionnel, vendredi ?

A la veille des décisions attendues du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites, les syndicats français ont appelé à une nouvelle journée de mobilisation jeudi sur l’ensemble du territoire.

Alors que les syndicats et partis politiques sont suspendus à la décision du Conseil constitutionnel, qui rendra sa décision vendredi sur la réforme des retraites, la mobilisation se poursuit dans la rue, jeudi 13 avril. Des grèves doivent à nouveau perturber les secteurs des transports, de l’énergie et de l’éducation.

Parmi les trois scénarios envisageables par les neuf Sages du Conseil constitutionnel, dont aucun n’est représentant de LFI ou du RN, le plus vraisemblable serait la non-conformité partielle du texte. Si les neuf de la rue de Montpensier jugent, vendredi 14 avril, que certaines dispositions de la réforme des retraites sont contraires à la Constitution, ils peuvent les censurer. Dans ce cas, elles ne figurent pas dans le texte qui doit entrer en vigueur à partir du 1er, septembre 2023. Le gouvernement est toutefois libre de les insérer dans un autre projet de loi. Après les onze recours au 49.3, tout est possible…

C’est une hypothèse qui aurait le mérite de satisfaire (presque) tout le monde : l’exécutif, qui s’assurerait ainsi que l’essentiel de son texte -« notamment le report de l’âge légal à 64 ans – entre en vigueur, et les Sages, qui ne pourraient pas être accusés d’avoir eu la main tremblante. Seuls les oppositions et les partenaires sociaux, qui demandent depuis des semaines le retrait total de la réforme, y perdraient. Mieyx que ceka, ce serait un casus belli.

Le « CDI senior » est-il menacé ?

« C’est un classique : Matignon fait exprès de placer quelques cavaliers législatifs [des dispositions non conformes au cadre législatif choisi par l’exécutif] évidents dans un projet de loi pour donner quelques os à ronger aux Sages. Ces derniers ne perdent pas la face et le fond du texte n’est pas remis en cause. Cela arrive très souvent », décrypte un vieux routier anonyme de l’Assemblée nationale. Ainsi, le Canard enchaîné rappelait-il la semaine dernière que 14 cavaliers avaient été repérés dans la loi climat en 2021, 10 dans le budget pour 2022, etc. Mais, en l’occurrence, quels points précis de la réforme des retraites, adoptée via un projet de loi de financement rectificatif de …la Sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023, pourraient être censurés ?

L’article 2 du texte – le fameux « index senior » – concentre toute l’attention, car c’est celui qui risque le plus de subir la censure. Selon le texte définitif remis au Conseil constitutionnel le 21 mars, cet index, destiné à contrôler l’emploi des séniors, prévoit de mettre en place un « indicateur relatif à l’emploi des salariés âgés ». Si cette mesure n’était pas censurée, cet index serait obligatoire dès novembre 2023 pour les entreprises de plus de 1.000 salariés ; l’obligation est fixée à juillet 2024 pour les entreprises dont les effectifs sont compris entre 300 et 1.000 salariés.

Or, même si les entreprises qui ne publieraient pas cet index seraient soumises à des pénalités financières, les Sages ne devraient avoir aucun mal à prouver qu’il ne devrait pas figurer dans un PLFRSS. En effet, à la différence d’autres dispositions, cet index n’est pas une mesure d’ordre financier et ne devrait pas avoir d’impact sur les comptes de la Sécurité sociale pour 2023. Or, c’est précisément ce qu’il faut prouver pour qu’une disposition d’un PLFRSS ne soit pas retoquée ; pour être accepté, cet index aurait dû figurer dans une loi spécifique sur l’emploi ou le travail.

Même cause, mêmes effets pour le « CDI senior »

Le « CDI senior » pourrait également être censuré pour la même raison. Cette disposition, qui ne figurait pas dans le texte initial – c’est l’un des apports des sénateurs LR -, prévoit la création d’un contrat à durée indéterminée spécifique aux plus de 60 ans et, surtout, exonéré de cotisations familiales « afin de compenser le coût d’un salarié senior, qui, compte tenu de son expérience, peut prétendre à une rémunération plus élevée qu’un jeune actif », plaidait le sénateur René-Paul Savary, corapporteur du texte au Sénat. Que cette idée passe à la trappe ne déplairait pas au gouvernement : Gabriel Attal, ministre délégué aux Comptes publics, avait alerté sur le risque d’un « effet d’aubaine » d’une mesure coûteuse (800 millions d’euros pour la branche famille, selon le ministre).

D’autres propositions semblent menacées

Certains constitutionnalistes, dont les avis divergent radicalement sur la future décision du Conseil constitutionnel, estiment par ailleurs que le compte pénibilité, par exemple, pourrait être censurés. D’autres, tel Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’université de Lille, ont rappelé qu’une autre option s’offrait aux Sages : la constitutionnalité sous réserve.

Cet outil permet au Conseil constitutionnel de « déclarer une disposition conforme à la Constitution à condition qu’elle soit interprétée ou impliquée de la façon qu’il indique ». Cela permettrait donc de valider des mesures qui, sans cette réserve, auraient été censurées. Quoi qu’il en soit, nul ne pourra remettre en cause la décision des Sages : selon l’article 62 alinéa 3 de la Constitution, « les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». Encore une fois, les représentants du peuple seront contredits par des juges.

Passe sanitaire: 4 articles de loi à censurer par les Sages

Le Conseil constitutionnel doit statuer dans l’urgence

Après le premier ministre soi-même, 74 députés saisissent le Conseil constitutionnel.

Ces 4 articles de la loi votée sur l’obligation du passe sanitaire que la gauche demande au Conseil constitutionnel de censurer

No pass(aran)! Saisi ce lundi 26 juillet, le Conseil constitutionnel doit trancher sur plusieurs des dispositions controversées de loi adoptée par le Parlement et relative à l’ »extension » du passe sanitaire à certaines activités du quotidien. 

Dans le détail, ces élus de gauche, pour la très grande majorité, membres du Parti socialiste, de la France insoumise, du Parti communiste ou du groupe Libertés et Territoires à l’Assemblée demandent la censure de quatre des 21 articles que composent le texte (1er, 2, 8 et 9). Sont dénoncés les atteintes “disproportionnées” aux libertés à travers, notamment, les restrictions visant les centres commerciaux, les lieux de restauration ou les voyages longue distance, des secteurs industriels puissants. 

Ces députés considèrent également que, compte tenu des délais imposés, les stocks de vaccins présents ou à venir ne permettront pas de protéger la population concernée par le passe créant une “atteinte au principe d’égalité”.

Ils dénoncent également les conditions d’examen du texte au Parlement, jugées “extrêmes” et nuisant à sa “sincérité”. 

“Atteinte au principe d’égalité, à la liberté d’aller et venir…”

L’article 1er, qu’ils veulent voir retoquer, est le plus important. Il prévoit l’extension du passe obligatoire, outil présenté par le gouvernement comme la meilleure arme face au rebond de l’épidémie de Covid-19. Cet article prolonge l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 15 novembre, au lieu de décembre, voulu pzr l’exécutif. Une date ”éloignée” et “disproportionnée”, selon les mots des députés dans leur recours mis en ligne par la France insoumise. 

Concernant le passe sanitaire, ils estiment, qu’ainsi étendu, il “porte atteinte au principe d’égalité, à la liberté d’aller et venir, à la liberté d’entreprendre, au droit au respect de la vie privée et familiale.”

L’article 2 concerne ce que ces élus appellent un “cavalier législatif.” Il prévoit que la peine (de 3 ans d’emprisonnement) applicable en cas de refus, par un étranger, de se soumettre à une décision d’expulsion soit étendue aux cas de “refus de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l’exécution d’office de la mesure dont il fait l’objet.”

Un « cavalier législatif » désigne les dispositions contenues dans un projet ou une proposition de loi qui, en vertu des règles constitutionnelles ou organiques régissant la procédure législative, n’ont pas leur place dans le texte dans lequel le législateur a tenté de les faire figurer.

“Autrement dit”, écrivent les députés qui saisissent le Conseil, “les étrangers refusant de se soumettre ou étant dans l’impossibilité de présenter le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par le Covid-19 en vue de l’exécution d’une mesure d’éloignement encourent une peine disproportionnée.”

Rendez-vous le 5 août

Les 74 parlementaires estiment également que la durée de conservation des “données relatives à une personne ayant fait l’objet d’un examen de dépistage virolowgique ou sérologique de covid-19 concluant à une contamination”, étendue de trois à six mois, comme le prévoit l’article 8 du projet de loi, est “excessive” et “porte ainsi atteinte au respect au droit à la vie privée protégé par la Constitution.”

Enfin, ils demandent au Conseil de se pencher de plus près sur l’isolement obligatoire des personnes positives au virus. Dans le détail, l’article 9 prévoit que “les personnes faisant l’objet d’un test positif à la covid-19 ont l’obligation de se placer à l’isolement pour une durée non renouvelable de dix jours.”

Une rédaction qui manque de clarté, selon la gauche, pouvant prêter à des recours juridiques en nombre, que le “système judiciaire par ailleurs sous-doté” ne pourrait traiter convenablement au cœur de l’été. “Cette impossibilité d’ordre matériel rend les garanties prévues par l’article [la possibilité de saisir le juge des libertés et de la détention] inapplicables”, pointent-ils.

La balle est désormais dans le camp des Sages de la rue de Montpensier. Déjà saisis par Jean Castex sur “la loi relative à la gestion de la crise sanitaire”, selon les mots du Conseil constitutionnel dans un premier communiqué publié à la mi-journée, ils doivent se prononcer le 5 août prochain.