Gérald Darmanin menace de dissoudre ‘Génération identitaire’

Condamnation à gauche, puis à droite : diabolisation pour tous

Action des activistes d'extrême droite de Génération identitaire au Col de l'Echelle, le 21 avril 2018. (ROMAIN LAFABREGUE / AFP)
Col de l’Echelle, le 21 avril 2018

Un amalgame entre violents et non violents.

Suite à une action médiatique de ses militants pacifistes dans les Pyrénées, le groupuscule Génération Identitaire est menacé de dissolution par le ministre de l’Intérieur. Mais classé à l’’extrême droite, Génération identitaire prend de l’ampleur: né à Lyon en 2012, il serait désormais présent dans une quinzaine de villes françaises.

Une trentaine de militants s’était « déployée », selon l’AFP, au col du Portillon, à la frontière espagnole, pour lutter contre le « risque migratoire ». Ils se sont installés quelques heures à bord de voitures sérigraphiées « Défend Europe » pour surveiller la frontière, assez pour susciter la colère d’élus. La présidente socialiste de région Carole Delga, était de ceux qui ont dénoncé mardi 19 janvier 2021 une opération « anti-migrants illégale » de Génération identitaire entre Luchon (Haute-Garonne) et l’Espagne en demandant des sanctions. Certains sont « partis en randonnée » et utilisant « un drone » pour surveiller la frontière, a indiqué la gendarmerie. Quelques militants ont également « été délogés du barrage hydroélectrique de Melles », a précisé la même source.

Les signataires demandent au préfet de la Haute-Garonne de « mettre fin fermement et sans délai à ce coup de force, indigne et contraire aux valeurs de la République et de notre territoire. Nous demandons de l’Etat de poursuivre ces individus et cette organisation, comme il l’avait fait suite à une récente opération dans les Alpes, car ils tentent de créer une confusion avec l’exercice d’une fonction publique, là aussi, passible de sanctions« . Le laxisme socialiste est au faciès. Une plainte de SOS Racisme a notamment été déposée.

Alors que France 3 (chaîne publique) titre que « les réactions sont unanimes » (mais ne peut citer que des élus de gauche, exclusivement socialistes, et SOS Racisme qui ne l’est pas moins), selon le procureur Christophe Amunzateguy, cette enquête a été confiée à la brigade de recherche de la gendarmerie de Saint-Gaudens (Haute-Garonne). Une plainte de SOS Racisme a notamment été déposée.

Les élus socialistes demandent également au ministère de l’Intérieur de dissoudre « ce groupuscule d’extrême droite violent et dangereux pour notre pays », mentionnant que de nombreux autres élus et associations [dont la liste nominale n’est pas jointe) ont déjà présenté cette requête au gouvernement. A noter que ni les élus, ni sa presse régionale n’était sur place pour produire les photos dont ils exigent par ailleurs la publication s’agissant des brutalités des forces de l’ordre agressées dans une multitude d’interpellations de « délinquants ».

La ligne rouge de l’illégalité était-elle vraiment franchie ? Combien d’espèces protégées détruites, de poubelles brûlées, de voitures incendiées, de heurts d' »ultras » avec les forces de l’ordre et de hangars squattés par des « raveurs » en « fête sauvage », « en marge » de la manif ?

« Cette opération, menée en toute illégalité, a seulement pour but de créer le “buzz” médiatique, » reconnaissent des élus de gauche. Et d’ajouter leur sentiment partisan: « permettre à ces extrémistes de développer leur discours de haine », dans un communiqué commun Carole Delga, le président PS du Conseil départemental de la Haute-Garonne Georges Méric (PS), le député de Haute-Garonne Joël Aviragnet (PS) et le maire de Luchon Eric Azemar (sans étiquette, mais soutenu « en même temps » par le sénateur de la Haute-Garonne, PIerre Medevielle (centriste Agir et Mouvement radical et soupçonné de sympathies pour Monsanto), c’est au tour de l’ancien sénateur PS et conseiller général de Saint-Béat, Bertrand Auban).

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’est pourtant saisi de cette occasion pour évoquer publiquement, mardi, pour la première fois, la possible dissolution du groupuscule (GI), né en 2012 à Lyon, quelques jours après que cette poignée de militants – dont des Lyonnais, précise l’AFP, comme si cette présence était une preuve à charge – ont participé à une opération anti-migrants, dans les Pyrénées.

Une action sensibilisation qui en rappelle une autre, tout aussi pacifique, dans les Alpes, en avril 2018

Une banderole de Defend Europe lors d'une opération anti-migrants dans les Alpes, le 21 avril 2018.

A la suite de cette opération médiatique sur un lieu de passage de migrants clandestins, via la Vallée de La Roya, où le berger-passeur médiatisé d’extrême gauche, Cédric Herrou, a été condamné le 10 février 2017 pour aide à l’immigration clandestine, le mouvement et trois de ses cadres ont été relaxés le 16 décembre 2020, en appel par le Tribunal de Grenoble, après avoir été condamnés à de la prison ferme en première instance, en août.

Dans son compte-rendu de la relaxe de décembre 2020, Libération omet de préciser qu’en octobre 2012, quelques dizaines de militants de Génération identitaire avaient occupé le chantier de la grande mosquée de Poitiers, pendant quelques heures et sans heurts, pour réclamer un référendum sur la construction de mosquées et sur l’immigration – dans l’esprit de la « charte des principes » de l’islam en cours de signature – , et qu’en appel, en juin 2020, une relaxe générale avait été prononcée en faveur des militants de Génération identitaire 

« On n’a rien à nous reprocher »

Le Col du Portillon est fermé depuis le 6 janvier 2021.

« II y a déjà beaucoup d’études qui ont été lancées pour nous dissoudre mais on n’a rien à nous reprocher, la justice approuve toutes nos actions », réagit auprès de l’ AFP l’ex-prévenu Clément Gandelin, président de GI et Lyonnais.

Dans les Pyrénées, « le but était de focaliser l’attention des Français et des media sur ce qui se passe à la frontière, c’est-à-dire rien », affirme au Progrès Jérémie Piano, porte-parole national du mouvement. L’opération, avec pick-up mais sans hélicoptère, contrairement à 2018, faisait suite à la récente fermeture de plusieurs routes secondaires frontalières des Pyrénées-Orientalesdans le cadre de la lutte gouvernementale contre l’immigration clandestine et la menace terroriste.

« Il n’y avait pas de policiers », pour faire respecter la décision, au col du Portillon, signale Jérémie Piano. Il évoque une « action pacifique. C’est aussi de la communication. Je pense que Darmanin, et le gouvernement derrière, sont dans l’embarras. Ils ne protègent pas la frontière, alors que des jeunes de 20 ans le font pendant trois jours. II veut nous dissoudre parce qu’on est des opposants crédibles. »

Une enquête préliminaire pour « provocation publique à la haine raciale » a toutefois été diligentée mardi par le Parquet, suite à cette action pacifique. Le ministre de l’Intérieur s’est dit « scandalisé par le travail de sape de la République des militants de Génération identitaire », après leur entreprise dans les Pyrénées.

En 2019, plusieurs groupuscules d’ultradroite, dont le « Bastion social », avaient été dissous à la demande d’Emmanuel Macron. Mais établir un lien est un amalgame, que l’AFP ne manque pas de faire… Ni l’idéologie, ni le mode d’action n’est comparable.