Passe sanitaire : 74 députés appellent à une censure de son extension par le Conseil constitutionnel

Ils dénoncent une atteinte aux libertés et au principe d’égalité entre vaccinés et non-vaccinés.

Des députés ont saisi le Conseil constitutionnel pour contester la loi élargissant le passe sanitaire obligatoire aux cafés, restaurants et aux trains longue distance. Ils contestent l’urgence pour tous à atteindre au plus vite le taux d’immunité collective à 90%, du fait du variant Delta, plus virulent que le virus Alpha. Ils invoquent des motifs valables en période hors contamination épidémique.

Le député La France Insoumise Ugo Bernalicis dénonce une rupture d'égalité entre vaccinés et non-vaccinés, notamment ceux qui n'auront pas rempli leur schéma vaccinal complet lors de l'extension du pass sanitaire, prévue le 9 août 2021. (THOMAS PADILLA / MAXPPP)

Le député La France Insoumise Ugo Bernalicis dénonce une rupture d’égalité entre vaccinés et non-vaccinés, notamment ceux qui n’auront pas rempli leur schéma vaccinal complet lors de l’extension du pass sanitaire, prévue le 9 août 2021.

Lundi 26 juillet, 74 députés d’opposition (LFI, PCF, PS, Nouveaux Démocrates et Liberté et Territoires) ont déposé un recours devant le Conseil constitutionnel pour contester le projet de loi déjà voté et élargissant le passe sanitaire aux bars, cafés, restaurants, ou encore aux vols intérieurs et aux trains longue distance. Le passe est déjà obligatoire dans les lieux de culture, cinémas, musées, théâtres…

Le texte de loi doit entrer en vigueur le 9 août, depuis qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat, mais il doit être validé par le Conseil constitutionnel. Les Sages de la rue Montpensier rendront leur décision le 5 août. Le premier ministre, Jean Castex, leur a demandé de se prononcer sur chacune des mesures contenues dans le texte de loi.

Battus lors du vote à l’Assemblée nationale, les 74 députés repartent à la charge devant le Conseil constitutionnel, avec les mêmes arguments. Ils dénoncent des mesures qui vont à l’encontre des libertés et des droits constitutionnels. Leur objectif est que les Sages censurent certains articles, notamment l’article 1 de la loi, le plus polémique, qui prévoit d’étendre le passe sanitaire à de nouvelles activités du quotidien. 

« Atteinte à la liberté d’accès aux lieux de vie »

Pour le radical député Aurélien Taché, du parti des Nouveaux Démocrates, cet article 1 est contraire à la liberté d’aller et venir des citoyens, et de mener librement une vie sociale et familiale. « Toutes ces libertés sont mises à mal par cette instauration du pass sanitaire », estime Aurélien Taché. « Son extension très forte va vous priver de la possibilité d’accéder à tous les lieux de vie qui sont ceux du quotidien : les lieux de sociabilisation, lieux culturels, cafés ou autres, si vous n’êtes pas vacciné ». 

Il est toutefois possible de passer régulièrement des tests antigéniques ou PCR pour se rendre dans ces lieux, à partir de l’entrée en vigueur de la loi. Ces tests sont gratuits – mais à la charge de la collectivité, dont les vaccinés ainsi discriminés – jusqu’au début de l’automne, comme l’a annoncé Macron,le 12 juillet.

Aurélien Taché estime que l’extension du passe sanitaire est « une atteinte extrêmement forte à notre liberté. Et puis à la liberté d’entreprendre aussi, de ceux qui, finalement, tiennent ces entreprises. »

« C’est une disproportion et une surcharge de travail terrible pour tous ces employés qui ne sont pas là pour faire respecter les missions de police et de contrôle. »Aurélien Taché, député Les Nouveaux Démocrates 

« Rupture d’égalité » entre vaccinés et non-vaccinés

Globalement, les députés dénoncent une mise en place beaucoup trop hâtive de ce pass sanitaire, compte tenu des stocks de vaccins et des délais de rendez-vous. Tous les Français, même de bonne volonté, n’auront pas le temps de se faire vacciner d’ici le 9 août.

C’est contraire à l’un des principes fondateurs de la Constitution, l’égalité, selon Ugo Bernalicis. Le député La France Insoumise pense à « ceux qui ont voulu entamer leur parcours vaccinal après les annonces du président de la République. Le temps de prendre leur premier rendez-vous (…) ceux-là ne pourront pas se faire vacciner en temps et en heure. »

« Certains, qui veulent être vaccinés, seront obligés de faire des tests PCR ou antigéniques toutes les 48h pour pouvoir vivre à peu près normalement en période de vacances. Il y a une rupture d’égalité flagrante. » (Ugo Bernalicis, député La France Insoumise)

Le Conseil constitutionnel a jusqu’au 5 août pour rendre sa décision. Il peut émettre à ce moment-là des réserves d’interprétation ou même censurer des pans entiers du texte, comme l’espèrent les députés qui ont déposé ce recours.

Passe sanitaire: 4 articles de loi à censurer par les Sages

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No pass(aran)! Saisi ce lundi 26 juillet, le Conseil constitutionnel doit trancher sur plusieurs des dispositions controversées de loi adoptée par le Parlement et relative à l’ »extension » du passe sanitaire à certaines activités du quotidien. 

Dans le détail, ces élus de gauche, pour la très grande majorité, membres du Parti socialiste, de la France insoumise, du Parti communiste ou du groupe Libertés et Territoires à l’Assemblée demandent la censure de quatre des 21 articles que composent le texte (1er, 2, 8 et 9). Sont dénoncés les atteintes “disproportionnées” aux libertés à travers, notamment, les restrictions visant les centres commerciaux, les lieux de restauration ou les voyages longue distance, des secteurs industriels puissants. 

Ces députés considèrent également que, compte tenu des délais imposés, les stocks de vaccins présents ou à venir ne permettront pas de protéger la population concernée par le passe créant une “atteinte au principe d’égalité”.

Ils dénoncent également les conditions d’examen du texte au Parlement, jugées “extrêmes” et nuisant à sa “sincérité”. 

“Atteinte au principe d’égalité, à la liberté d’aller et venir…”

L’article 1er, qu’ils veulent voir retoquer, est le plus important. Il prévoit l’extension du passe obligatoire, outil présenté par le gouvernement comme la meilleure arme face au rebond de l’épidémie de Covid-19. Cet article prolonge l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 15 novembre, au lieu de décembre, voulu pzr l’exécutif. Une date ”éloignée” et “disproportionnée”, selon les mots des députés dans leur recours mis en ligne par la France insoumise. 

Concernant le passe sanitaire, ils estiment, qu’ainsi étendu, il “porte atteinte au principe d’égalité, à la liberté d’aller et venir, à la liberté d’entreprendre, au droit au respect de la vie privée et familiale.”

L’article 2 concerne ce que ces élus appellent un “cavalier législatif.” Il prévoit que la peine (de 3 ans d’emprisonnement) applicable en cas de refus, par un étranger, de se soumettre à une décision d’expulsion soit étendue aux cas de “refus de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l’exécution d’office de la mesure dont il fait l’objet.”

Un « cavalier législatif » désigne les dispositions contenues dans un projet ou une proposition de loi qui, en vertu des règles constitutionnelles ou organiques régissant la procédure législative, n’ont pas leur place dans le texte dans lequel le législateur a tenté de les faire figurer.

“Autrement dit”, écrivent les députés qui saisissent le Conseil, “les étrangers refusant de se soumettre ou étant dans l’impossibilité de présenter le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par le Covid-19 en vue de l’exécution d’une mesure d’éloignement encourent une peine disproportionnée.”

Rendez-vous le 5 août

Les 74 parlementaires estiment également que la durée de conservation des “données relatives à une personne ayant fait l’objet d’un examen de dépistage virolowgique ou sérologique de covid-19 concluant à une contamination”, étendue de trois à six mois, comme le prévoit l’article 8 du projet de loi, est “excessive” et “porte ainsi atteinte au respect au droit à la vie privée protégé par la Constitution.”

Enfin, ils demandent au Conseil de se pencher de plus près sur l’isolement obligatoire des personnes positives au virus. Dans le détail, l’article 9 prévoit que “les personnes faisant l’objet d’un test positif à la covid-19 ont l’obligation de se placer à l’isolement pour une durée non renouvelable de dix jours.”

Une rédaction qui manque de clarté, selon la gauche, pouvant prêter à des recours juridiques en nombre, que le “système judiciaire par ailleurs sous-doté” ne pourrait traiter convenablement au cœur de l’été. “Cette impossibilité d’ordre matériel rend les garanties prévues par l’article [la possibilité de saisir le juge des libertés et de la détention] inapplicables”, pointent-ils.

La balle est désormais dans le camp des Sages de la rue de Montpensier. Déjà saisis par Jean Castex sur “la loi relative à la gestion de la crise sanitaire”, selon les mots du Conseil constitutionnel dans un premier communiqué publié à la mi-journée, ils doivent se prononcer le 5 août prochain.