Ascoval: échange tendu entre Macron et Bertrand

«Vous savez peut-être mieux que tous les autres» !

Bertrand tient tête.
Macron, regard fuyant.

Le chef de l’Etat et le président des Hauts-de-France ont eu une discussion glaciale sur le dossier industriel et les tarifs de l’électricité, alors que Les Républicains (LR) viennent d’entrer dans la dernière ligne droite de leur Congrès, lequel doit désigner le candidat LR à la présidentielle, le 4 décembre. Or, parmi les cinq personnalités qui y concourent figure Xavier Bertrand, qui est, quant a lui clairement en campagne, alors que le président flou utilise les moyens de l’Etat pour occuper le terrain et l’arroser de millions.

Présent à Guise (Aisne) ce vendredi, en qualité de président de la région Hauts-de-France, l’ancien ministre du Travail de sarkozyste de Nicolas Sarkozy a profité de l’accueil républicain qui lui est dû pour interpeller le président.

«Je peux vous prendre deux secondes sur un dossier ? Ascoval», a-t-il commencé face au président, en référence au récent projet du groupe sidérurgique allemand Saarstahl – qui administre le site de Saint-Saulve (Nord) – de transférer outre-Rhin une partie de la production de l’aciérie française pour réduire ses coûts, face à la flambée des tarifs de l’électricité, puisque Angela Merkel, en manque de main d’oeuvre, accueille les migrants sans compter. L’actionnaire allemand a finalement renoncé in extremis. «La solution retenue, c’est qu’ils abandonnent», s’est alors félicité Macron. Mais Macron ne s’en est pas tiré à bon compte, car la région Hauts-de-France connaît plusieurs autres problèmes en suspens plombés par un dialogue de sourds entre les deux hommes.

«C’est le tarif de l’électricité, le sujet», a avancé Xavier Bertrand. «Il va changer au 1er janvier », l’a interrompu Macron. «Quand on aura la concurrence des Allemands avec le charbon, ils ne seront pas compétitifs. Il faut leur accorder le tarif préférentiel. C’est la seule solution», a exhorté le président de la région Hauts-de-France. «C’est la seule façon d’éloigner durablement les nuages», a-t-il poursuivi, revendiquant d’être le «porte-parole» des salariés concernés grâce à son «écoute du terrain».

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Une poignée de main aussi longue et glaciale que l’échange : près de 3 minutes

«Un, nous nous battons pour, à court terme, maintenir les tarifs. Deux, on se bat pour mieux, derrière, avoir la bonne taxonomie qui nous permettra dans la durée d’avoir les meilleurs tarifs. Trois, pour réformer les tarifs européens», a tenté d’expliciter en retour le chef de l’Etat. «J’ai compris, mais je vous dis que ce n’est pas ça la solution», l’a ensuite interrompu à son tour Xavier Bertrand, exigeant «des garanties» claires de la part de l’État et du gouvernement. «Vous savez peut-être mieux que tous les autres… C’est possible», s’est enfin agacé Macron, en mettant un terme à l’échange.

Macron coupe court à la contestation. Bertrand n’aura pas eu la possibilité d’aborder le sujet des licences refusées aux pécheurs français et de l’échec de Macron à défendre les intérêts français. Ils ont gardé en mémoire cet autre camouflet administré par la coalition entre l’Australie, le Royaume-Uni et les USA qui a fait échouer la vente de sous-marins français non-nucléaires, pour des raisons écologistes… Lien PaSiDupes

Tout en retenant le président par une poignée de main prolongée (qui a duré aussi longtemps que leur échange glacial – près de trois minutes), les deux hommes se sont quittés sur un constat de désaccord. «Le problème n’est pas de savoir qui a raison de nous deux…», a insisté Xavier Bertrand. A quoi le visiteur a répliqué par une dernière pique, en guise d’au-revoir. «Je vous remercie d’être au côté des autres élus», lui a lancé le chef de l’Etat, pour renvoyer son hôte à son rang de président des Hauts-de-France.

Reprise de France Rail Industry par une entreprise… britannique

Il faut oser le dire.

Comme souhaitée par Bercy, la création d’« une filière franco-française » de rails, comme souhaitée par Bercy, aura bien lieu. Jeudi 23 juillet, la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg a autorisé… l’indo-britannique Liberty Steel à reprendre France Rail Industry (FRI), principal fournisseur de rails de la SNCF établi à Hayange (Moselle), ainsi que l’un de ses fournisseurs d’acier, l’usine Ascoval de Saint-Saulve (Nord).

Alors qu’en juin dernier il clamait sa volonté de relocaliser l’automobile française, Bruno Le Maire applaudit en juillet à la vente à l’étranger d’un fournisseur de rails pour la SNCF, ainsi rendue dépendante de deux pays hors Union européenne.

« C’est une bonne nouvelle [sic] et une étape importante pour les sites d’Hayange et Ascoval », s’est félicité Le Maire, tout en rappelant qu’« il reste néanmoins quelques éléments importants à régler avec Liberty avant que le ministre [de l’Economie] puisse formellement autoriser cet investissement », FRI étant considéré comme une entreprise « stratégique ».

Le gouvernement positive cet échec.

Aucun repreneur français ne s’est manifesté et Bercy raconte donc qu’il souhaitait réunir à l’occasion de la restructuration – à l’avantage d’étrangers – l’aciérie de Saint-Saulve et le laminoir d’Hayange pour former une entité unique de production de rails, en France, mais détenu par Liberty Steel. Les deux sites sont déjà liés par un contrat pour la fourniture de 140.000 tonnes par an pendant quatre ans de blooms (barres d’acier) par Ascoval à Hayange, destinés à la fabrication de rails pour SNCF Réseau. « C’est cohérent [de réunir Ascoval et FRI], on recrée une filière franco-française, on peut s’en réjouir », a estimé Gérard Glas, président du site mosellan, rappelant que le pays « n’avait plus de filière de produits longs depuis 2006 ». Il n’en a pas davantage maintenant…

Réactions contrastées

Du côté des syndicats, les réactions sont contrastées. Nacim Bardi, délégué CGT à Ascoval, qui compte un peu plus de 260 salariés, s’est, pour sa part, félicité : « C’est une excellente nouvelle […]. A partir du moment où l’aciérie rentre dans une filière intégrée en amont et en aval, il y a plus de stabilité au niveau financier, on va chercher le point d’équilibre beaucoup plus facilement, et cela nous permet après d’avoir des perspectives et d’anticiper sur d’autres marchés », a approuvé M. Bardi, tant que les emplois sont sauvés.

A Hayange, site sidérurgique mosellan qui emploie environ 450 personnes, Djamal Hamdani, représentant CFDT, s’est montré plus nuancé : « On avait le choix entre ArcelorMittal et Liberty, entre la peste et le choléra, et le moins pire des deux, c’était Liberty. » « On souhaite que l’Etat s’engage. On veut des garanties sur les investissements et sur le maintien des salariés », a nuancé le syndicat réformiste, très mitigé

L’intersyndicale (CFDT, CFE-CGC et FO) de FRI était en faveur d’une reprise par le chinois Jingye, également dans la course à la reprise avec l’indien Arcelor-Mittal. Pas très européen, ni sur la ligne officielle du refus des délocalisations.

Les syndicats auraient lâché la proie pour l’ombre. En mars, Jingye avait repris British Steel, en faillite, mais n’avait pas pu reprendre son usine mosellane, le ministère de l’Economie n’ayant pas rendu son avis.

Croissance forte

Le projet industriel de Liberty, huitième producteur d’acier mondial hors Chine, prévoit le maintien de la capacité de production, des emplois et des accords sociaux, avec 31 millions d’euros d’investissement, a rappelé M. Glas. « Liberty a une croissance assez forte, ce qui doit représenter pour nous des opportunités pour livrer nos produits à des usines du groupe, en aval de notre aciérie », s’est félicité Cédric Orban, directeur d’Ascoval.

« Cette acquisition est une bonne nouvelle », ont abondé dans un communiqué commun Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, et Laurent Degallais, président de Valenciennes Métropole, rappelant la mobilisation « depuis plusieurs années pour pérenniser l’activité de l’aciérie Saint-Saulve ».

Un pis-aller que chacun la sidérurgie européenne accepte, menacée par les surcapacités de production, la concurrence de la Chine, de la Russie et de la Turquie (insuffisamment contenue par les quotas européens) et trois mois de crise sanitaire, qui ont entraîné une chute de plus de 50 % de la production d’acier. A croire que la crise sanitaire n’a frappé ni la Grande-Bretagne, ni l’Inde…

La mauvaise foi n’est pas en recul en France; à la différence de son industrie.