Appels à la haine par l’imam Mahjoubi : le maire de Bagnols-sur-Cèze savait-il ?

Les proximités entre l’imam et le maire de Bagnols-sur-Cèze embarrassent

Bien que le maire de Bagnols-sur-Cèze, Jean-Yves Chapelet, ait exprimé sa surprise face aux prêches anti-français de l’imam de la mosquée At-Tawba de sa ville, Mahjoub Mahjoubi, récemment expulsé de France, il semble que les deux hommes étaient plus proches qu’il n’y paraît.

« Complètement stupéfait, très très surpris, estomaqué et aussi en colère.  » Voilà comment Jean-Yves Chapelet, le maire de Bagnols-sur-Cèze, à une cinquantaine de kilomètres de Nîmes et quatre-vint-huit de Lunel, ancien socialiste converti au macronisme, a réagi après avoir visionné les sermons anti-français de l’imam Mahjoubi. Dans une vidéo révélée sur les réseaux sociaux, l’imam Mahjoub Mahjoubi a qualifié le drapeau « tricolore » de « satanique », sans « valeur auprès d’Allah », avant d’ajouter : « On n’aura plus tous ces drapeaux tricolores qui nous gangrènent, qui nous font du mal. »

Le préfet du Gard, Jérôme Bonet, précise qu’il a signalé au procureur d’autres prêches incompatibles avec les valeurs de la République.

L’imam, de nationalité tunisienne, qui vit en France depuis une quarantaine d’années et dont l’une des épouses est française et lui a donné cinq enfants, s’était exposé à l’éventuel retrait de son titre de séjour et à une expulsion loin d’être automatiques et qui ont pourtant eu lieu. Il a été arrêté et expulsé de France le jeudi 22 février 2024, « moins de 12h après son interpellation. »

De nombreuses faveurs municipales accordées au fil des années

L'imam Mahjoub Mahjoubi le 23 février après son expulsion du territoire français.
L’imam Mahjoub Mahjoubi le 23 février après son expulsion du territoire français. 

Pourtant, le maire et l’imam entretenaient de bonnes relations. « J’ai d’excellentes relations avec la mairie, et je les remercie pour tout ! » déclarait encore Mahjoubi en décembre dernier. Il soulignait ses liens étroits avec la municipalité dirigée par Jean-Yves Chapelet, l’élu de gauche. « Depuis des années, la mosquée était en convention avec la mairie ! » partageait le prédicateur. En d’autres termes, pendant des années, le lieu de culte a été mis à disposition – à titre quasi gracieux – à l’Association des musulmans du Gard rhodanien (AMGR), qui gère les deux mosquées Attawba et An-Nour de Bagnols-sur-Cèze, pour 18.000 habitants.

Mosquée lumineuse

Un don qui s’est changé en cadeau il y a trois ans, un 29 juin 2021, lorsqu’à l’issue d’un conseil municipal, la ville de Bagnols-sur-Cèze a décidé d’octroyer un bail emphytéotique particulièrement avantageux à Mahjoubi et son association. En échange d’une redevance de 1.000 euros par an, l’AMGR obtient le droit d’agrandir conséquemment la mosquée. L’association parvient également à passer outre plusieurs rapports du pôle d’évaluation domanial et commencer rapidement les travaux qui représentent « un intérêt certain pour le fonctionnement du lieu de culte ».

Au téléphone, l’imam Mahjoub Mahjoubi avait tenu à « remercier la mairie » pour ce cadeau et à « saluer [ses] excellentes relations avec l’équipe municipale ». Ces proximités entre la mairie et l’imam accusé d’islamisme ne sont pas nouvelles. Dans une note du renseignement territorial consacrée aux menaces séparatistes dans le département du Gard, Mahjoubi est décrit comme un homme « bien implanté dans le canton depuis de nombreuses années ; ayant noué de très bonnes relations avec l’équipe municipale en place ».

Toujours selon cette note du Service central du renseignement territorial (SCRT), les liens ténus entre Mahjoubi et la mairie de Bagnols-sur-Cèze lui ont permis « d’obtenir sans trop de difficultés les différents permis de construire en vue de modifications et d’agrandissements du lieu de culte ». Des travaux d’agrandissement qui ont permis à la mosquée de devenir l’une des plus dynamiques et rayonnante du département. 

Quand ses liens étroits avec la municipalité ne fonctionnent pas, Mahjoubi n’hésite pas à jouer des coudes pour se faire entendre, comme en juin 2023, où l’imam s’est adonné au chantage à la prière de rue. Interdit de parking public par la municipalité pour la prière de l’Aïd-el-Kébir, suite à des plaintes de voisinage, Mahjoub Mahjoubi a refusé la solution alternative proposée par le maire et a demandé à ses fidèles de prier devant la mosquée. Aucune suite n’a été donnée à cette provocation par la mairie.

A l’AMGR, certains tiennent à rappeler leur amitié au maire sur les réseaux sociaux, comme Adel Ghanaie, secrétaire adjoint, qui commente, en 2020, une vidéo du maire diffusée sur le compte Facebook de Bagnols-sur-Cèze et signe : « ton ami ».

Une proximité avec l’imam en pleine campagne des législatives

Une nouvelle vidéo vient de refaire surface. Le cadre ? La mosquée Attawba de Bagnols-sur-Cèze. L’audience ? Les fidèles de la mosquée. Les protagonistes ? L’imam Mahjoub Mahjoubi, Jean-Yves Chapelet, maire de Bagnols-sur-Cèze, Jean-Christian Rey, président de la communauté d’agglomération du Gard rhodanien et septième adjoint au maire, et enfin Anthony Cellier (ci-dessus). Ce dernier, aujourd’hui commissaire de la Commission de régulation de l’énergie, a été député La République en marche de la troisième circonscription du Gard de 2017 à 2022. Candidat malheureux aux élections législatives de 2022, il laisse sa place après le second tour à Pascale Bordes (RN) qui l’emporte avec 51,32 % des voix.

Dans la vidéo, on peut observer l’imam passant la parole au maire qui s’adresse au parterre de fidèles : « 1 minute 15 avant le début de la prière, je vais pas vous embêter plus. D’abord je voulais te remercier [en s’adressant à l’imam Mahjoubi] parce que c’est toujours un vrai plaisir de venir ici, voilà ça fait du bien, c’est un moment de convivialité et c’est surtout un moment que depuis deux ans on n’a pas pu partager. » La date ? Deux ans après le premier confinement, en pleine campagne des élections législatives de 2022. Elle daterait d’avant le 30 avril 2022, date de sa publication sur Facebook par Jérôme Jackel, un conseiller municipal de l’opposition. La vidéo a été supprimée depuis. L’objectif de cette réunion ? Difficile à dire. Pour un membre du conseil municipal de l’opposition, cette réunion « c’est de l’électoralisme, on sait que le maire, pour se faire élire, compte sur la population musulmane de Bagnols-sur-Cèze. »

« Les trois tenants de la politique bagnolaise »

Les trois protagonistes autour de l’imam Mahjoubi Jean-Yves Chapelet, Jean-Christian Rey et Anthony Cellier affichent librement leur proximité. Le 3 mars 2022, Anthony Cellier a posté une photo sur son compte X en compagnie de Jean-Yves Chapelet et Jean-Christian Rey, les trois hommes présidant un rassemblement en soutien à l’Ukraine.

Pour ce membre du conseil municipal de l’opposition, il n’y a pas de doute : « Monsieur Chapelet, Monsieur Rey et Monsieur Cellier étaient les trois tenants de la politique bagnolaise. Ils ne faisaient rien sans que l’un sache ce que l’autre faisait. La présence de Monsieur Cellier [à la réunion dans la mosquée de Mahjoub Mahjoubi] n’est pas étonnante ». L’imam Mahjoub Mahjoubi et Anthony Cellier n’ont pas souhaité répondre aux questions de la presse et la mairie de Bagnols-sur-Cèze n’a pas répondu à ses sollicitations.

Après avoir créé une pétition en ligne en demandant la démission du maire Jean-Yves Chapelet et de Jean-Christian Rey, la députée RN de la 3e circonscription du Gard, Pascale Bordes, a indiqué qu’elle compte « faire un signalement au procureur ».

Stupeur et incompréhension

L’imam était « sous le choc » lors de son arrestation, raconte jeudi son avocat formé à l’Ecole des avocats de Marseille, Me Samir Hamroun, près d’Avignon, à Le Pontet, RN.

« C’est la stupeur, l’incompréhension, le sentiment qu’on est en train de faire un très mauvais procès à un homme qui n’a absolument aucun lieu avec des mouvances radicales ou des propos qui seraient contraire aux valeurs de la République. » (Me Samir Hamroun, avocat de Mahjoub Mahjoubi)

« Mahjoub Mahjoubi a été interpellé devant sa femme et ses enfants mineurs ». « Lui-même, sa femme et ses enfants sont tous abasourdis », poursuit l’avocat de l’imam de Bagnols-sur-Cèze. Il annonce qu’il va contester la procédure ce qui n’empêchera pas qu’il puisse monter dans un avion en vue de son expulsion.

L’avocat explique avoir 48h pour contester l’arrêté devant le tribunal administratif. « L’audience pourrait avoir lieu dans un délai de 48h à quelques jours. »

Visé par une enquête pour apologie du terrorisme

Mahjoub Mahjoubi est visé par une enquête préliminaire pour apologie du terrorisme après avoir fait l’objet de plusieurs signalements par la préfecture du Gard, notamment lors de ses prêches des 2, 9 et 16 février, selon l’arrêté ministériel d’expulsion.

Selon le préfet Jérôme Bonet, les propos tenus par le religieux lors de prêches « remettent en cause les principes de la République ».

Un imam du Gard qualifie de « satanique » le drapeau tricolore

Darmanin demande le retrait du titre de séjour de l’imam de Bagnols-sur-Cèze

Numéro 2 de l’association des musulmans du Gard rhodanien, l’imam a pu faire agrandir la mosquée Masjid at-Tawba (mosquée du repentir), sur l’esplanade du Mont-Cotton, dans laquelle il prêchait grâce à la bienveillance du maire socialiste de Bagnols-sur-Cèze

Le ministre de l’Intérieur a demandé le retrait du titre de séjour de l’imam de Bagnols-sur-Cèze, dont les propos ont été signalés par le préfet du Gard au procureur de la République. L’imam tunisien, Mahjoub Mahjoubi, est d’ailleurs membre de l’Association des musulmans du Gard rhodanien (AMGR).

« Aucun appel à la haine ne restera sans réponse », écrit-il. « J’ai demandé le retrait de son titre de séjour en vue de son expulsion du territoire« .

Il annonce également que le signalement par le préfet du Gard, Jérôme Bonet, au procureur de la République a été réalisé « sur [son] instruction ».

Dans une vidéo relayée sur les réseaux sociaux, l’imam qualifie le drapeau français de « drapeau satanique » qui n’a « aucune valeur auprès d’Allah ».

« On n’aura plus tous ces drapeaux tricolores qui nous gangrènent, qui nous font mal à la tête« , déclare-t-il.

Des infractions financières

Plus précisément, deux signalements ont été effectués en vertu de l’article 40 du Code de procédure pénale. Cet article stipule que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs« .

Le premier signalement a été réalisé pour des infractions financières en lien avec la gestion de la mosquée en décembre 2023. Le deuxième, en cette fin de semaine en raison de ses prêches récents.

Dans un autre tweet, le ministre de l’Intérieur affirme qu’à la « demande d’Emmanuel Macron », la lutte contre « l’islam radical et politique » par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a été intensifiée. Il souligne, comme l’a révélé Le Figaro, qu’il y a eu 26% d’expulsions de plus qu’en 2022.

« L’imam accusé d’un prêche anti-France, » selon Le Parisien ?

Trois lui sont reprochés, mais le quotidien du milliardaire Arnault, censé décrypter l’actualité et nous l’expliquer, n’est pas informé ou désinformé, avec l’onction de RSF (Réseau sans frontières) :

Avec un enfant mineur, il serait inexpulsable.
Or il est père de 5 enfants, âgés de 7 à 17 ans, nés et scolarisés en France, avec une épouse française, selon son avocat. Alors, avec onze,
selon la préfecture…

Après trois signalements depuis depuis novembre dernier, finalement reconnus par Le Parisien, les déclarations de Mahjoub Mahjoubi ont été dénoncées par Tareq Oubrou, grand imam de la mosquée de Bordeaux, et par Abdallah Zekri, vice-président du Conseil français du culte musulman, auprès de BFMTV.