Présidentielle: Macron, dépendant de l’abstention au premier tour

La marge d’erreur des sondages peut aussi dissimuler une issue fatale

La principale incertitude est de savoir « jusqu’où Emmanuel Macron peut baisser », explique Bruno Jeanbart, le vice-président de l’institut OpinionWay. Il observe « un réveil de l’anti-macronisme, qui remonte très fort ». Le soutien des Français aux « gilets jaunes » atteint 49 %, du jamais vu depuis le début de la campagne.

Dans l’hypothèse d’une nouvelle finale Macron-Le Pen, 47 % disent d’abord vouloir éviter l’élection de la candidate RN et 45 % lutter contre la réélection de celui d’En marche. En septembre 2020, ils étaient respectivement 53 % et 40 %. La diabolisation de Marine Le Pen semble désormais manquer sa cible, tandis que les révélations du cynisme des pratiques de Macron atteignent visiblement leur cible: il est tombé de son haut, perdant cinq points.

Selon le dernier baromètre OpinionWay-Kéa Partners pour « Les Echos » et Radio Classique, publié ce vendredi, Macron n’est plus crédité que de 26 % des intentions de vote et Marine Le Pen de 22 %, quand Jean-Luc Mélenchon, avec 17%, ne parvient pas à rattraper le wagon de tête.

L’anti-macronisme enfle surtout à gauche, chez les électeurs de Jean-Luc Mélenchon, plus nombreux, à ce stade, à vouloir éviter un nouveau quinquennat Macron. « Cela peut changer dans l’entre-deux-tours », prévient l’enquêteur : « Dans cette campagne, où l’on a tour à tour parlé de Zemmour, de Pécresse, de Macron et, aujourd’hui, de Mélenchon, Marine Le Pen est un peu passée sous les radars. Elle n’a jamais été au coeur de la campagne. » C’est l’une des clés de son succès, tandis qu’irritent l’omniprésence de l’arrogant Macron et sa stratégie de campagne sournoise. « Mais dans les deux prochaines semaines, un duel va s’installer et elle ne pourra plus être cachée. »

Bataille serrée à droite

Les neuf autres candidats en lice ne peuvent plus prétendre à l’Elysée. Valérie Pécresse et Eric Zemmour, qui ont chuté ces dernières semaines, jouent des coudes à 9 % des intentions de vote. Mais la bataille n’est pas sans enjeu, dans la perspective des législatives et d’une éventuelle « recomposition » à droite. Zemmour pourrait entrer au Parlement: il lui suffit de trouver la circonscription qui lui permettrait de constituer un groupe parlementaire.

C’est cependant l’« effondrement de la gauche sociale-démocrate et écologiste » qui frappe surtout les auteurs de l’enquête. La socialiste Anne Hidalgo, dont la candidature n’a jamais percé, n’est qu’à 2 %, à égalité avec Nicolas Dupont-Aignan et derrière le communiste Fabien Roussel ou même Jean Lassalle (3 %). L’écologiste Yannick Jadot, lui, a reculé en fin d’année dernière et n’a jamais retrouvé le moindre élan : il est à 5 %, le seuil pour être remboursé de ses frais de campagne. Avec Anne Hidalgo, à eux deux, ils totalisent 7 %. « Contre 15 % en octobre », note le vice-président d’OpinionWay.

Quant aux révolutionnaires trotskistes Philippe Poutou (NPA) et Nathalie Arthaud (LO), ils finissent la campagne là où ils l’avaient commencée : autour de 1 % des intentions de vote, voire 0% pour la candidate de LO. Les candidats trotskistes ont pour point commun d’être en lice pour la troisième fois. Et de ne pas vouloir être élus.

Depuis 2017, les Français disent ne pas vouloir d’un match retour Macron / Le Pen. Par défaut, et après avoir cherché des alternatives, ils semblent pourtant s’y diriger. A deux jours du premier tour de la présidentielle, et alors que la campagne officielle s’achève, le président sortant et la candidate RN sont en position de force, selon le dernier baromètre OpinionWay-Kéa Partners pour « Les Echos » et Radio Classique, publié ce vendredi. Le premier est crédité de 26 % des intentions de vote et la seconde de 22 %, quand Jean-Luc Mélenchon est à 17 %.

Mais la prudence s’impose. Un sondage n’est pas l’élection, plus encore sur fond d’incertitude sur le niveau de l’abstention , notamment des catégories populaires. Et, depuis quelques semaines, deux dynamiques sont à l’oeuvre, en faveur de la figure de proue du RN et du leader des Insoumis, révélant une saturation de Macron chez les sondés les plus critiques. La première au détriment d’Eric Zemmour, la seconde de manière plus disparate à gauche, mais toutes deux portées par le « vote utile ». Le 1er avril, 25 % des électeurs de Marine Le Pen affirmaient vouloir voter par stratégie plutôt que par conviction. Aujourd’hui, ils sont 31 %. Du côté de Jean-Luc Mélenchon, leur proportion est passée de 30 % à 37 %.

Macron empile les erreurs de stratégie: McKinsey est -il nuisible ?

Macron s’était fait passer pour un fin stratège, mais les sénateurs ont mis en évidence l’emprise sur lui du cabinet McKinsey. Son habileté n’est plus aussi indiscutée et sa lucidité est désormais mise en question au vu des effets désastreux des cabinets de conseil privés étrangers. La confiance des Français a fondu, du fait de l‘évasion fiscale tolérée par Bercy, doublée de soupçons de renvoi de l’ascenseur pour l’apport de 300.00 euros de McKinsey à la campagne de Macron en 2017. En conséquence, Macron perd du terrain. L’ « effet drapeau » dont il avait bénéficié à la faveur de l’ingérence de l’UE dans la guerre de l’Américain Joe Biden contre la Russie, ennemie héréditaire depuis la « guerre froide » en territoire ukrainien s’est atténué, le pouvoir d’achat prenant une place prépondérante dans l’esprit des électeurs. Et son refus de rentrer de plain-pied dans la campagne irrite. L’avance du chef de l’Etat sortant sur celle qui se veut désormais une « femme d’Etat » – le slogan de campagne de Marine Le Pen – était de 13 points à la mi-mars. Elle n’est plus que de 4 points, au point que sa première place, ce dimanche soir, n’est plus certaine.

Si le second tour se déroulait aujourd’hui, Macron l’emporterait avec 54 % des voix face à Marine Le Pen, ce qui ne prend pas en compte l‘effet isoloir qui désigne la décision de dernière minute des indécis, lesquels seraient entre 30 et 50%. En 2017, Marine Le Pen avait obtenu 33,9 % des suffrages exprimés mais est créditée de 47% le 24 avril et Macron 66,1% contre 54% ou 53% envisagés en 2022.

La marge d’erreur peut atteindre 2,6 à 3 points, en plus ou moins, ce qui peut inverser le rapport de forces. La marge d’erreur et le taux d’abstention conjugués permettent d’envisager un 50/50…

Variant Delta : « Le seul moyen d’échapper à une 4e vague, c’est la vaccination »

Les gestes-barrière ne sont pas une protection suffisante, affirme René-Paul Savary, sénateur LR.

Un centre de vaccination contre le Covid-19, le 5 mai 2021 à Toulouse

Le premier ministre et le ministre de la Santé étaient en déplacement dans les Landes ce jeudi 24 juin, pour y annoncer des mesures spécifiques au département qui connaît une reprise de l’épidémie. La circulation du virus alpha baisse partout en France, mais la présence du variant Delta, lui, connaît une progression rapide, comme dans d’autres pays du monde.

« L’épidémie est toujours là. » L’arrivée de l’été, la baisse de la circulation du virus et la levée des restrictions sanitaires pourraient presque le faire oublier. En marge d’un sommet de l’Union européenne à Bruxelles, Macron a appelé à davantage de vigilance, constatant que ce variant « se diffuse beaucoup plus rapidement que les précédents ». Selon le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), le variant Delta sera prédominant en Europe d’ici la fin de l’été et pourrait représenter 90 % des nouveaux cas de Covid-19.

Ce jeudi, le premier ministre Castex et le ministre de la Santé Véran étaient en déplacement à Mont-de-Marsan dans les Landes, un département qui connaît une reprise de l’épidémie avec une présence du variant Delta (ex-variant Indien). Le variant représente 70 % des nouvelles contaminations, selon l’ARS qui précise que ce pourcentage ne porte que sur 126 tests.

La visite de Jean Castex et du ministre de la Santé fait aussi suite à la découverte d’un cluster dans un Ehpad de Pontonx-sur-l’Adour. 23 résidents et 6 membres du personnel ont été testés positifs. Sur les 23 résidents contaminés, 21 étaient totalement vaccinés, avec deux doses. Trois d’entre eux ont été hospitalisés, sans être transférés en réanimation.

Dans le département du Sud-Ouest, « la situation n’est pas catastrophique, l’épidémie est sous maîtrise, mais il ne faudrait pas que la situation des Landes préfigure le développement de ce variant, a assuré Jean Castex. Une préoccupation est liée à ce variant Delta, qui progresse sans doute un peu inexorablement partout ». Le ministre a annoncé des mesures renforcées dans le département avec une campagne de tests et un acheminement de 20.000 doses supplémentaires, utiles et efficaces, si les Français se déplacent mieux que pour les régionales. Et si Véran ne deshabille pas Pierre pour habiller Kevin.

Faut-il contraindre les personnels soignants à la vaccination ? Auditionné au Sénat hier, le ministre de la Santé a abordé le cas de l’Ehpad de Pontonx-sur-l’Adour, s’exaspérant qu’une partie du personnel n’ait pas été vaccinée. Olivier Véran n’exclut pas de proposer – mais en septembre – la vaccination obligatoire pour les soignants et les personnels des Ehpad : « Je ne laisserai pas les Ehpad à nouveau, infectés par le virus »… Peuvent-ils avoir confiance?

Médecin de formation, le sénateur socialiste Bernard Jomier attend les prochaines modélisations pour se prononcer sur la vaccination obligatoire des soignants mais pressent que « ce sera un objet de débat ». Selon lui, « il pourrait y avoir une 4e vague mais pas avec un nombre important de formes graves, d’hospitalisations, de décès. Est-ce un schéma acceptable pour autant ? Je ne pense pas qu’il soit souhaitable de laisser le virus circuler », répond le sénateur socialiste. Il estime que les mesures de restrictions ne peuvent être la première réponse et qu’il faut en appeler à la responsabilité des soignants.

Quand on est directement menacé, on raisonne autrement. Pour la sénatrice des Landes, Monique Lubin (PS), c’est en revanche impensable « de savoir que parmi les personnels des Ehpad, certains ne sont pas vaccinés ». Elle rappelle la souffrance connue par les familles et les résidents avec l’arrêt des visites. La sénatrice rejoint donc la position du ministre, mais s’étonne de cette séquence de « communication ».

« Il ne s’agit pas de minimiser mais ça procède d’une dramatisation du sujet qui n’a pas lieu d’être », estime-t-elle en rappelant que les résidents étaient en majorité, asymptomatiques. Ce qui l’agace également est d’avoir été fixée sur la situation et informée de la visite ministérielle par voie de presse. « En tant que parlementaire, je n’ai reçu aucun message d’alerte. Nous avons été prévenus, hier, de la visite du ministre mais rien de plus », indique Monique Lubin. La sénatrice s’inquiète aussi de la couverture médiatique autour de la contamination de résidents d’Ehpad pourtant vaccinés. Le manque de transparence autour de cette situation pourrait, selon elle, favoriser le discours des anti-vaccins.

René-Paul Savary (LR), médecin de formation et ancien vice-président de la commission d’enquête sur la gestion de la pandémie, apporte une explication simple : « La vaccination amoindrit les risques de développer des formes graves et réduit la charge virale, mais les personnes âgées ont moins d’immunité que celles qui sont dans la force de l’âge ».

« Il y a besoin de maintenir une vigilance et peut-être que le message n’est pas suffisamment clair. On n’entend plus parler de l’application ‘Tous anti Covid’ par exemple », remarque aussi le sénateur de la Marne.

Hier, en Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, indiquait que le variant Delta représentait entre 9 et 10 % des contaminations sur le territoire national. Deux fois plus que la semaine dernière où il ne représentait que 4,6 % des tests positifs.

Dans la course entre les variants, il y a fort à parier que c’est le variant Delta qui va prendre le dessus, « c’est le principe même des virus », explique René-Paul Savary qui insiste : « Le seul moyen d’échapper à une 4e vague, c’est la vaccination ».