Aurélien Pradié (LR) « reprend sa liberté »

Son élimination au premier tour de l’élection de 2022 du président des Républicains n’a pas douché ses ambitions

Déjà, lors de l’épisode de la réforme des retraites qui avait vu Eric Ciotti le démettre de son poste de numéro deux pour lui avoir tenu tête sur la question des carrières longues et pour avoir voté la censure du gouvernement, Aurélien Pradié avait hésité à claquer la porte d’un parti plein, comme il dit, « de zombies ».

Ce mercredi 26 juin, l’élu désormais ex-LR sortant du Lot, a précipité sa décision. A quatre jours du premier tour des législatives, le voici qui prend le large dans un entretien à La Dépêche du Midi. Les lecteurs attentifs auront toutefois noté un détail instructif : à aucun moment il ne prononce, lui, les mots « quitter le parti », parlant plutôt de « reprendre sa liberté ». Mais pour quoi faire, au juste ?

En ces heures de grande décomposition du paysage politique, place aux audacieux qui se disent que tout ce qui était jusqu’alors impossible pourrait le devenir demain. Nouveau héraut proclamé du gaullisme social, le Lotois, qui accuse son camp de ne plus parler aux catégories populaires depuis des lustres, sait qu’il porte une voix singulière. Et qu’il pourrait avoir toute sa place demain dans un hypothétique gouvernement d’union nationale allant des communistes à la droite républicaine, si le Rassemblement national échouait à arracher une majorité. « Nous sommes à l’année zéro de la reconstruction», explique-t-il dans La Dépêche, s’assignant pour haute ambition de faire « renaître » les idées gaullistes dans le pays.

Un groupe autonome demain ?

S’il songeait de longue date à monter sa boutique, il hésitait sur la marche à suivre et le calendrier. Profitant de ces législatives inattendues, il a convaincu une trentaine de députés, dont dix LR sortants – selon son chiffrage, contesté en interne – de se rattacher financièrement à son micro-parti, « Du courage », lors de leur déclaration de candidature en préfecture, comme il l’a lui-même fait. Ce qui lui aurait permis, s’il avait convaincu 50 candidats, de bénéficier de financements publics. Voici donc ces subsides perdus pour lui et pour LR, ce qui avait déjà été vu comme une mauvaise manière au moment où le parti se bat pour sa survie et affronte Ciotti en justice pour l’évincer définitivement.

L’objectif non avoué de Pradié ? Créer son propre groupe à l’Assemblée, car il n’entend pas se retrouver demain sous la coupe d’un Laurent Wauquiez, qui ne va certainement pas quitter la présidence de la région Auvergne-Rhône-Alpes pour redevenir simple député de Haute-Loire. Le candidat potentiel à la présidentielle devrait en effet briguer la présidence du groupe LR, sous réserve bien sûr de l’emporter le 7 juillet.

Je préfère que le futur groupe LR finisse avec 25 députés qu’avec 30 mais avec des planches pourries à l’intérieur ! (Un responsable LR)

« Pradié va faire un groupe avec qui ? Ils vont finir à 4 ou 5 !, » raille un stratège du parti, rappelant qu’il faut disposer de quinze députés pour constituer un groupe. Au parti Les Républicains, cette nouvelle défection a été accueillie avec colère et mépris, certains exhumant un message daté du 12 juin sur X (ex-Twitter) où Pradié condamnait Ciotti pour avoir rallié le RN, en ces termes : « Je ne partirai pas des Républicains. Chez les gaullistes, c’est aux traîtres de partir, pas aux résistants. »

« Ce qu’il fait aux candidats LR, c’est dégueulasse ! S’ils finissent à 3 députés, ce sera beau. Il va faire quoi ? Constituer un groupe avec Liot [Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires] ? C’est la IVe République… », moque un responsable LR, qui fait contre mauvaise fortune bon cœur : « Je préfère que le futur groupe LR finisse avec 25 députés [61 dans l’Assemblée sortante] qu’avec 30, mais avec des planches pourries à l’intérieur ! »

Ligne de crête

Et maintenant ? Dans le droit fil gaulliste, la forte tête du Lot expliquait en privé, bien avant la dissolution, que la France se trouve dans la même situation qu’après-guerre et se disait favorable à un gouvernement d’union nationale allant du PCF à la droite républicaine pour ramener de la concorde. Si le RN l’emporte le 7 juillet, cette hypothèse n’a nulle chance de se concrétiser. Mais si Jordan Bardella échouait dans son entreprise, un chemin pourrait se dessiner qui imposerait à la gauche sociale-démocrate, aux macronistes survivants et atomisés du président, et à une partie de la droite de s’entendre pour éviter que les institutions ne se retrouvent durablement bloquées.

Une ligne de crête, dont rien ne dit qu’elle se concrétisera. Il est toutefois saisissant de constater que le départ de Pradié de LR a été accueilli avec bienveillance par certains au PS, qui ont bien compris qu’il pourrait s’avérer demain un utile allié, sous réserve de disposer d’assez de troupes dans l’Hémicycle. « Il est le seul qui peut ressusciter la droite populaire de Chirac et Sarkozy », assure un spécialiste de la gauche.

Pour le jeune homme de 38 ans, qui assure ne pas croire que le RN soit en situation de s’emparer de Matignon, c’est la croisée des chemins. Ou il devient faiseur de rois dans un scénario de majorité relative, voire peut espérer devenir ministre. Une piste qu’il décrit en creux dans La Dépêche : « La clé sera des majorités relatives qui imposeront un nouveau cap à Emmanuel Macron dans le cadre d’une cohabitation. »

« Le parti est mort et il va falloir reconstruire un parti de droite, avec les gens du peuple, reconstruire une offre politique pour sortir du triangle mortifère que Macron nous a imposé. On sera, pendant un an au moins, dans une situation d’instabilité politique et il faudra gérer le pays », abonde le député sortant du Haut-Rhin Raphaël Schellenberger, qui s’est aussi rattaché à « Du courage », après s’être rangé au second tour au côté de Ciotti au congrès des Républicains de 2022. Mais quid si le RN l’emporte ? Faute de constituer un groupe, les pradiéristes échoueront peut-être sur le banc des non-inscrits à l’Assemblée. Un député LR se délecte en les imaginant contraints de se déjuger : « De toute façon, il faudra reconstruire autre chose demain. Et ils reviendront avec nous ! »

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