Simplification administrative: Bruno Le Maire dévoile cinquante mesures 

Un énième plan, alors qu’ « on nous redemande en permanence les mêmes documents »

La simplification administrative et l’amélioration des relations entre l’administration et les citoyens est au cœur des objectifs assignés à la transformation publique par le gouvernement depuis 2017. Après sept ans, un projet de loi sur la simplification de la vie économique est présenté en Conseil des ministres ce mercredi, avant son examen au Parlement à l’été. Après une large concertation, Bercy a retenu une liste de 50 mesures législatives et réglementaires saluées par les patrons, malgré un renoncement à court terme sur les seuils.

C’est un serpent de mer, mais Bruno Le Maire est résolu à le dominer.  Le comité interministériel de la transformation publique (CITP) présidé par la première ministre le 9 mai 2023 a été l’occasion de faire le bilan des actions entreprises et de mobiliser le gouvernement et les administrations sur un plan d’action partagé. Et, depuis six mois, le ministère de l’Economie mène un vaste travail sur la simplification administrative, avec pour objectif affiché, d’alléger la charge des chefs d’entreprise. Ce mercredi, il rend sa copie, avec la présentation en Conseil des ministres d’un « projet de loi portant simplification de la vie économique », qui sera discuté par le Parlement dès cet été.

Ce texte législatif s’accompagne de plusieurs mesures réglementaires. L’ensemble, baptisé « Plan d’action : simplification ! », forme un catalogue de 50 propositions très disparates – allant de l’accès facilité aux marchés publics à la suppression de sanctions pénales visant les chefs d’entreprise en passant par la disparition totale des formulaires administratifs Cerfa.

Le bilan du CITP est-il tangible ?

Depuis sa création en 2017, le CITP a permis d’acter la mise en œuvre de grands projets de simplification et d’amélioration des relations entre administration et usagers avec une ligne directrice claire : une action publique plus proche, plus simple et plus efficace. Voilà pour les intentions…

A cet égard :

  • La loi ESSOC de 2018 qui a instauré le droit à l’erreur et engagé une transformation profonde de la posture de l’administration, qui fait confiance a priori et promeut la bienveillance. Ils se retrouvent dans une charte d’engagement commune déployée dans l’ensemble des administrations ;
  • La transparence sur les résultats des services publics, un engagement du Président de la République, avec la plateforme « Services Publics + », accessible en ligne, et qui permet de consulter les résultats des services publics à la maille de chaque point de contact avec le public ;
  • La création de France services, permettant à chaque citoyen, quel que soit l’endroit où il vit, d’accéder aux services publics et d’être accueilli dans un lieu unique pour effectuer ses démarches administratives. Aujourd’hui, 2.601 antennes France services sont ouvertes. L’objectif fixé en CITP était d’atteindre 2.750 lieux d’accueil sur le territoire fin 2023, afin que 95% des français disposent d’un point à moins de 20 minutes de chez eux, en décembre 2023, selon Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, et Dominique Faure, ministre chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité. « Plus de 9 Français sur 10 sont maintenant à moins de 20 minutes d’une maison France services, » quand ils en connaissent l’existence ;
  • France connect qui constitue la solution de l’Etat pour faciliter la connexion aux sites des services et aux démarches en ligne. En effet, sur plus de 1.400 sites, au lieu de créer un compte et avoir un mot de passe supplémentaire, il est possible de se connecter de façon sécurisée via un compte préexistant (via les identifiants impots.gouv.fr, ameli.fr, l’identité numérique La Poste, msa.fr et Yris) ;
  • Le travail de simplification du langage des formulaires administratifs et du langage utilisé dans les services publics. L’objectif fixé par le Premier ministre, lors du CITP de février 2021, était de rendre plus lisibles 100 formulaires. Entre 2019 et 2023, 112 travaux de simplification de l’information et du langage administratif (courriers, sites, parcours en ligne, …) ont été accompagnés par la direction interministérielle de la transformation publique. Les 250 démarches essentielles en ligne feront l’objet d’un suivi renforcé pour garantir leur qualité et leur accessibilité avec un taux de satisfaction supérieur à 8 sur 10 avant l’été 2024 (engagement n°5 du 7ème CITP).
  • L’administration proactive, afin d’aller au-devant des démarches des citoyens en les en informant de manière proactive, voire en leur attribuant automatiquement des droits. Le principe « dites-le nous une fois» est également un des moyens pour les administrations d’améliorer l’expérience des usagers, en ne demandant plus les pièces justificatives alors que celles-ci pourraient être transmises directement par d’autres administrations.

Le Maire prend le train en marche

Le ministère des Finances a participé, avec une certaine réticence, aux divers programmes de simplification depuis 40 ans. On est passé d’une démarche principalement juridique à l’efficacité limitée à une approche plus gestionnaire qui pourrait servir de base à un management de la simplicité.

Le ministère des Finances est pourtant très concerné, car ses règlementations et interventions ont une influence sur de très nombreux « événements » de la vie des administrés. Il est cependant probable qu’il soit encore moins simplificateur que les autres administrations. Cela tient aux matières traitées. Les aspects d’intérêt public et régalien des missions sont prééminents ; dans le domaine économique et financier, la complexification va beaucoup plus vite que la simplification ; les conflits entre intérêts divergents sont fréquents, etc. Quant à la culture des hauts fonctionnaires du ministère, le souci de simplicité n’est pas son trait dominant.

Ceci explique pourquoi le ministère ne s’est lancé dans des actions de simplification que sous des pressions extérieures : politiques interministérielles ou mouvements d’opinion ; pressions qu’il accepte difficilement. L’action simplificatrice n’est pas spontanée, elle résulte d’actions récurrentes mais non continues, animées le plus souvent par des organismes ad hoc.

Au cours de ces quarante ans, deux grandes tendances se dessinent :

  • une première approche « classique » est plus strictement juridique et analytique, depuis les années 70, avec un renforcement des droits des usagers (ministère chargé des réformes administratives à partir de 1969, création du Médiateur de la République en 1973, comités d’usagers en 1974, les lois de 1978, sur l’informatique et les libertés, sur l’accès aux documents administratifs et sur la motivation des actes administratifs. Elle aligne des séries de mesures ponctuelles qui viennent corriger les excès de la réglementation existante. Développée à la fin des années 70, elle s’est prolongée jusque maintenant (I). Exemple de réticences, en 1992, lors de la préparation de la « charte des services publics »: les services de la direction générale des impôts se sont opposées à l’inscription d’une mesure (l’allègement des formalités imposées chaque année aux personnes handicapées pour obtenir la vignette automobile gratuite) qui était déjà en vigueur !
  • la seconde approche « moderne » est plus systémique et fait appel à une démarche plus gestionnaire que juridique. Apparue principalement à partir des années 90, elle n’a pas supplanté la première et peut encore être largement développée (II). Le ministère des finances a ainsi participé depuis le début des années 80 aux « trains de simplifications » interministériels, à la « charte des services publics » en 1992, à la loi du 2 avril 2000 sur l’amélioration des relations entre l’administration et le public, à la loi sur la simplification administrative du 2 juillet 2003, au programme « mesures et réduction des charges administratives 2006-2011 ; au programme des 100 simplifications (2009-2012), à la loi du 17 mai 2011. Quel est le bilan de la participation du ministère des finance,  depuis le début des années 80, aux « trains de simplifications » interministériels, à la « charte des services publics » en 1992, à la loi du 2 avril 2000 sur l’amélioration des relations entre l’administration et le public, à la loi sur la simplification administrative du 2 juillet 2003, au programme « mesures et réduction des charges administratives 2006-2011 ; au programme des 100 simplifications (2009-2012), à la loi du 17 mai 2011. Le sujet a été remis à l’agenda des réformes après la révision générale des politiques publiques (RGPP) : lois relatives à la simplification du droit (5 lois entre 2007 et 2013), « choc de simplification » (discours de François Hollande du 29 mars 2013) traduit dans les programmes du comité interministériel de la modernisation de l’action publique portant sur 450 mesures (juillet 2013)?

Au vu de cette débauche de programmes de simplifications sur 40 ans et de l’ampleur de la tâche restante réclamée avec insistance par la population, que sommes-nous en droit d’espérer réellement de cette nouvelle vague 2024 ?

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