Tariq Ramadan, un homme fini en musique

Sa diatribe anticolonialiste le ridiculise auprès des musulmans eux-mêmes.

Poursuivi pour six viols en France et en Suisse, le prédicateur islamiste tente de mobiliser les islamo-gauchistes, musulmans et extrême gauche, avec un slam violemment anticolonialiste. Pitoyable!

En mars 2020, Tariq Ramadan publiait Malcolm X, de l’exclusivisme noir à la spiritualité universelle (éditions Albouraq). Dans ce livre, il affirme que son père, Saïd Ramadan, a eu « une influence majeure sur l’évolution de la pensée » de ce prêcheur musulman afro-américain. Libéré alors après neuf mois de détention, l’ancien professeur d’études islamiques contemporaines à l’université d’Oxford tentait, pour redorer son blason, de s’identifier à Malcolm X.

Ce fut un flop, l’ouvrage passant totalement inaperçu. Tariq Ramadan vient de récidiver, cette fois en chanson, avec « Qu’est-ce que vous croyez ? » Dans ce slam complotiste, il menace carrément les Occidentaux, les Blancs, les désignant à la vindicte islamique: une incitation à la haine. « Vous avez peur ? Vous allez perdre vos privilèges et votre identité, menace-t-il. Soit vous partagez, soit on se servira (…) Il n’est pas voleur, le pauvre et l’affamé ».

« Tartuffe »

Un hymne révolutionnaire susceptible, selon lui, d’enflammer les banlieues et de mobiliser les « islamo-gauchistes ». Comme il savait si bien le faire avant que des plaintes pour viols ne le rattrapent en 2017. Au Bourget, lors des Rencontres annuelles des musulmans de France, l’organisation tricolore des Frères musulmans, des foules immenses venaient l’écouter religieusement.

Mais une fois encore, sa diatribe anticolonialiste ne prend pas. Pire, les musulmans se moquent de lui. Sur le site Saphirnews, l’un d’entre eux parle de « poisson d’avril ». Un autre lâche qu’« il est triste de voir quelqu’un faire n’importe quoi pour exister après s’être discrédité à la manière d’un Tartuffe ».

« Plus une mosquée ne veut plus l’inviter »

Saïd Branine, le responsable d’Oumma.com, le principal site musulman francophone, est catégorique : « Tariq Ramadan ne représente plus rien. Il a perdu tous ses relais. Plus une mosquée, plus une association, plus personne ne l’invite. Non seulement il est grillé, mais il est devenu toxique. Son drame, c’est qu’il n’arrive toujours pas à l’admettre. Il n’a plus guère que sa famille derrière lui ».

Même Yamine Makri, son plus ancien lieutenant, patron des éditions Tawhid, l’a lâché, allant jusqu’à retirer les ouvrages du prédicateur suisse de son catalogue. Même abandon de la part du Franco-Tunisien Lotfi Bel Hadj, qui avait pourtant dédié son site, Le Muslim Post à sa défense. Quant à ses compagnons de route, le sociologue Jean Ziegler (altermondialiste et sociologue suisse, ex-rapporteur spécial auprès de… l’ONU sur la question du droit à l’alimentation dans le monde) ou les journalistes Alain Gresh (ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique) et Edwy Plenel (Mediapart), ils se gardent bien de signer les pétitions en faveur de l’auteur du « Génie de l’islam ».

Mégalomane insupportable

Les raisons de cet abandon ? Après beaucoup d’hésitations, la puissante confrérie des Frères musulmans, créée par son grand-père, Hassan al-Banna, en 1928 en Égypte, a fini par désavouer Tariq Ramadan. C’était elle qui, depuis un quart de siècle, remplissait ses salles, achetait ses ouvrages, menaçait ses opposants.

Au sein de cette organisation, la famille du fondateur était sacrée. Hassan al-Banna (fondateur des Frères musulmans et grand-père de Tariq Ramadan et Hani Ramadan) lui-même avait couvert l’un de ses frères soupçonné de piquer dans la caisse, et l’un de ses gendres qui abusait sexuellement les épouses de certains frères. La confrérie avait fermé les yeux sur la vie dissolue de Saïd Ramadan (panislamiste, gendre et héritier spirituel du fondateur des Frères musulmans Hassan el-Banna et lui-même fondateur de la branche palestinienne du mouvement).

Dans « Pourquoi j’ai cessé d’être islamiste » (Les Points sur les i, 2015), Farid Abdelkrim raconte que les dirigeants de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) – devenue Musulmans de France – supportaient très mal la mégalomanie de Tariq Ramadan. Mais ils ne trouvaient pas le courage de rejeter le petit-fils d’Hassan al-Banna. Jusqu’à ce que Tariq Ramadan franchisse la ligne jaune.

Après Tariq, Hani Ramadan, son frère?

« Les musulmans n’ont pas attendu qu’il soit jugé pour viol pour le désavouer. Du point de vue de la moralité islamique, il est déjà coupable en raison des multiples liaisons extraconjugales qu’il a été contraint de reconnaître », constate Saïd Branine. A Doha, au Qatar, le Centre de recherche sur la législation islamique et l’éthique a même gommé le nom de son ancien directeur… Tariq Ramadan.

En revanche, son frère, Hani Ramadan, directeur du Centre islamique de Genève, bénéficie toujours de puissants appuis. Il vient d’obtenir du canton de Genève l’autorisation d’agrandir sa mosquée, créée par son père Saïd Ramadan. Un investissement de 5 millions de francs suisses (4,55 millions d’euros). En revanche, Hani Ramadan est interdit de séjour en France depuis avril 2017.

La Tribune de Genève publie ce texte

« Tariq Ramadan fait indéniablement partie de cette génération des boomers, les soixante, septante ans – dont je suis – nés au moment du baby-boom et que la génération Z, apeurée par le réchauffement climatique et la dureté de la vie économique, dont on l’a préservée en multipliant les patrouilleuses scolaires et autres coaches, dénoncent comme profiteurs et responsables du monde déglingué, selon eux, dont ils sont les héritiers involontaires. Ok boomer, n’insiste pas, t’es coupable. Surtout si en plus t’es un mec, occidentalisé, biogenré, et que tu n’as pas vu venir la vague #Metoo.

C’est un slam publié sur la chaîne YouTube de notre professeur, dont la famille apparentée au créateur des Frères musulmans a fait souche à Genève, où elle a trouvé refuge, qui cette semaine émeut Le Figaro et interloque Alexis Favre, dans sa chronique du Temps.

Qu’est-ce que vous croyez est une dénonciation en règle du monde occidental, coupable de tous les maux dont le monde souffre, surtout les opprimés, les migrants, hommes et femmes. Ce réquisitoire n’est pas nouveau en soi. Mais la forme importe. Ce n’est pas un sermon ni un cours ni un séminaire, dont l’islamologue est coutumier, c’est un texte de combat qui appelle à non pas une résistance mais une injonction servez-vous!

Le poème défile à l’écran, façon stroboscopique. Les mots tonnent, glissent, entrent en collision, basculent. On ne voit pas Ramadan. Ce n’est pas lui, c’est une voix, la voix des opprimés, la voix de la vengeance, la voix de la justice.

Le single fait partie d’un album qui sortira fin mai.

Ramadan, dont le procès pour viols est toujours à venir, ce qui n’est pas à la gloire de la justice française, s’inscrit dans cette autre peur qui fracture la société française, la peur de l’islam, et cette théorie complotiste du grand remplacement qui serait déjà en marche et réduirait les Français de souche en citoyen de seconde zone dans une société conquise par l’islam radical.

Les stances de Ramadan, signée Loyal, un auteur inconnu, choqueront les Occidentaux, persuadés des bienfaits de leur civilisation, partout dans le monde. Elles sont une douce musique sans doute aux oreilles des opprimés, des humains pleins de rancœur qui pensent comme notre prêcheur suisse que la face noire de l’impérialisme et de la main invisible du marché reflète mille fois mieux la réalité de leur monde.

La guerre des civilisations, un Kulturkampf, est ainsi relancée.

Il ne suffit pas de se moquer de Ramadan ou de le dénigrer au vu des accusations portées contre lui – qui reste présumé innocent jusqu’à justice dite -, ou de le dénoncer comme un Tartuffe, qu’il est assurément, un Janus, qui porte beau mais qui promeut un islam fondamentaliste tenant les femmes et les incroyants pour rien ou pas grand-chose et qui combat la laïcité.

Même si Tariq Ramadan est critiquable à bien des égards et que son propos est caricatural et même dangereux, il faut lire son chant. C’est le cri sourd de centaines de millions d’hommes et de femmes. Il ne suffira pas de condamner le prêcheur pour les réduire au silence. Et puis sa chute promet une bonne nouvelle, un vent de liberté.

Qu’attend-il donc pour être le héraut de cette liberté dans les mondes où règne l’islam?

*Ian Hamel a publié en 2020 « Tariq Ramadan, histoire d’une imposture » (Flammarion). L’ouvrage a été traduit en arabe sous le titre : « Scandale des Ramadan : les sombres histoires des Frères musulmans en Suisse et dans l’Union européenne ». Il sera distribué en mai prochain au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

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