Macron favorise l’arrivée de la gauche radicale à la Mairie de Marseille

LREM se divise au second tour des municipales et joue les RN au profit du ‘Printemps marseillais’

Les usurpateurs de l’Union des gauches doivent une fière chandelle au parti du président.

Les Marcheurs marseillais ont fait le jeu des gauches. Alors que les listes devaient être déposées mardi 2 juin au plus tard, dans La Provence jeudi 28 mai, une déclaration de la députée LREM Claire Pitollat a mis le feu aux poudres. Elle appelait à un « travail d’association qui exclut les extrêmes », c’est-à-dire un rapprochement avec les listes de Martine Vassal, de Bruno Gilles ou de Samia Ghali pour battre le Printemps Marseillais. La députée des Bouches-du-Rhône s’expliqua : « Le Printemps Marseillais compte dans ses rangs Sophie Camard, la suppléante de M. Mélenchon, notre principal opposant, et des têtes de listes communistes. Ce sont ces mêmes personnes qui bloquent le débat à l’Assemblée. On ne peut pas travailler avec eux », avait lancé Pitollat, vice-présidente du groupe LREM à l’Assemblée et soutien de Cédric Villani aux élections municipales de 2020 à Paris .

L’étonnement d’Yvon Berland

Peu présente médiatiquement depuis le début de la campagne, elle se targue d’avoir décidé de son propre chef de lancer cet appel, sans concertation locale : « J’ai estimé qu’il fallait dès à présent poser les limites ». Son intervention n’a pas été du goût d’Yvon Berland, ex-président du conseil d’administration de l’Ecole des hautes études en santé publique (2011-2016) et de la commission des questions de santé de la conférence des présidents d’université jusqu’en 2019 et surtout candidat malheureux de La République en marche à la mairie de Marseille aux élections municipales de 2020.

Courroie de transmission parisienne, la députée LREM affirme dans le quotidien régional que le candidat LREM « partage cette vision ». Information rapidement démentie par l’intéressé dans un tweet : « N’ayant eu de contact ni d’échanges avec Claire Pitollat depuis plus de 6 mois, je m’étonne des propos ou pensées qui me sont prêtés », répond-il. Pourtant, malgré cette mise au point, la député insiste : « Ce sont des personnes du parti qui me rapporte[nt] la position d’Yvon Berland et il semble bien d’accord avec moi », répète-t-elle.

LREM continue toutefois de chercher un terrain d’entente avec la plupart des partis encore en course, sauf le Rassemblement national, mais en tentant des débauchages dans le Printemps marseillais.

Cathy-Racon Bouzon et Mathieu Grapeloup condamnent

Certaines têtes de listes ont profité de l’appel de Pitollat pour clarifier leur position : « L’envie de renouveau et le projet progressiste pour Marseille, c’est avec le Printemps Marseillais que nous les partageons », lance, sur les réseaux sociaux, Cathy Racon-Bouzon, candidate dans le 4-5, sur la ligne du parisien Hugues Renson, qui a occupé différents postes dans les cabinets ministériels de Christian Jacob et François Fillon, puis au cabinet du président de la République, Jacques Chirac.

Son colistier LREM, Mathieu Grapeloup rejette également la proposition de Claire Pitollat, mais sa préférence est inverse : « L’appel de Claire Pitollat à se rassembler autour de Martine Vassal est une déclaration unilatérale qui n’engage qu’elle. Elle est surtout une trahison pour nos colistiers qui se sont engagés pour le changement et pour nos électeurs qui nous ont fait confiance. On garde le cap », tweete-t-il le même jour.

Deux courants, un à gauche et un autre plus à droite, se dessinent dans les rangs des marcheurs marseillais, des divergences typiques du « en même temps » de Macron, brouilleur de pistes et fauteur de trouble. Claire Pitollat juge ces réactions « inquiétantes », mais rien n’est alors encore tranché.

Marseille, un enjeu national pour LREM

L’élection du maire de la deuxième ville de France est suivie de près au plus haut niveau. « A Paris, un rapprochement avec le Printemps Marseillais n’est pas envisagé », croit savoir Claire Pitollat. Pourtant, aucune consigne claire n’a été encore annoncée et la députée aimerait « une prise de position au niveau national ». Mais il n’est pas certain que le parti présidentiel aille dans le sens qu’elle espère. Le patron de LREM Stanislas Guerini a condamné l’alliance du maire sortant de Lyon, Gérard Collomb, avec les Républicains : « Il a passé la ligne rouge », a-t-il déclaré.

C’est ainsi que la macronie parisienne a fait le lit du socialiste Payan, avec les écologistes et leurs camarades communistes.

De Marseille, Macron faisait un enjeu national

Or, la ville vire à gauche avec l’écologiste Rubirola, mais se retrouve avec un socialiste à la mairie

Les listes du Printemps marseillais, menées par Michèle Rubirola, ont remporté 38 % des voix, contre 30 % pour celles de Martine Vassal.

Le Printemps marseillais emporte quatre secteurs, LR trois, la sénatrice ex-PS Samia Ghali conservant sa mairie dans les quartiers Nord, et se retrouvant en position d’arbitre, tout comme le dissident LR Bruno Gilles, qui pourrait vendre chèrement le ralliement de ses quelques conseillers à Martine Vassal. « C’est une victoire relative pour nous, mais c’est une défaite pour la droite », a admis Michèle Rubirola, avant qu’on sache vraiment à quel point:son clan seul savait, singulièrement Benoît Payan, celui à qui devait profiter le crime sur le corps électoral. Après un quart de siècle aux commandes de cette ville portuaire ouverte sur la Méditerranée, marquée par de très fortes inégalités liées à l’immigration, au point qu’on appelle Marseille, l’Alger du continent européen, « la droite n’est plus en mesure de gouverner », a ajouté l’élue fantoche, dénonçant un « système électoral par secteurs qui est un contresens démocratique ». Un système pourtant partagé par Paris, découpé en 17 secteurs électoraux, se surimposant aux 20 arrondissements actuels ou Lyon, où les conseillers municipaux sont élus à l’intérieur de secteurs électoraux, et non au sein d’une circonscription unique (la commune) comme dans le reste de la France. Et la capitale des Gaules se distingue même des deux autres métropoles principales en organisant deux élections en même temps, ce qu’à la Bonne Mère ne plaise !

« Marseille ne pourra plus se faire sans les quartiers Nord »

« Le scrutin ne nous livre pas un verdict clair », mais « sans doute faut-il y voir les derniers signes de résistance d’un système que la majorité des Marseillais a rejeté », a poursuivi la candidate, qui éreintait lors de la campagne le bilan des années Gaudin. Le Printemps marseillais, union des gauches (PS, LFI dissidents, PCF et organisations associatives « citoyennes » à caractère politique plus ou moins affiché) qui ont fusionné dans l’entre-deux-tours avec les écologistes EELV, va devoir désormais étudier « les conditions dans lesquelles cette ville peut être administrée sans renier ses valeurs ». Le mot « valeurs » fait pourtant désormais grincer des dents « des gens » sur le Vieux-Port.

Et pour espérer écrire une nouvelle page de l’histoire de Marseille, qui n’a changé que trois fois de maire depuis les années 1950, et a été dirigée pendant quatre décennies par la gauche, sous les socialistes Gaston Defferre et Robert Vigouroux, puis par Jean-Claude Gaudin pendant quatre mandats, soit 25 ans à lui tout seul (1995-2020), le Printemps marseillais a dû se compromettre avec Samia Ghali, trublion des quartiers nord -domicilié dans le VIIIe bourgeois – dans la cité phocéenne. Et les rapports sont tendus : elle joue sa carte personnelle et la gauche radicale a maintenu jusqu’au bout un candidat contre elle, la présentant comme une héritière du système en place à Marseille. « Ce soir, Marseille ne pourra plus se faire sans les quartiers Nord », a-t-elle rétorqué dans la nuit, ménageant le suspense sur ses intentions.

« Je n’ai pas perdu », a lancé Vassal (LR)

Dans ces conditions, la droite voulait encore y croire. Et elle pouvait, si LREM ne jouait pas un double jeu mortifère. « Je n’ai pas perdu, ce soir il n’y a pas de majorité à Marseille », mais une « situation de blocage », a fait valoir de son côté Martine Vassal, laissant présager d’une semaine de lutte d’influence acharnée d’ici à la première réunion du nouveau conseil municipal, probablement vendredi ou samedi. La cheffe de file des Républicains, dauphine désignée par Jean-Claude Gaudin, a subi une défaite orchestrée par la presse macronienne nationale dans son propre secteur, où elle a été doublée en quadrangulaire, avec 39 % des voix, par la candidate du Printemps marseillais, Olivia Fortin (42 %). Elle l’a attribué à « l’entêtement d’un candidat sans envergure », l’ex-président de l’université Aix-Marseille, Yvon Berland (LREM).

Cette contre-performance dans un secteur jugé imperdable par la droite et où Jean-Claude Gaudin a toujours été élu au premier tour est la conséquence d’une campagne diffamatoire et de l’ouverture d’une enquête sur des soupçons de fraude aux procurations, selon… France 2, comme ça aurait pu être France Inter ou Mediapart. La relaxe arrivera, mais un peu tard, une fois tous les recours administratifs épuisés contre les malfaisants…

Rompu aux joutes électorales, Jean-Claude Gaudin, figure tutélaire d’une ville à laquelle il a assuré un brillant renouveau qui lui attire tourisme et vedettes, à la métropole, au département et à la région, laisse une droite déchirée par sa succession, mais assure encore, lui aussi, que « rien n’est joué ». Avant de raccrocher les gants, à 81 ans, il a lancé un dernier appel du pied, hier encore improbable, aux « onze élus des listes minoritaires d’hier », soit celles du sénateur dissident Bruno Gilles (60 ans, maire du 3e secteur pendant 22 ans) – blessé de s’être vu préférer Martine Vassal – et surtout de Samia Ghali, appelés à un choix clair « entre la poursuite du développement de la ville et le repliement vers les errements du passé et le déclin ».

Mais les acteurs locaux ont choisi leurs ambitions personnelles. Contre l’intérêt général.

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