Dépistage de la covid: la pénurie de réactifs est effective, bien qu’annoncée il y a 3 semaines

Des labos pointent un manque de réactifs, malgré neuf mois d’alerte

Test PCR - Photographie d'illustration

Les fabricants de réactifs sont en capacité de fournir nationalement le double de tests par rapport à la demande actuelle, assure le ministre Véran.

La pénurie de masques au printemps ne semble pas avoir servi de leçon au gouvernement de Macron qui se dit pourtant constamment au travail, Est-elle une menace pour les tests Covid à l’automne? C’est la petite musique sourde qui commence à monter à mesure que l’épidémie progresse à un rythme exponentiel, que les files d’attente devant les laboratoires s’allongent et que, mécaniquement, les besoins de dépister la population s’accroissent. Depuis plusieurs semaines déjà, certains professionnels du secteur s’alarment des carences en réactifs, nécessaires pour effectuer ces tests.

Le docteur Lionel Barrand, président du syndicat des jeunes biologistes médicaux, s’en était inquiété sur LCI déjà fin aoûtCe mercredi sur RMC, il a affirmé que « plus de la moitié des laboratoires de France n’ont plus que quelques jours de réserve de réactifs ». Ces substances chimiques sont utilisées pour analyser les prélèvements effectués et déterminer si un test PCR est positif ou non au Covid-19.

« Pour l’instant, on arrive à tenir, mais certains laboratoires en rupture n’arrivent pas à rendre de résultats rapidement en l’absence de réactifs. Les autres laboratoires autour, à qui ils auraient pu envoyer les examens, ne le font pas parce qu’ils sont eux-mêmes en pénurie et sont débordés. Dans certaines régions, on a des délais de résultats de tests très élevés », a prévenu le praticien.

Bientôt 1,6 million de tests par semaine?

J’dis ça, j’dis rien…

Le ministère de la Santé dément.

« Les fabricants de réactifs sont en capacité de fournir nationalement le double de tests par rapport la demande actuelle », lance l’équipe de hâbleurs entourant Olivier Véran.

« Le nombre de tests réalisés par semaine reste très important (plus d’un million de tests par semaine) et ne faiblit pas », assène le ministère.

L’exécutif va jusqu’à affirmer que « les laboratoires d’analyse et de biologie médicale (LABM) privés et publics sont en capacité de réaliser plus de 1,6 million de tests par semaine ». Ils peuvent le dire ! « Cette capacité est en constante augmentation grâce aux investissements réalisés et à venir », promet-il, s’appuyant sur les remontées hebdomadaires déclarées par les grands groupes laborantins et les agences régionales de santé.

Et le ministère de brandir une déclaration du Syndicat de l’industrie du diagnostic in vitro (SIDIV), qui relaie dans un post LinkedIn les résultats d’une enquête faite auprès des fabricants.

Cette enquête confirmerait que « leur capacité d’approvisionnement en tests de diagnostic moléculaire pour les deux prochains mois est plus de deux fois supérieure au besoin exprimé dans la stratégie nationale de diagnostic ».

« Des tensions localisées existent »

Le problème, c’est que le quantitatif se fait au détriment du qualitatif, souligne Lional Barrand,. « Tant qu’on n’a pas la possibilité de faire plus de tests, il faut cibler », dit-il, avant d’ajouter:

« Il vaut mieux faire 500.000 tests sur des personnes symptomatiques avec des résultats en 24 heures, plutôt qu’en faire un million avec des résultats en huit jours », puisque leur validité peut être contredite dans les 24 h qui suivent ou qui précèdent. « Il faut arrêter la politique du chiffre et aller vers de la pertinence médicale pour que chaque balle tirée soit une balle réelle sur le virus et que l’on ne tire pas de cartouches à blanc. »

Le ministère de Véran reconnaît que « des tensions localisées existent », mais « sur un faible nombre de fabricants ». Et lorsqu’elles sont relayées, les ARS « établissent des liens avec les fournisseurs et (le ministère) pour prioriser et trouver des solutions ».

« Lorsque des tensions existent, elles sont dues à une forte dépendance à un fabricant en forte tension, alors que la majorité des laboratoires ont diversifié leurs fournisseurs, raconte le ministère. Elles sont très souvent temporaires et s’expliquent soit par un manque d’anticipation dans les commandes passées par les laboratoires soit par des retards de livraisons« , poursuit-on avenue de Ségur.

Sur ce point, Lionel Barrand affirme qu’en France « malheureusement, on produit peu de machines et de réactifs, surtout fabriqués aux Etats-Unis et en Corée du Sud ». « De nombreux fournisseurs en France venus de l’étranger ont une préférence nationale et délivrent peu de matériel dans le pays », rapporte-t-il.

Fin août, on s’inquiétait pourtant déjà d’une pénurie de réactifs pour les tests

Alors que la progression de l’épidémie est exponentielle en France et que le nombre de personnes dépistées ne cesse d’augmenter, les laboratoires signalaient déjà des difficultés grandissantes. On savait que de nombreux établissements manquaient de réactifs, se retrouvant parfois en incapacité de réaliser ces tests.

Objectif 1 million de tests en septembre. Olivier Véran racontait alors que la capacité française de dépistage au coronavirus, ayant largement décuplé ces dernières semaines, va encore augmenter. Avec le recul de trois semaines, ses affirmations de septembre sonnent terriblement malhonnêtes. En moins d’un mois, elle aurait dû « tripler pour atteindre désormais 850.000 tests hebdomadaires », selon ses dires. Seulement, cette brusque accélération pose un certain nombre de problèmes logistiques dont celui du manque de réactifs. Une carence déjà observée en mars dernierIl semble qu’on ne fasse pas mieux six mois plus tard.

La France a, en très peu de temps, largement rehaussé son potentiel de dépistage dans le cadre de la lutte contre le coronavirus. A tel point que le pays est « passé d’une extrémité à l’autre » trop rapidement, selon le biologiste Lionel Barrand, sur LCI. Face à ce pic, les stocks de réactifs se retrouvent en « flux tendu«  : « Il y a même de nombreuses pénuries, explique le Président du Syndicat des jeunes biologistes médicaux. Les fournisseurs peinent à suivre [c’est toujours la faute de l’Autre] . De nombreuses livraisons arrivent en retard ou incomplètes. »  Mais les membres de l’exécutif ne cessent de dire qu’ils « assument »…

« Les ressources ne sont pas bien utilisées »

Le phénomène, initialement circonscrit à l’Ile de France et à la Mayenne, s’étend progressivement sur d’autres territoires. Le scientifique considère ainsi que « de plus en plus de régions se retrouvent en difficulté », le personnel des laboratoires se révèle aussi « sous tension«  et les gants « commencent parfois à manquer« .

Conséquence directe de ces carences, les délais pour se faire tester s’allongent. Le ministre de la Santé évoquait des résultats reçus sous 24 heures dans la majorité des cas. Un mensonge du calibre de ceux de la ministre des Armées Florence Parly qui assume aujourd’hui que les militaires de Creil de retour de Wuhan n’ont pas été testés… Lionel Barrand résume: « le manque de réactifs [que ne livrent pas les fabricants étrangers] couplé à l’afflux de plus en plus important de personnes voulant se faire tester [sans motif sérieux, sinon que Jérôme Salomon les a stressés] augmente les délais de prise en charge mais aussi d’attente des résultats ».  L’exécutif est parfait, mais la chaîne des responsabilités n’est défaillante…

« Arrêter les campagnes de dépistage massif sans considérations ciblées »

Aussi, comment résoudre cette pénurie de réactifs générant un ralentissement généralisé de la chaîne de dépistage ? Plusieurs solutions peuvent être envisagées. Le biologiste révèle qu’il « multiplie les grosses commandes auprès de fournisseurs diversifiés »  même si ces derniers peinent à suivre la cadence face à une concurrence mondiale féroce. On ne voit pas clairement la cohérence de cette « solution » qu’on sait vouée à l’échec. Il préconise alors de « prioriser les demandes, pour ceux qui en ont vraiment besoin »demandant d’« arrêter les campagnes de dépistage massif sans considérations ciblées ». 

Le scientifique, inquiet de l’arrivée progressive des maladies d’hiver, se prépare à incriminer la grippe saisonnière qui arrive. Il se montre donc favorable à une « campagne de vaccination massive contre la grippe », mais certains qui apprennent de l’expérience, prédisent déjà une pénurie de vaccins contre la grippe… 

Reste, selon lui, que « si le gouvernement veut encore augmenter les capacités de test, il faut qu’il nous assure un approvisionnement à la hauteur de ses ambitions »

Une réflexion sur “Dépistage de la covid: la pénurie de réactifs est effective, bien qu’annoncée il y a 3 semaines

Laissez un commentaire (il sera "modéré)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.