Macron entre en campagne des législatives

Au Touquet ? Non, depuis un lieu neutre

Pavillon Cambon,
lieu neutre de la conférence de presse de Macron

Le chef de l’Etat tient mercredi matin une conférence de presse, trois jours après une dissolution qui laisse toujours son camp sous le choc. Dans un entretien avec Le Figaro Magazine, il a exclu toute démission après les élections législatives.

Devant son échec personnel aux élections européennes, dans lesquelles il s’était ingéré, Macron a pris, sous la contrainte, une décision radicale : la dissolution de l’Assemblée nationale, coup de poker ou coup de folie ? « Les défis exigent la clarté dans nos débats […]. J’ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote. Je dissous donc ce soir l’Assemblée », a-t-il annoncé à la télévision au cours d’une exceptionnellement courte allocution de moins de 5 minutes, prononcée une heure après la publication des premiers résultats.

L’air las, il a évoqué une décision « grave et lourde » et un « temps de clarification indispensable ». « La France a besoin d’une majorité claire pour agir dans la sérénité et la concorde », a-t-il ajouté. Les élections législatives se tiendront les 30 juin et 7 juillet, soit le délai minimum imparti par la Constitution.

Chirac en 1997

La pression était forte, la défaite trop lourde pour passer à l’étape d’après sans prendre en compte le message des Français. Tout au long de la campagne, le Rassemblement national (RN) n’avait eu de cesse d’appeler à une dissolution en cas de victoire. Celle-ci obtenue, Jordan Bardella, grand vainqueur de ces élections européennes, a réitéré cette demande dimanche soir.

Il a été suivi par Eric Ciotti, le président de LR. « Le bon sens est de recourir au peuple, aux électeurs », avait-il dit sur TF1 avant l’annonce présidentielle, avant de la saluer par la suite.

« Ça suffit maintenant la confusion, les débauchages, les reniements, les contradictions permanentes… Nous avons besoin de retrouver le sens de la clarté des engagements », a estimé François-Xavier Bellamy, la tête de liste de LR aux européennes, sur LCI.

A gauche, les divisions sont déjà de retour, laissant présager une absence d’union contrairement à ce qui s’était produit avec la Nupes aux élections législatives de juin 2022, même si les différentes forces politiques vont rapidement se réunir. Le PS a dénoncé cette dissolution, LFI l’a approuvée, les écologistes radicaux, par la voix de Marie Toussaint, sa tête de liste aux européennes, se sont déclarés « en colère ».

« Je ne comprends pas pourquoi le président de la République obéit à Jordan Bardella », a dénoncé Raphaël Glucksmann après l’annonce de Macron. Tandis que son allié Olivier Faure obéit à Melenchon.

Face à l’échec de son camp, Macron se croit toujours seul apte à casser la dynamique de la droite souverainiste, qui atteint près de 40 % en additionnant les scores du RN et de Reconquête. Il n’a pas reçu le message des Français aux Européennes et retombe dans les mêmes travers.

C’est s’exposer au risque de provoquer une seconde gifle : celle de passer d’une majorité relative à l’Assemblée nationale à une minorité, avec l’éventualité de se retrouver en cohabitation jusqu’en 2027. Depuis Jacques Chirac en 1997, pari raté, puisque la dissolution s’était achevée par une défaite de son camp, jamais un président de la République n’avait opté pour une dissolution.

Débats houleux au Parlement

Macron veut mettre les électeurs du RN devant leurs responsabilités : confier aux dirigeants de ce parti les clés du pays en cas de victoire. Il espère surtout remobiliser son camp sur un vote différent de celui des élections européennes, servant souvent de défouloir aux électeurs à mi-mandat. « La montée des nationalistes, des démagogues, est un danger pour notre nation, pour notre Europe et pour la place de France en Europe et dans le monde », a estimé depuis l’Elysée le fédéraliste baché dans les urnes.

La tension qui prévaut lors des débats à l’Assemblée nationale depuis juin 2022 et l’abus du recours à l’article 49.3 en 2023 ont aussi joué dans la décision présidentielle : faute d’une majorité absolue, le camp présidentiel avance « texte par texte », obligé d’aller chercher des voix chez les oppositions, le plus souvent chez les Républicains. Les réformes les plus sensibles, comme la réforme des retraites ou celle de l’immigration en 2023, et les budgets ont été adoptés dans la douleur au terme de débats houleux et surtout sans débat démocratique.

Une « clarification

Dimanche soir, l’Elysée tentait même de présenter sous un jour positif cette décision, l’entourage du chef de l’Etat allant même jusqu’à évoquer un « retour à l’ADN du macronisme, celui d’aller vers les Français »… On croît rêver.

Début mai, Macron tenait un tout autre discours : celui qui espérait encore inverser la tendance face à la percée du RN dans les sondages évoquant des « conclusions européennes » au scrutin du 9 juin. Il doit s’exprimer dans les prochains jours, probablement cette semaine, a indiqué l’Elysée, pour détailler les orientations retenues pour les législatives.

C’est un grand saut dans l’inconnu que tente Macron. La campagne sera extrêmement courte – trois semaines – obligeant les partis à clarifier leurs positions le plus rapidement possible. Déjà, la stratégie présidentielle se fait jour : Stéphane Séjourné, ministre des Affaires étrangères et président de Renaissance a indiqué que le camp Macron « donnera l’investiture aux députés sortants, y compris d’opposition », « faisant partie du champ républicain » et souhaitant « s’investir dans un projet clair » autour de la majorité présidentielle. Le roi du flou et du 49.3, plus Jupiter que jamais, décrète qui appartient ou non à l’arc républicain… Lui-même en est-il?

Il n’a pas précisé quel parti il mettait dans ce champ républicain, mais cette prise de position laisse entendre que la macronie souhaite bâtir, en trois semaines, un front républicain – qu’il n’est pas parvenu à construire en sept ans – face au Rassemblement national, qui pourrait approcher, ou obtenir, une majorité à l’Assemblée nationale. Pour lui, ce front républicain semble être la seule voie pour contrer le RN.

Reste à savoir si les électeurs le suivront.

Après avoir diabolisé l’électorat du RN, il s’imagine qu’il peut encore le rouler dans la farine.

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