Les européennes sonnent la fin du macronisme

En prononçant la dissolution de l’Assemblée, Macron affiche sa lassitude

Macron, KO debout,
dimanche

Acculé par des illusions de toute-puissance et un flop lamentable, le joueur de poker du 9 juin voit ses espoirs de gain se réduire dangereusement après un tournant malheureux. Sa stratégie pour survivre ? Faire tapis, en espérant que la rivière déjouera les probabilités. Voilà comment pourrait se résumer la dissolution de l’Assemblée nationale prononcée ce dimanche de gifle électorale ayant porté l’extrême droite en tête dans certaines communes, Limoges (25,16%), Nice (32,28%) ou La Baule (36%, avec Reconquête),…

Car, en convoquant des élections législatives anticipées, les 30 juin et 7 juillet, le chef de l’Etat prend le risque du saut dans l’inconnu, puisque c’est le Rassemblement national qui se présente en favori pour poser ses valises à Matignon et former un gouvernement. Soit l’installation de la droite souverainiste au pouvoir, dans un contexte où celle-ci conquiert d’autres capitales en Europe, à l’image de l’Italie de Giorgia Meloni, dont le parti a remporté les élections européennes en Italie avec un score impressionnant de 28 % des voix.

Voici donc quelques raisons qui rendent la dissolution à risques.

1. Macron propulse la droite souverainiste en pleine dynamique

Prenons d’abord deux faits. Quatre électeurs sur dix ont fait, ce dimanche 9 juin, le choix de la préférence nationale. Un autre chiffre : en un an, Jordan Bardella est devenu la deuxième personnalité politique préférée des Français, talonnant l’ancien premier ministre Edouard Philippe, pratiquement invisible. Des données qui montrent que les semaines écoulées ont contribué à légitimer le parti lepéniste, et que cette dynamique pourrait très bien se reproduire lors des prochaines élections législatives.

Faisons maintenant des suppositions. Si le RN obtient la majorité le 7 juillet, le président du RN sera nommé à Matignon, et devra donc former un gouvernement. Santé, Économie, Finances, Intérieur… Tous ces ministères passeront sous le giron d’un parti inexpérimenté dont l’accession au pouvoir constituerait une rupture dans l’histoire du pays.

Sur les réseaux sociaux, on voit émerger une théorie. Pour contrer le RN, Macron aurait placé ses électeurs face à leurs responsabilités en les poussant au bout du processus. Avec un double objectif : mettre les électeurs au défi de porter le RN au pouvoir. En espérant démontrer l’incompétence du parti auquel 4 Français sur 10 ont fait confiance, car il considère que ses propositions dites populistes – préférées par les électeurs aux promesses verbales –  se fracasseront sur les réalités du pouvoir: une disqualification qui poursuit Marine Le Pen dans l’optique de 2027.

Macron refuse de démissionner, mais la dissolution ne dissimule pas sa débacle

Macron veut faire l’expérience de la cohabitation. Il tape ainsi l’incruste et il bafoue la démocratie, après avoir nationalisé la campagne des européennes. Et c’est sa stratégie méprisante du « tout sauf le RN » qui a favorisé la montée du vote RN, puisque le bilan de sept années de macronie n’est pas à la hauteur de ses annonces et promesses. Depuis sept ans, Macron et ses dévôts affirment que la condamnation morale est inutile et qu’il faut cibler en priorité l’inaptitude du parti lepéniste à gouverner, bien qu’il n’ait encore jamais été aux affaires.

2. La Macronie ne fait plus illusion

Un échec cuisant, confirmé par la loi immigration, dont les positions les plus efficientes ont été censurées par le Conseil constitutionnel. Le camp présidentiel pensait ainsi que démonstration avait été faite de l’incurie du principe de priorité nationale. Il a, au contraire, donné du grain à moudre au RN qui réclame de longue date une révision de la Constitution pour l’instaurer. Il en serait de même de deux ans de Bardella au pouvoir. Même en cas d’échec, il aura beau jeu d’expliquer qu’il était impossible d’appliquer son projet dans le cadre d’une cohabitation. Et d’une majorité relative, voire d’un hémicycle clivé en trois blocs s’affrontant sur tout. Marine Le Pen n’est pas assurée de pouvoir se frotter les mains.

Faire baisser le vote RN était le serment de Macron le soir de sa victoire en 2017. Or, il a imposé sa présence et ses mantras en 2024. Non seulement cela n’a pas marché, mais c’est l’inverse qui s’est produit. Mais il n’a pas eu le courage de tirer les conclusions de son engagement personnel. Un référendum aurait endommagé son image un peu plus. Ses sondages de popularité seraient apparus d’autant plus frelatés.

« Le président de la République connaît une hausse de sa cote de popularité de 3 points depuis le mois dernier, 31% des Français étant satisfaits d’Emmanuel Macron comme président, » selon l’IFOP, le 21 mai dernier.

La raison du choix de la dissolution? L’incapacité du camp présidentiel à se positionner face à cet adversaire. Tiraillée entre la volonté de ne pas froisser ses électeurs, tout en se revendiquant d’un camp progressiste hostile au RN, la macronie a souvent envoyé des signaux contradictoires, légitimant parfois le parti de Marine Le Pen.

Comme lorsque les troupes présidentielles ont accepté d’accorder des postes à responsabilité à l’Assemblée nationale ou que la porte-parole du groupe Renaissance, Maud Bregeon, a assumé le lien entre immigration et délinquance, à rebours de ce que disait sa tête de liste. Résultat : personne ne sait vraiment chez les macroniens quelle est la bonne réponse à apporter. A ce sujet, les images tournées par TF1 au QG de Valérie Hayer quelques minutes avant l’annonce sont éloquentes. On y voit une série de militants Renaissance rejeter en bloc le scénario d’une dissolution. « S’il dissout, ça va être une catastrophe », anticipe l’un d’eux.

Preuve que les troupes macronistes ne savent plus à quel saint se vouer. Empêtré dans son incapacité à tracer le périmètre du « champ républicain », comprenant parfois La France insoumise, et parfois non (ce qui a diabolisé LFI et dédiabolisé le RN), le camp présidentiel a peu d’armes pour contrer la progression du parti présidé par Jordan Bardella. On mesure bien le risque de cette situation à trois semaines d’élections législatives anticipées et au surlendemain d’une crise agricole.

3. La gauche divisée

Six. C’est le nombre de jours qu’il reste à la gauche pour s’unir. Selon les résultats définitifs, le total de toutes les forces de gauche atteint 31,6 % des suffrages exprimés. Sur le papier, on se dit que c’est dans cet espace qu’est le barrage à l’extrême droite. Sauf que, à ce stade, rien ne permet de dire que toutes les composantes parviendront à s’entendre. Car si les insoumis, les socialistes, les écolos et les communistes ont décidé de se rencontrer, la perspective d’une alliance électorale apparaît fragile. Tous ne sont pas sortis indemnes du terrorisme politique développés par les révolutionnaires décomplexés de LFI. Les électeurs qui ont portés à l’ Assemblée les candidats insoumis désaxés ont-ils eu un sursaut de lucidité républicaine ?

En cause, la volonté des insoumis de rejouer le match de la NUPES, ce qui est perçu par les autres forces comme un alignement contraint derrière Mélenchon, dont les orientations et les méthodes ont contribué à l’explosion de la coalition de gauche à l’automne. En outre, Raphaël Glucksmann, qui est arrivé en tête dans le match à gauche, a déjà appelé à une alliance entre le Parti socialiste et les écologiques, mais sans les insoumis. Pourtant très semblable, le cas de Les Ecologistes n’est pas apprécié aussi clairement et sévèrement : le PS et le PCF ont besoin d’un ripolinage vert.

Il faut dire que, durant la campagne européenne, le fondateur de Place Publique a littéralement été pilonné par LFI. Pas évident, derrière, de recoller les morceaux après tant d’animosité exprimée à (très) haute voix, si tant est qu’il soit possible de réunir tout ce petit monde derrière une bannière commune après les divisions étalées au grand jour au sujet de la situation à Gaza. Autant de difficultés qui, pour le moment, ne laissent que peu d’espoir sur la capacité de la gauche à empêcher une victoire du RN au mois de juillet et la présence de Jordan Bardella à l’Arc de Triomphe.

4. Le fédéralisme défié par les électeurs européens

Arrivés en tête des élections européennes avec 30,2 % des voix (+ 1,3 point par rapport à 2019), les conservateurs de la CDU/CSU n’ont pas attendu que le président Macron annonce la dissolution de l’Assemblée nationale, dimanche 9 juin dans la soirée, pour mettre la question sur la table. « Soit le gouvernement change de politique, soit il ouvre la voie à de nouvelles élections », a déclaré le secrétaire général de la CDU, Carsten Linnemann, dès la publication des premières estimations, peu après 18 heures.

Désavoué par les électeurs allemands, Scholz est sous pression pour ouvrir la voie à des législatives anticipées. Le SPD, la formation du chancelier social-démocrate, n’a recueilli que 14 % des voix, le pire score de son histoire. En tête, avec plus de 30 % des suffrages, les conservateurs de la CDU/CSU exigent que la coalition au pouvoir se soumette à un vote de confiance, ce qui pourrait conduire à une dissolution du Bundestag.

On n’a pas la gueule de bois sans avoir picolé.

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