Immigration: Sonia Krimi (LREM) attaque la politique de Macron

La députée de la Manche prend le parti des étudiants étrangers

Sonia Krimi, ici en 2019, est rapporteure d'une commission d'enquête parlementaire sur l'immigration. (Photo: Anadolu Agency via Getty Images)
Sonia Krimi

“Les migrations ne sont pas un phénomène transitoire, appelé à se tarir pour peu qu’un gouvernement parvienne enfin à le traiter ‘avec fermeté’”, peut-on lire en introduction d’un rapport parlementaire explosif publié ce mardi 16 novembre.

Des mots rares, dans une période où l’immigration a pris une place de premier plan dans la pré-campagne présidentielle, souvent de manière caricaturale ou excessive. Surtout, lorsqu’ils émanent de deux députés pas franchement hostiles au président de la République, mais qui viennent mettre à mal ses principales mesures prises en matière de lutte contre l’immigration.

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Après un cursus universitaire étrangement atypique à Toulon (doctorante de 2006 à 2010), au temps de la présidence de Laroussi Ouestlati (parti radical de gauche), né à Carthage (Tunisie), où sévissait le trafic d’inscriptions d’étudiants (2008-2009), on retrouve Sonia Krimi, née à Tunis, naturalisée en 2012, députée LREM de la Manche et rapporteure de cette enquête. Dès 2010, elle enseignera à Assas… Gérard Collomb ironisera sur son « très beau parcours », précisant notamment  : « j’aimerais que beaucoup de jeunes, demain, aient le même »…

Lien : l’ex-président de l’université de Toulon condamné pour trafic de faux diplômes

Sébastien Nadot, député de Haute-Garonne Libertés et Territoires (un groupe qui faisait partie de la majorité avant 2020) a présidé la “commission d’enquête sur les migrations” qui en est à l’origine. Tous deux présentent les conclusions de ces six mois de travail législatif.

“Poser un débat rationnel”

Les mots utilisés, d’abord, sous-entendent que le débat tel qu’il est proposé par la majorité est mal posé. Le rapport a “vocation à présenter la réalité des migrations internationales dans le but de poser un débat rationnel et de trouver des solutions pragmatiques et humaines”, écrit Sonia Krimi, membre du groupe d’amitié France-Arabie Saoudite, mettant en lumière plusieurs autres écueils de la politique migratoire du gouvernement.

“L’immigration étant devenue un sujet de campagne électorale par excellence,
ses enjeux ne sont à peu près jamais posés avec une volonté de les traiter de manière rationnelle, souligne le rapport. Quant au migrant lui-même, il n’a que peu de place dans l’univers politique. Celui-ci n’étant appréhendé au mieux que comme un élément du flux donc comme une donnée quantitative ou au pire comme une nuisance.”

Le migrant n’est appréhendé que comme une donnée quantitative ou au pire comme une nuisance (Rapport parlementaire sur les migrations).

La préconisation n°30 revient sur l’épineuse question des frais de scolarité à l’université multipliés par seize pour les étudiants extra-européens par le gouvernement d’Edouard Philippe en 2018. Une mesure jugée injuste par la rapporteure qui demandent de “supprimer la mise en place des frais d’inscriptions différenciés pour les étudiants extra-européens”. Elle rappelle que la France accueille en France chaque année 90.000 étudiants étrangers, contre 250.000 au Royaume-Uni.

“Alors que nombre d’étudiants sont originaires de pays en butte à des difficultés politiques, économiques ou sociales, il serait vraiment regrettable que les jeunes méritants à fort potentiel de réussite se voient fermer les portes de l’enseignement supérieur et de la recherche français pour des raisons économiques. Il serait également regrettable de donner de la France l’image d’un pays qui se referme sur lui-même”, développe le rapport, en reprenant les propos de la Conférence des présidents d’universités, qui s’y étaient opposés à l’époque.

Supprimer la mise en place des frais d’inscriptions différenciés pour les étudiants extra-européens. (Préconisation n°30 du rapport parlementaire)

Autre décision – plus récente – du gouvernement remise en cause: celle de limiter les visas accordés à l’Algérie, au Maroc et à la Tunisie afin de mettre une pression sur ces pays pour qu’ils rapatrient leurs ressortissants refoulés de France. Décision prise le 28 septembre dernier.

Si le rapport comprend les enjeux de cette idée : “créer un rapport de force constructif face au refus de ces pays de délivrer les laisser passer consulaires, nécessaire à la reconduction des ressortissants de ces pays qui sont expulsables”-, il considère surtout qu’elle “pénalise les populations”.

Pour y mettre fin, le rapport propose une alternative: restreindre la circulation des dirigeants à travers la délivrance de visas diplomatiques, approche qui “préserve les populations, étudiants, société civile, chefs d’entreprises, tout en augmentant le niveau de pression diplomatique. Et de conclure: “Il n’est pas nécessaire de pénaliser les forces vives des pays en question mais plutôt d’agir efficacement sans effet d’annonce”.

Agence européenne de l’asile

Autre problématique soulevée par le rapport, celui du règlement Dublin, “un système qui aiguise les égoïsmes nationaux” qui s’applique à tous les Etats européens. Unanimement décrié pour son inefficacité, il “demeure, faute d’accord sur une alternative satisfaisante pour l’ensemble des Etats.”

“Le Règlement Dublin génère des comportements non coopératifs de la part de l’ensemble des Etats de l’Union, chacun essayant de minimiser le nombre des demandeurs chez lui”, peut-on lire.

Si des propositions sont sur la table de l’UE depuis 2016, le rapport estime que “la meilleure manière d’avancer vers une meilleure reconnaissance des décisions et une harmonisation des critères est la création d’une agence européenne de l’asile.” “La présidence française de l’Union européenne à compter du 1er janvier 2022 devrait porter cette proposition avec force”, préconise-t-il.

Pour mémoire, la France a délivré 277.406 premiers titres de séjour en 2019, tout motif d’admission réuni. Ce nombre est tombé à 220.535 en 2020 et s’établirait à 219.302 en 2021 sur une population totale de 67,4 millions d’habitants, ce qui représente 0,3 % de la population.

Membre du « Collectif social-démocrate » (CSD, pour tenir la digue sociale face au cap macronien, et « consolider les dispositifs de protection avant de libérer les potentiels »), groupe d’une vingtaine de députés de l’aile gauche du groupe LREM (des Marcheurs de l’aile gauche, tels Delphine Bagarry, Albane Gaillot, Jean-François Mbaye, Aurélien Taché, Guillaume Chiche ou Cédric Villani – toujours membre du groupe LREM – et quelques non-inscrits comme Delphine Batho – ex-ministre PS à l’Écologie – ou le défunt Jean-François Césarini, ex-PS),  Sonia Krimi milite pour l’accueil de l’Aquarius et des 629 passagers secourus par SOS Méditerranée, association de passeurs.