JO 2024: la gauche incite des ouvriers sans-papiers à  assigner des géants du BTP

«La France n’est pas mieux que le Qatar», selon des Africains formatés

Banderole réalisée par des clandestins maliens ou de république démocratique du Congo ?

L’application «systématique» mais théorique des obligations de quitter le territoire français a été étendue en novembre à tous les étrangers sans titres de séjour.

L’inspection du travail et «Libération» avaient déjà constaté la présence de sans-papiers sur le chantier du village olympique. Dix d’entre eux, qui dénoncent une forme d’«exploitation», ont décidé de passer par la case justice pour faire reconnaître leurs droits.

Les mauvaises conditions de travail continuent d’entacher la préparation des Jeux olympiques 2024 de Paris. Dix travailleurs sans-papiers des chantiers des JO assignent des géants du BTP devant le conseil de prud’hommes de Bobigny (Seine-Saint-Denis), affirme Franceinfo ce mardi 20 juin 2023.

Originaires du Mali ou de république démocratique du Congo, ils vivent en France depuis plusieurs années et ont désormais été régularisés. Mais, sans-papiers alors qu’ils étaient salariés sur les chantiers, ces ouvriers disent avoir travaillé sur le village olympique notamment sans contrat de travail, fiche de paie, congés payés ou encore heures supplémentaires payées. Ces travailleurs dénoncent l’«exploitation» dont ils auraient  été victimes, se comparant à ceux des chantiers du Mondial au Qatar.

Libération ne dit pas autrement,: est-ce un pur hasard ?

«Sur le chantier, il n’y a presque que des étrangers»

Sont-ils venus en France pour monter des murs ou pour les tenir ? Les témoignages recueillis sont éloquents, selon Franceinfo qui les sélectionne. Certains ouvriers disent même qu’ils ont dû acheter eux-mêmes leur matériel de protection. «Tout le monde savait que je n’avais pas de papiers. Et c’est Spie Batignolles qui commande sur le chantier, explique Moussa, l’un des dix travailleurs. Un jour, j’avais mal au genou. J’ai demandé à mon patron si je pouvais prendre un ou deux jours de repos. Il m’a dit : ‘‘Si tu n’es pas là lundi, tu prends tes affaires’’. J’ai dû continuer à travailler malgré la souffrance. La France n’est pas mieux que le Qatar,» comme titre Libération…

Parce qu’il n’existe pas de données certifiées sur les décès en raison du travail sur la construction des stades dans le pays du Golfe, le Guardian estimait en 2021 que 6 751 travailleurs migrants étaient morts à cause des chantiers, ce qui n’est pas avéré, quand Amnesty International affirmait que «selon [leurs] recherches [!], près de 70 % de ces décès restent inexpliqués». Mais attribués au chantiers… Des proportions sans commune mesure avec les Jeux olympiques en France, précise toutefois notre presse.

Reste que les témoignages sur les conditions de travail recensés depuis plusieurs années sont alarmants dans un pays où le code du travail est censé protéger les employés un peu plus qu’ailleurs. Dans une enquête que publiait Libération fin 2022 sur les conditions de travail de travailleurs sans-papiers, l’un d’entre eux décrivait l’une des caractéristiques de la sortie de terre de ces JO, que l’on retrouve souvent sur les chantiers de BTP. «Les Français ne veulent pas faire ce travail. Sur le chantier, il n’y a presque que des étrangers. Des Pakistanais pour l’électricité, des Arabes pour la plomberie, des Afghans pour la maçonnerie… Les Blancs, ce sont ceux qui sont dans les bureaux.» Qui parle si bien le Français? Un Malien? Ou Libération ?

Il y a un peu plus d’un an, un contrôle de l’inspection du travail avait déjà constaté la présence de sans-papiers sur le chantier du village olympique. Le Parquet de Bobigny avait alors ouvert une enquête pour «emploi d’étrangers sans titre» et «exécution en bande organisée d’un travail dissimulé».

«Nous accueillons normalement les Jeux olympiques et paralympiques en France tous les cent ans, il vaut mieux, mes chers amis, être au rendez-vous du monde», déclamait pourtant en 2021 l’ex-premier ministre Jean Castex, appelant de ses vœux «des Jeux olympiques réussis, à la fois inspirateurs et illustrateurs des aspirations de notre société et des politiques publiques que nous conduisons pour y répondre et pour transformer notre pays».

«On nous avait promis des chantiers des JO exemplairesrappelle à France info Richard Bloch, de la CGT, syndicat d’extrême gauche. Finalement, c’est pire qu’ailleurs, car il y a un impératif politique : il faut que les chantiers soient livrés en temps et en heure. Donc les sociétés mettent en œuvre tous les moyens légaux ou illégaux pour livrer dans les temps.»

«On nous avait promis des chantiers des JO exemplaires»

Huit sociétés sous-traitantes sont assignées en justice par les dix ouvriers sans-papiers manipulés par la CGT, pour lesquelles ils travaillaient, ainsi que les donneurs d’ordre Vinci, Eiffage, Spie Batignolles et GCC (Bouygues). L’audience est fixée à début octobre au conseil des prud’hommes de Bobigny.

Selon la CGT, qui « défend » ou instrumentalise ces travailleurs dans cette procédure et estime qu’une centaine d’ouvriers sont dans cette situation, les entreprises donneuses d’ordre sont responsables, car le code du travail impose aux donneurs d’ordre de contrôler ce qui se passe sur le chantier. Pour la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solidéo), moins d’une centaine de cas ont été repérés malgré 850 contrôles. Fin 2022, Jean-Albert Guidou, de la CGT,  Libération «Le gouvernement français veut des Jeux olympiques propres, on les prend au mot.»

JO. 2024 de Paris: soupçons de prises d’intérêts et favoritisme sur le Comité olympique

Des perquisitions sur plusieurs sites, Solideo et le COJO, ce jour

Une perquisition en cours au comité d'organisation des JO-Paris 2024.

A 14 mois des Jeux olympiques de Paris 2024, une perquisition est en cours au siège du comité d’organisation (Cojo) à… Saint-Denis, commune dite défavorisée, comme la Seine-Saint-Denis, département geignard et mendiant, près de Paris, a indiqué mardi le Cojo, sans préciser sur quoi porte l’enquête.

Des perquisitions sont en cours mardi matin sur plusieurs sites, notamment au siège du Comité d’organisation (Cojo) des Jeux-2024 de Paris et à la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), a indiqué le Parquet National Financier (PNF).

Le ministère public a précisé que ces perquisitions sont réalisées dans le cadre de deux enquêtes préliminaires ouvertes respectivement en 2017 et 2022, sur des soupçons de prise illégale d’intérêts et de favoritisme. Elles concernent toutes deux des marchés attribués dans le cadre de l’organisation des Jeux olympiques.

Le Cojo fait savoir qu’il « collabore pleinement avec les enquêteurs ». Ces perquisitions sont menées par l’OCLCIFF (Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales) et la BRDE, brigade financière de la police judiciaire parisienne, a-t-on appris de même source.

La procédure générale relative aux achats « imprécise et incomplète »

Le Cojo est constitué sous forme d’une association loi 1901. La Cour des comptes suit de près son activité et doit publier un rapport très prochainement. En avril 2021, deux rapports de l’Agence française anti-corruption (AFA) sur l’organisation des JO, pointaient des « risques d’atteintes à la probité » et de « conflits d’intérêts », ternissant l’image des JO voulus « exemplaires » par le patron du Comité d’organisation, Tony Estanguet.

Ces deux rapports initiaux livrés début 2021, dont le Canard Enchaîné avait déjà évoqué la teneur il y a près d’un mois, sont consacrés au Comité d’organisation (Cojo) lui-même et à la Solideo, la société publique chargée de la construction (?) des différents sites pour les Jeux. Les inspecteurs de l’AFA ont estimé que la procédure générale relative aux achats est « imprécise et incomplète », et soulignent qu’il existe « parfois des situations de potentiels conflits d’intérêts non maîtrisés ».

JO de Paris: les chantiers encombrés de travailleurs au noir sans-papiers

Important les critiques contre Doha, la CGT dénigre la France

Sur les sites en construction des futurs Jeux olympiques de Paris, qui doivent être la vitrine de la France en 2024, la présence d’une main d’oeuvre illégale de sans-papiers, sans contrat  sous-payées, sans jour de repos, est devenue un enjeu de crispation politique et d’exemplarité sociale.

Le 26 septembre dernier, lorsque des inspecteurs du travail font irruption dans le centre aquatique de Marville (Seine-Saint-Denis), qui servira de base d’entraînement olympique, « le patron m’a dit +tu reviens plus !+ », se souvient un Malien de 41 ans, dont cinq en France, en situation irrégulière.

La journée de 10h peut être payée 80 euros. Evidemment, « les heures supplémentaires n’étaient jamais payées ». « J’ai accepté parce que je connais ma situation. Si t’as pas de papiers, tu fais tout ce qui est difficile, toute la merde, t’as pas le choix », expose-t-il, en faisant bouillir de l’eau sur un réchaud à même le sol, dans la minuscule chambre qu’il partage avec quatre compatriotes. L’argent gagné n’est quasiment pas réinvesti dans l’économie française: il est expédié au pays.

Le travail au noir, prétexte à libérer les sites olympiques

« Il y a une grande hypocrisie de la part des autorités politiques », dénonce Bernard Thibault, qui co-préside le Comité de suivi de la charte sociale de Paris 2024, qui doit veiller à ce que les JO soient un événement exemplaire en matière économique et sociale et non exposé à la critique polémique. Selon l’ancien secrétaire général de la CGT, « on peut supposer qu’il y a d’autres » sans-papiers sur les chantiers et l' »évidence » (?) voudrait qu’on les régularise. Aussi nombreux qu’ils soient, selon le syndicaliste d’extrême gauche.

Signe que le sujet inquiète, l’inspection du travail a créé une unité spécialisée qui contrôle près d’un site par jour depuis deux ans. Du jamais-vu.

Depuis le printemps dernier, la pression de l’urgencele mouvement s’accélère. En juin, neuf travailleurs illégaux sont repérés sur un chantier dont le maître d’ouvrage n’est autre que la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques), l’établissement public chargé de la construction des sites.

Au même moment, le Parquet de Bobigny ouvre une enquête préliminaire notamment pour « travail dissimulé » et « emploi d’étranger sans titre en bande organisée », d’en prenant ainsi aux employeurs plutôt qu’aux clandestins.

Les travailleurs au noir sont privés d’emploi

« On a écrit au procureur de Bobigny pour dire qu’on souhaite se joindre aux procédures contre les employeurs indélicats« , a déclaré mardi le directeur général de la Solideo, Nicolas Ferrand, rappelant la « volonté d’exemplarité des chantiers olympiques ». Vertu soudaine.

Lorsque le sujet s’est posé pour la Solideo, « on a immédiatement pris les dispositions qui s’imposaient », en résiliant le contrat du sous-traitant incriminé mais aussi du géant du bâtiment qui y avait recours, explique Antoine du Souich, directeur de la stratégie et de l’innovation.

L’établissement public a depuis « renforcé ses procédures » et va « plus loin que ce que demande la réglementation », insiste-t-il.

Construire un système « absolument imperméable (à la fraude), on en est incapables », convient A. du Souich, qui reconnaît qu’un « certain nombre de tricheurs sont passés entre les mailles du filet ». L’objectif est de « resserrer les mailles » pour repérer les « situations grossières de triche ».

Cette toile du travail illégal est tissée par une « nébuleuse d’entreprises turques » sous-traitantes, observe Jean-Albert Guidou, de la CGT Seine-Saint-Denis.

Un « système qui marche à plein tube », avec des sociétés qui se placent en liquidation dès qu’elles sont inquiétées, décortique le syndicaliste.

Accidents

Alors que le gouvernement veut créer un titre de séjour dans les « métiers en tension », la CGT a déjà accompagné une trentaine de travailleurs clandestins des JO dans des procédures de régularisations, certaines déjà obtenues.

« Ils occupent les postes les plus accidentogènes et ils sont surexploités », plaide-t-il. « Sur les chantiers, la seule variable d’ajustement, c’est le prix du travailleur. Et quand il faut mettre les bouchées doubles pour livrer, ces entreprises ne sont pas regardantes sur les conditions de travail, » ajoute-t-il.

D’ailleurs, sous-traitants et géants du BTP sont-ils au courant quand un ouvrier n’est pas en règle ?

« Bien sûr! Moi j’ai donné deux fois des papiers différents à la même entreprise, j’ai été pris », se souvient cet autre Malien de 38 ans. Sur son téléphone, il fait défiler des photos datées du 6 mai et sur lesquelles on le voit, casque de chantier et t-shirt, sur une nacelle de la Tour Pleyel, futur hôtel de luxe des JO-2024. Des Européens font aussi ce travail.

Lui aussi a été évincé après un contrôle, en octobre. « On fait ça pour la famille (restée) au Mali, qu’on fait vivre. On fait tous les sacrifices pour ce boulot« , explique à son tour Moussa (il requiert l’anonymat pour des raisons de sécurité), 43 ans. D’où le chantage à la régularisation.

La pression des JO favorise les régularisations de hors-la-loi

Les employeurs sont diabolisés et les clandestins régularisés… « Tous ces beaux stades sont construits par des gens pauvres (…) qui sont exploités », raconte le migrant en situation irrégulière qui vivrait dans la « peur » depuis qu’il a été sorti manu militari de son chantier, en décembre, après s’être exprimé publiquement sur ses conditions de travail et en dépit de son expérience périlleuse d’itinérance et tout en regrettant de ne plus être en mesure d’envoyer sa paie dans son pays d’origine.

La gauche extrême importe la propagande anti-JO à Doha, Qatar. Jeux olympiques ou pas, « on te fait du chantage », raconte-t-il: lorsqu’on demande des heures supplémentaires, « c’est soit tu restes, soit tu prends tes affaires », affirme celui qui a fait du « piochage » et de la maçonnerie pendant quatre mois sur le futur village des athlètes.

En quinze ans de clandestinité en France, Moussa a toujours travaillé, d’abord dans le nettoyage, puis la restauration, désormais le bâtiment. Comme les autres, il ne voit pas de différence, sur le terrain, entre son chantier olympique et les précédents: « C’est toujours à 80% des immigrés qui font le boulot. On voit des Maliens, des Portugais, des Turcs. Et les Français… dans les bureaux ». Caricature dans l’esprit des attaques qui ont visé le Qatar.

Comme les autres et, il va sans dire, par amour de la France, en dépit du dénigrement de ceux qui lui donnent du travail et aident les familles au pays – c’est un contrat intra-familial – il demande à être régularisé, « rien de plus » – hormis bientôt revendiquer le regroupement familial – ne serait-ce que pour pouvoir circuler librement sans avoir « peur d’un contrôle » d’identité. Tout l’arsenal des mythes qui ne dissuadent en rien de violer nos frontières.

La CGT s’apprête à déposer son dossier de régularisation de groupe. S’il l’obtient dans les dix-huit mois, ces déboires récents seront oubliés comme un vilain cauchemar, s’éclaire-t-il: « Je serais en règle pour les Jeux! » La presse militante participe ainsi à l’éreintement de la France.