Mort de Robert Badinter, opposant aux lois Pasqua sur l’immigration et dépénalisateur de l’homosexualité

Badinter ne peut être réduit à l’abolition de la peine de mort

Robert, 95 ans, et
Elisabeth, 79 ans

Il est en effet à la source des principaux sujets actuels de mécontentement des Français : immigration débridée, insécurité galopante et wokisme mortifère, mais Macron annonce aussi sec un hommage national, un grand discours et une belle mise en scène.

Ce qui a fait la réputation de l’avocat et ex-ministre de Mitterrand. L’ancien ministre de la Justice de François Mitterrand et l’un des plus ardents défenseurs de l’abolition de la peine de mort est décédé dans la nuit du 8 au 9 février à l’âge de 95 ans .

1977 : il sauve de la guillotine le meurtrier d’enfant, Patrick Henry

Du procès d’un meurtrier, il a fait celui de la peine de mort. Le 18 janvier 1977 débute le procès de Patrick Henry, qui a tué un enfant un an plus tôt. Le même jour, Le Figaro souligne qu’il s’agit du « procès de la peine irréversible, celui du prix du sang ». La France, elle, a peur, observe Roger Gicquel. Et se trouve largement favorable à la peine capitale. Robert Badinter n’est pas de ceux-là. Il a déjà plaidé deux autres affaires, avant celle-ci, défendant des accusés finalement condamnés à la guillotine.

Mais en 1977, il parvient à convaincre la Cour d’assises d’éviter que la tête de Patrick Henry tombe. « Là où il y avait un procès de Patrick Henry, qui était implaidable, j’ai choisi de substituer le procès de la peine de mort ». Quatre ans plus tard, François Mitterrand le nomme ministre de la Justice. C’est lui qui joue, à ce poste, un rôle clé pour l’abolition de la peine de mort, le 9 octobre 1981.

1981 : son coup fatal à la peine de mort

Le 18 septembre 1981, l’ancien avocat devenu ministre de la Justice prononce un discours enflammé de plus de deux heures donnant un coup fatal à la peine de mort. « Une longue marche s’achève aujourd’hui », clame alors Robert Badinter à la tribune de l’Assemblée nationale dans un silence saisissant. Malgré l’opposition d’une majorité de Français, ce texte pour abolir la peine de mort est le premier projet de loi présenté au Parlement par le gouvernement d’un François Mitterrand fraîchement élu et farouchement opposé à la sentence. Il trouve un allié de taille auprès de Robert Badinter.

Au moment où le ministre de la Justice prononce son discours, huit détenus attendent la mort en France, l’un des derniers pays d’Europe à pratiquer encore la peine de mort. « La France est grande, non seulement par sa puissance, mais au-delà de sa puissance, par l’éclat des idées, des causes, de la générosité qui l’ont emporté aux moments privilégiés de son histoire », rappelle Robert Badinter aux législateurs, contre l’opinion. Et, usant de caricature, de les adjurer : « Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue. » Le lendemain, le texte sera adopté à 363 voix contre 117 et le discours entrera dans l’Histoire.

4 août 1982 : la loi Forni «dépénalise» l’homosexualité en France

En 1982, la loi Forni abrogea le « délit d’homosexualité » et mit ainsi un terme à la discrimination pénale visant les homosexuels depuis 40 ans. Un combat notamment soutenu par Robert Badinter et rapporté par Gisèle Halimi, qui devait abroger le « délit d’homosexualité » qui pénalisait certaines relations homosexuelles et condamnait « les actes contre-nature » et les relations entre hommes de moins de 21 ans. Il aggravait de fait les peines en cas « d’attentat aux mœurs sur mineurs », lorsqu’il était commis par une personne de même sexe. La communauté LGBT s’en trouva dynamisée et ne cessa plus de se diversifier, faisant entendre ses revendications plus que de raison et imposant avec les féministes la dictature actuelle des minorités.

1988 : le couple Badinter-Levy présente son livre chez Bernard Pivot

Il partage une grande activité intellectuelle avec sa femme, Elisabeth, riche héritière née Bleustein-Blanchet, fille du fondateur du groupe Publicis, multinationale française de communication. En 1988, le couple publie une biographie à quatre mains (comme au piano) du marquis de Condorcet, mathématicien, philosophe des Lumières et homme politique révolutionnaire du XVIIIe siècle, Girondin mort en …1793. C’est à ce titre que Bernard Pivot les reçoit dans sa célèbre émission « Apostrophes ». « Comment Condorcet s’est-il introduit chez les Badinter ?, questionne d’emblée le journaliste. Autrement dit, lequel de vous deux a ramené un soir Condorcet au domicile ? » « C’est moi la coupable », sourit Elisabeth Badinter.

Née en 1944, cette femme de lettres et philosophe spécialiste des Lumières épouse Robert Badinter en 1966. Devant Bernard Pivot, elle se revendique « féministe », un combat qu’elle n’a jamais renié, tout en critiquant les évolutions de ce mouvement idéologique au tournant du XXIe siècle. Elle voit en Condorcet « le plus radical des féministes », quand son mari y voit surtout un « républicain » et un homme contre les « injustices ». « Ça faisait longtemps qu’on voulait écrire un livre ensemble », explique Elisabeth Badinter à Bernard Pivot.

1992 : sa honte et sa colère, 50 ans après le Vel’ d’Hiv

L’apostrophe est devenue célèbre. Le 16 juillet 1992, la France commémore le 50e anniversaire de la rafle du Vél’ d’Hiv. François Mitterrand est le premier président de la République à assister à la cérémonie, au milieu d’autres personnalités officielles dont Robert Badinter. Alors que des incidents éclatent et que les insultes pleuvent sur François Mitterrand après de récentes prises de position qui ont suscité la polémique (la veille, dans un entretien, le président avait refusé de reconnaître la responsabilité de la France dans la déportation), son ex-garde des Sceaux prend le micro, submergé par la colère. « Vous m’avez fait honte », lance-t-il alors en pointant du doigt l’assistance après ses huées et sifflets à l’encontre du Président. Et d’ajouter, solennellement : « Les morts vous écoutent. »

Robert Badinter, désormais président du Conseil constitutionnel, poursuit sa harangue au public en lui intimant un ordre : « Je ne demande que le silence que les morts appellent. Taisez-vous ! » Quelques années plus tard, l’ancien ministre socialiste, un soupçon totalitaire, confiera au micro de France Culture qu’il a été « pris d’une fureur ». « Comment est-ce possible qu’on ose transformer une cérémonie comme celle-là en espèce de meeting politique ? », s’interrogeait encore trente ans plus tard celui dont le père est mort en déportation.

Les deux projets de loi immigration de Pasqua

Les lois dites Pasqua-Debré sont trois lois adoptées à partir de 1986, l’une relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, l’autre, qui durcit encore les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France et la troisième, dite « loi Debré », portant diverses dispositions relatives à l’immigration.

Lionel Jospin avait fait de l’abrogation des lois Pasqua-Debré l’un des thèmes centraux de sa campagne, avant de préférer parler de « modification profonde » de l’ordonnance de 1945.

Malgré les réticences de la gauche du PS, des écologistes et des associations de défense des immigrés, peu de voix s’étaient notamment élevées contre la volonté du gouvernement Jospin de régulariser une partie des sans-papiers. La circulaire du 24 juin 1997 définit onze critères permettant à certaines catégories d’étrangers en situation irrégulière, du fait des lois Pasqua-Debré, d’obtenir, après examen du dossier, des titres de séjour.Et les étrangers sans papiers, dont le dossier aura été rejeté à l’issue de l’opération de régularisation en cours.« devront quitter notre territoire » (cf. OQTF).

Or, en 1997 déjà, le gouvernement dut suivre l’avis du Conseil d’Etat sur un point : la durée de la rétention des étrangers en situation irrégulière est limitée à douze jours, contre quatorze prévus dans le projet de loi. Jusqu’à présent, cette rétention est de deux jours, avec possibilité d’extension à cinq jours sur décision d’un magistrat. L’article initial avait été fortement critiqué, notamment par le sénateur Robert Badinter, qui, d’emblée, avait annoncé qu’il ne voterait pas certaines dispositions du projet de loi.

En dépit des critiques formulées sur l’ensemble du projet par la Commission des droits de l’homme, le texte de loi ne subit pas d’autres modifications et reçut l’aval du Haut Conseil à l’intégration. Pour faire encore monter la pression, une manifestation fut organisée à Paris à l’appel de plusieurs syndicats, des Verts, de la plupart des associations de défense des immigrés et de la Coordination nationale des sans-papiers.

2020 : il rend un vibrant hommage à Samuel Paty

Son assassinat par un islamiste tchétchène bouleverse Robert Badinter. Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, s’est fait couper la tête par un terroriste islamiste le 16 octobre 2020. Le 31 octobre 2020, il rend hommage à cet enseignant dans une vidéo pour le compte du ministère de l’Education nationale. « Samuel Paty a consacré sa vie d’homme à la plus belle des missions : éduquer les jeunes dans le respect des lois et des valeurs de la République en lesquelles il avait foi et pour lesquelles il a donné sa vie », souligne l’avocat.

S’ensuit une ode à la loi de 1905. « Parmi ces valeurs, la liberté d’expression et d’opinion, y compris religieuse, qui fonde la laïcité, lui était particulièrement chère, poursuit Robert Badinter. La laïcité permet à chacun de pratiquer la religion de son choix ou de n’en pratiquer aucune, selon sa conviction. La laïcité dans notre République, c’est aussi l’égalité entre toutes les religions [sans nuance, qu’elle soit importée ou non, conquérante ou non]. […] 

Et le bisounours de poursuivre : La laïcité de notre République, c’est enfin la fraternité. Parce que tous les êtres humains, femmes ou hommes, quelles que soient leurs croyances et leurs opinions méritent une égale considération ».

Et d’achever : « La laïcité garantit à tous les élèves et à tous les niveaux un enseignement consacré au seul culte du savoir et de la recherche, qui forgent les esprits libres ouverts au monde. »

Macron appelle Borne à un « compromis… intelligent » sur le projet de loi immigration

Avec ce défi, les rapports de l’exécutif se tendent à nouveau

Dans l’entourage d’Elisabeth Borne (ici en position défensive face à Macron, le 8 février à l’Elysée), on admet « peut-être des différences de style » avec le président, mais
« aucune divergence de fond »

Les rapports entre Macron et Borne traversent des périodes difficiles, comme en mai dernier, quand la première ministre venait d’être confirmée à Matignon et que, pourtant, dans les couloirs du pouvoir, le doute persistait sur son sort, comme sur l’état de sa relation avec le président de la République, au-delà du 14-Juillet.

« Il y a de la tension dans le tube », sourit alors un fidèle du chef de l’Etat. En privé, il arrive au président de se plaindre de la cheffe du gouvernement, « énervé contre elle », témoigne un vieil ami. En coulisses, on glose sur leurs différences de caractères, le premier choix pour Matignon (la LR Catherine Vautrin) venant d’être contrarié par la levée de boucliers des ténors de la macronie.

Depuis l’étranger selon son habitude, ce 15 décembre, le chef de l’Etat a menacé de tirer « les conséquences » du résultat des discussions en cours entre le gouvernement et les parlementaires.

Interrogé depuis Bruxelles, où il participait au Conseil européen, Macron a évoqué les affaires intérieures françaises en abordant les discussions en cours sur le projet de loi relatif à l’immigration, vendredi 15 décembre. Le texte gouvernemental, rejeté lundi par l’Assemblée, est désormais au cœur d’intenses négociations entre le gouvernement et la droite, dont l’issue divise ministres et majorité relative.

Emmanuel Macron donne une conférence de presse à l’issue du Conseil européen à Bruxelles, dimanche 15 décembre 2023.
Macron donne une conférence de presse à l’issue du
Conseil européen à Bruxelles,
dimanche 15 décembre

Devant la presse, le chef de l’Etat a appelé à un « compromis intelligent (…) au service de l’intérêt général » entre les représentants de l’alliance présidentielle et ses oppositions à la commission mixte paritaire (CMP) qui doit sceller le sort du texte, lundi. Le chef de l’Etat a également déclaré qu’il tirerait « les conséquences » du résultat des discussions en cours.

Le gouvernement et Macron ont choisi de confier à la CMP la tâche de définir un texte de compromis, après l’adoption par l’Assemblée d’une motion rejetant le projet de loi. Elle devra travailler sur la base du texte sénatorial que les macroniens de l’Assemblée avait dénaturé au point de provoquer le coup de sang des députés contre le projet porté par Darmanin.

Les Républicains en position de force

Depuis lundi, Elisabeth Borne et ses proches conduisent les tractations intensives auprès des Républicains, en position de force, pour tenter de leur arracher des concessions même minimes susceptibles d’apaiser l’alliance présidentielle divisée sur ce texte.

Après avoir reçu à deux reprises les dirigeants de la droite, avant une nouvelle rencontre prévue dimanche soir, la première ministre a exposé jeudi à ses ministres, puis à ses partisans à l’Assemblée, les « grands équilibres » du texte susceptible d’être discuté lundi par les sept sénateurs et les sept députés de la CMP.

Devant ses ministres, la cheffe du gouvernement a évoqué un texte qui serait amputé de la réforme de l’aide médicale d’Etat (AME) pour les sans-papiers, qui ne reprendrait pas l’allongement des délais de séjour en France pour bénéficier des prestations sociales et de certaines dispositions du code de la nationalité.

Le texte conserverait en revanche un article sur la régularisation des sans-papiers, au cas par cas, dans les métiers en tension qui serait à la discrétion des préfets. L’alliance présidentielle était favorable à une formule plus attractive des migrants et plus coûteuse en période de déficit budgétaire et de menace de récession économique.

Savoir s’entourer, en mettant son ego dans la poche, Macron ne sait pas faire :