Haut-Karabakh arménien, envahi par l’Azerbaïdjan: Biden et l’ONU laissent faire

L’Occident harcèle Poutine, mais ignore les menaces du dictateur azeri

La République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan a lancé une offensive militaire dans l’enclave du Haut-Karabakh.

Sans condamner le panturc et producteur de pétrole – qui représente 70 % de ses exportations et 50 % du budget de l’Etat -, le secrétaire général de l’ONU appelle à un « arrêt immédiat des combats ». En fait, voilà plus de 30 ans que le conflit paraît inextricable, mais la bataille entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan pour le Haut-Karabakh pourrait bientôt connaître son épilogue. Les séparatistes arméniens ont accepté mercredi 20 septembre de rendre les armes après l’offensive éclair menée par Bakou et d’entamer des pourparlers devant conduire à la réintégration de ce territoire sécessionniste à l’Azerbaïdjan, république indépendante de la Russie depuis la chute de l’URSS, membre de l’ONU et du… Conseil de l’Europe.

L’ONU approuve la dictature azeri en Arménie,
mais condamne Poutine
en Ukraine
(20 septembre 2023)

« Un accord a été conclu sur le retrait des unités et des militaires restants des forces armées de l’Arménie (…) et sur la dissolution et le désarmement complet des formations armées de l’Armée de défense du Haut-Karabakh », a indiqué la présidence séparatiste dans un communiqué. Que doit cet espoir à l’ONU ? Et à Biden ? Deux contempteurs de Poutine, lequel ne fait que résister à la volonté de Zelensky, encouragé par Biden, de sortir de l’orbite russe pour entrer dans celle de l’OTAN, ravivant la guerre froide aux frontières de la Russie, avec le soutien de Bruxelles.

Le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a dénoncé une opération visant au « nettoyage ethnique des Arméniens du Karabakh ». La France a demandé une réunion en urgence du Conseil de sécurité de l’ONU, qui se tiendra jeudi après-midi.

Les appels au cessez-le-feu se multiplient après a nouvelle opération militaire déclenchée mardi 19 septembre 2023 par l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh, cette région sécessionniste, majoritairement peuplée d’Arméniens, que Bakou et Erevan se disputent depuis des décennies. L’Azerbaïdjan affirme mener une opération « antiterroriste », visant les « forces arméniennes » dans la région.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a exigé un « arrêt immédiat des combats » dans un communiqué diffusé mercredi. « Le secrétaire général appelle dans les termes les plus forts à l’arrêt immédiat des combats, à la désescalade et au respect plus strict du cessez-le-feu de 2020 et des principes du droit international humanitaire », a affirmé son porte-parole, Stéphane Dujarric.

« Les mesures antiterroristes seront interrompues si [les séparatistes arméniens] déposent les armes et sont désarmés », a affirmé le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, lors d’un appel téléphonique avec le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken.

L’escalade s’est invitée mardi à l’Assemblée générale des Nations unies, la France réclamant une réunion d’urgence du Conseil de sécurité pour prendre acte de l’offensive « illégale » et « injustifiable » menée par Bakou. Cette réunion aura lieu jeudi après-midi, a annoncé la présidence albanaise du Conseil mardi soir.

Un dernier bilan publié par les autorités séparatistes arméniennes fait état d’au moins vingt-sept morts dont deux civils, et plus de deux cents blessés. Des « femmes, des personnes âgées et des enfants » comptent parmi les victimes, ont-elles précisé. De son côté, l’Azerbaïdjan a annoncé la mort de deux civils, tués « par éclats d’obus à la suite d’une attaque des forces armées arméniennes ».

« Tirs d’artillerie et de roquettes »

La capitale du Haut-Karabakh – Stepanakert (nom arménien) ou Khankendi (nom azerbaïdjanais) – et d’autres villes de la région ont été ciblées, mardi, par des « tirs intensifs », a fait savoir la représentation des séparatistes en Arménie, sur Facebook. Les forces séparatistes ont affirmé tenter de « résister » à l’armée azerbaïdjanaise qui essaie d’avancer « en profondeur » dans l’enclave. Elles ont fait état mardi soir de combats tout au long du front, affirmant que « les forces armées azerbaïdjanaises recourent à des tirs d’artillerie et de roquettes, à des drones d’attaque, à l’aviation de combat », a expliqué l’armée séparatiste sur X (anciennement Twitter).

« Plus de 60 positions de combat des forces [séparatistes] arméniennes sont désormais sous le contrôle de nos forces armées », a affirmé mardi soir un porte-parole du ministère de la défense azerbaïdjanais, Anar Eyvazov, lors d’une conférence de presse.

A l’inverse des Arméniens, Volodymyr Zelensky ne laisse
aucun espoir de cessez-le-feu

Les autorités du Haut-Karabakh ont appelé l’Azerbaïdjan au cessez-le-feu « immédiatement, et à s’asseoir à la table des négociations », a tweeté le ministère des affaires étrangères du territoire séparatiste, alors que l’Azerbaïdjan considère le Haut-Karabagh comme partie intégrante de son territoire.

« Le seul moyen de parvenir à la paix (…) est le retrait inconditionnel et total des forces armées arméniennes (…) et la dissolution du prétendu régime » séparatiste, a déclaré la diplomatie azerbaïdjanaise dans un communiqué. L’Azerbaïdjan appelle « les forces armées arméniennes illégales [à] hisser le drapeau blanc, rendre toutes les armes et le régime illégal doit se dissoudre. Autrement, les opérations antiterroristes continueront jusqu’au bout », a affirmé l’administration présidentielle, qui assure être disposée, le cas échéant, à des pourparlers.

De son côté, le ministère de la défense arménien a assuré, de qu’il n’a pas de forces armées déployées dans la région, condamnant les « fausses déclarations » de Bakou.

L’Azerbaïdjan appelle le premier ministre arménien à la démission

« L’Azerbaïdjan a lancé une opération terrestre visant au nettoyage ethnique des Arméniens du Karabakh », a dénoncé le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, dans une déclaration télévisée, assurant que la situation à la frontière était, elle, « stable » et que l’Arménie n’était « pas engagée dans des actions armées »« Nous ne devons pas permettre à certaines (…) forces de porter un coup à l’Etat arménien. Il y a déjà des appels venant de différents endroits à mener un coup d’Etat en Arménie », a-t-il ajouté.

A la suite de ce discours à la nation, des centaines de manifestants se sont réunis devant le siège du gouvernement arménien et ont appelé à la démission de N. Pachinian. Face aux protestataires, la police avait bouclé les entrées du bâtiment gouvernemental. Le cordon policier, qui a été ciblé par des jets de bouteilles, résistait dans la soirée à une foule de manifestants le pressant pour pénétrer dans le bâtiment, dont des vitres de la porte d’entrée étaient brisées, selon les images de l’antenne arménienne du média américain RFE/RL.

Le service de sécurité arménien a mis en garde contre le risque de « troubles généralisés » dans le pays, promettant des « mesures pour maintenir l’ordre constitutionnel » et demandant aux citoyens de « ne pas céder aux diverses provocations ». Le Haut-Karabakh qui proclama unilatéralement son indépendance le 2 septembre 1991, n’est reconnue par aucun Etat membre de l’ONU, pas même l’Arménie.

Au même moment, par ailleurs, ce sont des dizaines de manifestants arméniens qui s’étaient rassemblés devant l’ambassade de Russie à Erevan, dénonçant son inaction pour empêcher l’offensive armée azerbaïdjanaise. Dans sa déclaration, N. Pachinian a également appelé les Nations unies (ONU) et la Russie à « prendre des mesures ».

La Russie appelle à « cesser immédiatement l’effusion de sang »

Le ministère des Affaires étrangères russe a appelé mercredi « les parties prenantes du conflit à cesser immédiatement l’effusion de sang, à mettre un terme aux hostilités et à arrêter les pertes civiles » dans le Haut-Karabakh. « Toutes les étapes d’une solution pacifique sont énoncées dans les accords signés en 2020 et 2022 », avait précisé mardi la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova. La mission de maintien de la paix russe sur le territoire a appelé à un cessez-le-feu « immédiat » et annoncé procéder à des évacuations de civils dans « les zones les plus dangereuses » de la région.

« Plus de 7 000 personnes ont été évacuées de 16 localités des régions d’Askeran, Martakert, Martouni [et] Chouchi dans l’Artsakh », a déclaré sur X Gegham Stepanyan, le défenseur des droits de la région séparatiste.

Juillet 2022

De son côté, mardi, Macron a condamné « avec la plus grande fermeté » (selon lacformule consacrée) l’opération militaire lancée par l’Azerbaïdjan et appelé lui aussi Bakou à « une cessation immédiate de l’offensive ».

Le Rassemblement national a exprimé son indignation après le regain de violences dans le Haut-Karabakh. Sur Twitter, Louis Aliot a par exemple apporté son soutien aux Arméniens et déclaré : « L’Azerbaïdjan vient une nouvelle fois de violer les règles internationales en attaquant l’Arménie. Une protestation de la France ? L’Azerbaïdjan nous fournit en gaz, va-t-on fermer les yeux sur les massacres ? ».

Lors d’un échange téléphonique avec Nikol Pachinian, le chef de l’Etat français a également exhorté « à une reprise sans délai des discussions pour (…) parvenir à une paix juste et durable entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan et garantir les droits et la sécurité des habitants du Haut-Karabakh ».

« Ces actions aggravent une situation humanitaire déjà difficile au Haut-Karabakh et sapent les perspectives de paix », a renchéri le chef de la diplomatie américaine dans un communiqué. Antony Blinken a souligné que le recours à la force était « inacceptable » et appelé à « une cessation des hostilités ».

Le pan-islamique Erdogan, solidaire de l’Azerbaïdjan

Le président turc néo-ottoman, Recep Tayyip Erdogan, a pour sa part dit, mardi qu’il « soutient les mesures prises par l’Azerbaïdjan (…) pour défendre son intégrité territoriale ». Dans un message publié sur X, le chef de l’Etat turc a affirmé que « le Karabakh est un territoire azerbaïdjanais. L’imposition d’un autre statut ne sera jamais acceptée », réaffirmant que la Turquie et l’Azerbaïdjan forment « une nation, deux Etats ».

Les rapports entre la Turquie et l’Arménie restent empoisonnés par les massacres d’Arméniens commis lors de la première guerre mondiale dans l’Empire ottoman, ancêtre de la Turquie, ce qu’Erevan et de nombreux pays considèrent comme un génocide – un terme qu’Ankara rejette.

L’opération militaire a été déclenchée après la mort de quatre policiers et de deux civils azerbaïdjanais dans l’explosion de mines du Haut-Karabakh, dans la nuit de lundi à mardi. Bakou avait accusé un groupe de « saboteurs » séparatistes arméniens d’avoir commis ces actes de « terrorisme ».

Le Haut-Karabakh, région montagneuse à majorité arménienne a été le théâtre de deux guerres au début des années 1990, puis à l’automne 2020. C’est l’une des zones les plus minées d’ex-URSS. Des explosions y font régulièrement des victimes.