Une nouvelle affaire démasquée ?
Macron s’offre une affaire Bachelot de gaspillage public. Gaspillages et pénuries illustrent la brillante stratégie du « en même temps » de Macron. En janvier 2010, lors de l’épidémie de grippe H1N1, Bachelot résilia la commande de 50 millions de doses de vaccins, la ministre de la Santé se flattant alors d’économiser ainsi quelque 350 millions d’euros. «Ces commandes n’avaient été ni livrées ni payées, elles sont donc résiliées», avait précisé Roselyne Bachelot. Compte tenu du montant total des doses commandées – 712 millions d’euros -, «cela fait une économie de plus de la moitié», zvait précisé la ministre.
Cinq millions de Français avaient été vaccinés, alors qu’il était projeté d’acquérir plus de 94 millions de doses. «Si c’était à refaire, je referais exactement la même chose», avait clamé Roselyne Bachelot, évoquant «les graves crises sanitaires du passé», telle celle du sang contaminé au temps de Fabius.
Après l’affaire des doses de vaccins, celle des masques
100 millions de masques FFP1 et FFP2 périmés, stockés en Gironde pour le ministère de l’Education nationale, ont récemment été détruits, rapporte Sud-Ouest dans un article paru ce 19 décembre.
Les dates de péremption des masques détruits couraient d’avril à septembre 2022, pour des masques livrés fin janvier et début février, se défend le ministère de l’Education. En mars 2020, le ministère du Travail, appuyé par la direction de la Santé, avait pourtant autorisé l’utilisation des masques FFP2 jusqu’à 24 mois après la date de péremption.
«Depuis le début de l’année 2022, Santé publique France a cédé au ministère de l’Education nationale plus de 220 millions de masques FFP1 et FFP2. Cela fait suite à la décision du Premier ministre de fournir des masques jetables aux professeurs et aux personnels en contact des élèves. Ces masques sont issus du stock stratégique de l’Etat, avec la caractéristique d’avoir une date de péremption très rapprochée, allant de quelques semaines à quelques mois».
«Le dispositif mis en place était en tout point vertueux, estime le ministère. Il permettait d’utiliser des masques déjà acquis par Santé publique France, sans avoir à devoir procéder à de nouveaux achats. Les différentes académies ont été livrées en masques proportionnellement au nombre d’enseignants et d’agents au contact des élèves. Le pic de livraison – une boîte de 50 masques FFP1 par enseignant et par mois, en plus des masques FFP2 remis aux enseignants de maternelle – a été réalisé en janvier et février, au moment du pic de pandémie, avec le variant Omicron». Le ministère affirme avoir «opéré un suivi en temps réel de son stock de masques». Et «comme il y avait une incertitude sur le besoin», il a conservé les masques «jusqu’à la date limite, de manière à être en mesure d’équiper ses personnels en cas d’évolution des règles relatives au port du masque, eu égard à la situation épidémique».
Cent trente-six semi-remorques à la déchèterie
«Sur les 220 millions de masques reçus, 100 millions de FFP1 et FFP2 ont dépassé leur date de péremption et ont été détruits, tout comme ils l’auraient été s’ils étaient restés dans le stock stratégique de l’Etat», poursuit notre interlocuteur. «Ces masques ont été broyés sur le site Chimirec de Beaucaire, en vue d’un recyclage. Cent trente-six semi-remorques ont été mobilisés pour cette opération».
Mais ces masques étaient-ils réellement inutilisables ? La question se pose alors qu’en mars 2020, le ministère du Travail, appuyé par la direction générale de la Santé, avait autorisé l’utilisation des masques FFP2 «dont la date de péremption n’excédait pas 24 mois», pour peu qu’ils aient été correctement stockés, que leur conditionnement soit intact, et qu’un contrôle rapide confirme leur intégrité (élastiques et barrette nasale solides, ajustement correct sur le visage). Au regard de quoi les masques détruits auraient encore pu être utilisables, au moins jusqu’à mi-2024.
«L’utilisation de masques périmés n’a pas été envisagée»
Les masques ont-ils été testés pour confirmer que, au-delà de la date de péremption affichée, ils n’étaient plus efficaces ? «Non, nous n’avons pas testé les masques arrivés à péremption, car nous n’avons jamais imaginé distribuer, en 2022, à nos personnels, des masques FFP1 ou FFP2 périmés, répond le ministère. Le ministère du Travail avait autorisé l’utilisation de masques FFP2 périmés depuis moins de 24 mois sous certaines conditions, dans le contexte lié à la pénurie de masques FFP2 du printemps 2020. Toutefois, en 2022, le contexte n’est pas le même. Compte tenu de l’absence de tension sur les approvisionnements en masques, l’utilisation de masques périmés n’a pas été envisagée.»
Plusieurs études confirment pourtant que les propriétés des masques filtrants peuvent perdurer longtemps après leur date de péremption. Concernant les FFP2, une étude menée en France en 2020 sur 175 lots de masques dont les dates de péremption couraient de 2001 à 2018 estimait que «81 % des lots de masques FFP2 […] ont été jugés suffisamment conformes aux directives ministérielles». Seul un cinquième des lots étant rejeté.
Concernant les masques N95 (norme en vigueur outre-Atlantique, quasi équivalente aux FFP2), les résultats sont encore plus favorables. Des travaux de 2009, menés par des chercheurs de Pennsylvanie et portant sur 21 modèles de masques N95 périmés (pour certains depuis dix ans) concluaient ainsi que «les niveaux de performance de filtration attendus» étaient conservés pour 19 modèles. Les deux modèles qui avaient échoué au test avaient une efficacité de filtration supérieure à 94 % (le seuil fixé étant 95 %). Quant à la perte d’efficacité, elle dépendait moins de la durée d’entreposage que du modèle étudié. Dans une étude taïwanaise d’avril 2020, réalisée sur cinq modèles de N95 périmés (dont deux modèles fabriqués treize ans avant l’étude), tous conservaient des niveaux de filtration et de respirabilité respectant les normes, «et pouvaient encore être utilisés pour collecter efficacement les aérosols». Même conclusion pour une étude parue la même année, menée en Caroline du Nord sur 27 masques périmés depuis 2009 et 2011. Une troisième étude parue en 2020, menée par le NIOSH (l’agence fédérale étasunienne qui édicte les recommandations pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) sur 3 971 masques périmés depuis plusieurs années (11 modèles de N95 et un modèle P95) fabriqués de 7 à 17 ans auparavant, concluait que 98 % avaient conservé leurs propriétés de filtration et de respirabilité.
Un principe de précaution coûteux
L’obsolescence programmée n’est pas source unique de gaspillages. Concernant l’ordre de destruction des masques stockés en Gironde, le ministère précise que «le marché de routage et de distribution de produits sanitaires comprend une prestation de destruction». «Les bons de commande comportent une prestation de destruction» lorsque la date de péremption des produits est atteinte. Concrètement, «l’ordre de destruction a été donné à Koba [groupe français créé en 1974 dont le siège social est basé à Neuilly-Sur-Seine (92), prestataire du ministère pour les questions de logistique et de routage depuis trois ans ] par les services du secrétariat général du ministère de l’Education [au travers de] ces bons de commande».
Le ministère de l’Education précise que «plus aucun masque périmé n’est stocké à Canéjan.» A ce jour, «64,3 millions de FFP1 (majoritairement entreposés à Canéjan, à 11,4 km au sud-ouest de Bordeaux, Gironde) et 1,5 million de masques FFP2 (entreposés à Rantigny, dans l’Oise)» seraient encore stockés dans les entrepôts gérés par Koba (cf. Knoxbox, services de stockages, au coeur de Paris, du même propriétaire). «Nous conserverons ces masques jusqu’à la date de péremption des produits, pour être en capacité de livrer les établissements scolaires en cas de reprise de l’épidémie.»
La direction générale de la santé ne communique ni sur sa doctrine du stock stratégique, ni sur la destruction des masques sanitaires.