Le Sénégal délivre un mandat d’arrêt international contre l’avocat français Juan Branco

Le ministère des Affaires étrangères a procédé à des signalements contre son ressortissant

Très médiatique, Juan Branco
est également l’un des avocats de Piotr Pavlenski, accusé dans l’affaire des sex-tapes de
Benjamin Griveaux.

Avocat de l’opposant politique Ousmane Sonko, président du parti Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité, le Français Juan Branco se voit reproché « des crimes et délits » en lien avec les émeutes de juin dernier qui ont éclaté au Sénégal après la condamnation de Sonko à deux ans de prison.

La justice sénégalaise a annoncé vendredi le lancement d’un mandat d’arrêt international contre Juan Branco, médiatique avocat français de l’opposant sénégalais Ousmane Sonko. « Après avoir reçu la compilation des déclarations, écrits et posts » de l’avocat, « il a été relevé des éléments qui, manifestement, sont de nature à engager sa responsabilité pénale », affirme un communiqué du Parquet vendredi, annonçant « l’ouverture d’une information judiciaire ».

« Un mandat d’arrêt a en outre été requis à son encontre », ajoute le texte.

Juan Branco avait annoncé le 22 juin qu’il avait déposé une plainte en France et une demande d’enquête à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye contre le président sénégalais Macky Sall pour « crimes contre l’humanité », après les pires troubles qu’ait connu début juin le Sénégal depuis des années.

Plus de 20 morts en juin

Ces procédures pour « crimes contre l’humanité » visent également le ministre de l’Intérieur sénégalais Antoine Felix Abdoulaye Diome, le général Moussa Fall, commandant de la gendarmerie sénégalaise, ainsi qu’une centaine « d’autres individus », et concernent la période allant « de mars 2021 à juin 2023 ». Cette action auprès des justices internationale et française avait été qualifiée de « puérile et ridicule » par la ministre sénégalaise des Affaires étrangères, Aïssata Tall Sall.

La condamnation à deux ans de prison le 1er juin de l’opposant Ousmane Sonko avait provoqué de graves troubles au Sénégal, faisant 16 morts officiellement et trente, selon l’opposition. Son arrestation, à la suite d’une plainte dans une affaire de mœurs (accusation de viol, pour laquelle il a été acquitté), avait contribué à déclencher en mars 2021 plusieurs jours d’émeutes meurtrières, de pillages et de destructions qui avaient fait au moins une douzaine de morts, parce que sa condamnation pour « corruption de la jeunesse » avait été prononcée.

Le Quai d’Orsay porte plainte contre Juan Branco

Lors d’une conférence de presse le 22 juin dernier, l’avocat a révélé l’identité de deux fonctionnaires français travaillant au Sénégal, dénonçant leur implication dans les violences de ces dernières semaines. Le ministère français des Affaires étrangères l’accuse de mise en danger de ces deux personnes.

Lors de cette conférence de presse, il pointe du doigt plusieurs responsables et cite notamment deux fonctionnaires français, donnant même le numéro de téléphone de l’un d’entre eux et son matricule. Dans des tweets des 11 et 13 juin – qui semblent avoir été supprimés – il dénonce également l’implication de ces deux personnes dans les violences au Sénégal, souligne Europe 1.

Une source diplomatique confirme au Parisien que le ministère a « procédé aux signalements qui s’imposaient auprès des autorités compétentes » après avoir « pris connaissance des accusations graves et infondées portées par M. Juan Branco, et de ses récentes publications divulguant des informations de nature professionnelle visant des agents français en poste au Sénégal. »

« La France porte plainte contre moi »

« La France porte plainte contre moi », a réagi Juan Branco ce mercredi dans un tweet. « Pourquoi ? Pour avoir révélé la commission de crimes contre l’humanité », écrit-il assurant que « les faits que nous avons révélés ont montré l’implication d’agents français dans l’organisation et l’exécution de la répression mise en œuvre par le régime de Macky Sall [président de la République du Sénégal] contre des manifestants démocratiques ».

D’après Europe 1, la plainte du ministère des Affaires étrangères a été déposée en application de l’article 40 du Code Pénal, selon lequel « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République ».

Le ministère assure suivre « avec attention » la situation de ses agents au Sénégal et prendre « toutes les mesures nécessaires pour assurer leur protection et le respect de leur intégrité. Partout où l’intégrité des agents est menacée ou attaquée à l’occasion ou en raison de leur fonction, le ministère des Affaires étrangères leur accorde la protection fonctionnelle », ajoute-t-on.