Pologne: la Convention européenne des droits de l’Homme, clairement « incompatible » avec sa Constitution

La Cour constitutionnelle polonaise moins accommodante que le Conseil constitutionnel en France

La Cour constitutionnelle polonaise a jugé une nouvelle fois que la Convention européenne des droits de l’Homme est en partie incompatible avec la Constitution du pays, lançant un nouveau défi à la justice européenne.

Le Figaro avec AFP
Mis à jour hier à 18:06

La Pologne reste ferme sur ses convictions face à la justice européenne.

SudOuest.fr avec AFP
Publié le 10/03/2022 à 18h14

Le Tribunal Constitutionnel du pays, une république parlementaire dénigrée par les gauches sans colonne vertébrale, n’est pas  » « nommé en majeure partie par le pouvoir nationaliste populiste polonais, » comme caricaturé par l’AFP, dont les organes de presse ne vérifient pas les assertions (malveillantes) et que les fact checkers ne désintoxent pas.

Les 15 membres du tribunal constitutionnel sont élus individuellement par la Diète (chambre basse) pour un mandat unique non renouvelable de neuf ans parmi les personnes ayant une expérience et d’excellentes connaissances juridiques. En France, Macron a nommé une ex-professeure d’histoire-géographie, Jacqueline Gourault (MoDem), ci-dessous, au Conseil constitutionnel, malgré un vote défavorable de la commission des Lois du Sénat où elle recueillit 12 voix pour et 16 contre: ce n’est pas une juriste. Mais les avis de la CEDH s’imposeraient aux sénateurs élus.

Le Tribunal Constitutionnel de Pologne a remis en question la compatibilité à la loi suprême de l’article 6 de la Convention qui assure à toute personne le droit à un jugement équitable, par un tribunal indépendant et impartial. A voir…

La Pologne refuse la suprémacie européenne en matière de droits de l’Homme

L’hypothèse d’une sortie de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a été formulée de la manière la plus claire. Si Nicolas Sarkozy et Alain Juppé ont clairement pris leurs distances vis-à-vis de certains arrêts de la Cour, c’est sans doute François Fillon qui a été le plus radical, estimant qu’il faut que « la CEDH soit réformée pour qu’elle ne puisse pas intervenir sur des sujets qui sont des sujets essentiels, fondamentaux pour des sociétés » et se disant même prêt à la rupture : « S’il y a un refus de nos partenaires européens d’accepter cette réforme de la CEDH, alors, oui, je propose qu’on en sorte. »

Le Royaume-Uni l’a dénoncée et rejetée lors du Brexit et les partisans du « Frexit » multiplient les remises en cause françaises du droit européen des droits de l’homme. Certaines émanent de personnalités politiques de premier plan, témoignant d’une légitimité politique inédite de la possibilité d’une dénonciation de la Convention européenne des droits de l’homme. D’autres, plus discrètes, prennent la forme d’initiatives législatives attestant également du crédit croissant d’une rhétorique juridique-souverainiste. La montée en puissance de cette hypothèse d’un « Frexit » des droits de l’homme mérite d’être interrogée, pour elle-même mais aussi parce qu’elle repose sur l’instrumentalisation de certaines affaires européennes et qu’elle est lourde d’enjeux, juridiques mais aussi politiques.

Le tribunal constitutionnel polonais, à Varsovie

Jeter la pierre à la Pologne est injuste. A la différence de la France, la Pologne met ses actes en adéquation avec ses convictions et le tribunal constitutionnel a ainsi opposé un refus à la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) le droit de « contrôler la compatibilité avec la Convention des lois relatives à l’organisation du pouvoir judiciaire ». Il s’oppose aussi à la loi fixant l’organisation, les procédures et le mode d’élection des membres du Conseil national de la magistrature, un organe clé du système juridique polonais.

Une justice partiale ?

En novembre, la Cour constitutionnelle polonaise avait déjà rejeté un arrêt de la CEDH, qui remettait en cause la légalité de la nomination de juges à ladite Cour constitutionnelle. Supranationale et illégitime, la CEDH a pris récemment l’initiative de prononcer plusieurs jugements critiques relatifs à la réforme controversée du système judiciaire polonais, qu’elle accuse de saper l’indépendance de la justice.

La CEDH s’est notamment prononcée contre une « chambre disciplinaire » pour les juges polonais, créée par le gouvernement de Varsovie classé « conservateur populiste » par la gauche. Elle ne serait pas un « tribunal indépendant et impartial établi par la loi au sens de la Convention européenne » des droits de l’Homme, selon l’institution. C’est comme si la charia s’imposait au droit français… Le droit d’un accusé d’avoir un procès équitable serait violé, estime cette « ONG » juridique.

Bras de fer

Partiale et corrompue

Le gouvernement polonais, qui a pris des engagements auprès de ses électeurs, fait valoir souverainement que ses réformes sont nécessaires pour combattre la corruption des juges, critiquant les « interférences » de Bruxelles. L’UE, en tout cas la CEDH, estime que ces réformes nuisent à l’indépendance de la justice et à la démocratie.

Dans une décision qui a fait du bruit dans l’UE, la Cour constitutionnelle polonaise avait déjà dénoncé la primauté du droit européen sur le droit polonais, provoquant un bras de fer avec Bruxelles qui a bloqué l’approbation du plan de relance économique de Varsovie.