10 des mesures de la loi contre les séparatismes

Polygamie, subventions aux associations, aide aux devoirs, certificats de virginité, etc…

Présentée par le gouvernement le 9 décembre 2020, la loi « confortant les principes républicains » veut lutter contre les séparatismes, quels qu’ils soient, sans exclusive, donc islamiste aussi. Philippe Gaudin, auteur de « Tempête sur la laïcité », évalue la possibilité de l’efficacité de ce texte de loi.

Lutter contre le séparatisme, renforcer la laïcité, conforter les principes républicains … Après plusieurs changements d’intitulé, le projet de loi du gouvernement affiche 57 articles pour resouder la société française autour de ses valeurs. Mais sont-ils tous réalistes ou pertinents ?

Marianne a passé au crible 10 mesures soumises à l’analyse de Philippe Gaudin, directeur de l’Institut européen en sciences des religions (IESR, 2002) l’un des quatre instituts de l’Ecole pratique des hautes études (EPHE), à la suite des recommandations du rapport du philosophe et médiologue Régis Debray sur « l’enseignement du fait religieux dans l’école laïque ».et auteur Tempête sur la laïcité, Comment réconcilier la France avec elle-même (éditions Robert Laffont).

  • L’inscription automatique au Fichier des auteurs d’infraction terroriste (Fijait) de toutes les personnes condamnées pour provocation ou apologie d’actes de terrorisme

Ce dossier liste toutes les personnes reconnues coupables d’actions terroristes. Les auteurs doivent notamment se présenter aux autorités tous les 3 mois, justifier leur adresse et prévenir en cas de déplacement hors de France.

Désormais, tous ceux qui seront condamnés pour provocation ou apologie du terrorisme seront de facto intégrés à cette liste. Le gouvernement souhaite ainsi limiter les appels à la haine et à la violence en serrant la vis au plan de la sanction.

Une proposition qui risque de « verser dans la surréaction » juge Philippe Gaudin. Et cet intellectuel, défenseur classique des agresseurs contre les victimes, d’ajouter: « Ces propos sont déjà sanctionnés par la loi. Avec une telle mesure on risque de sanctionner encore plus sérieusement des gamins irresponsables ou alcoolisés, une inflation des signalements risque de nous rendre ridicule. » (sic)

  • L’extension de l’obligation de neutralité à tous les opérateurs de services publics, notamment dans le domaine des transports

Afin de s’assurer du respect de la laïcité au sein des services publics, le gouvernement souhaite étendre l’obligation de neutralité à tous les opérateurs de service public. Il s’agit d’organismes distincts de l’État, publics ou privés, qui sont dépositaires d’une mission de service public. Dans le viseur, des entreprises de sous-traitants employées par la RATP et ADP (Aéroports de Paris). Jusqu’à présent, ils n’étaient pas concernés par cette neutralité.

« Une notion de bon sens, déjà entérinée par la jurisprudence » banalise Philippe Gaudin. « La neutralité ne demande pas d’abandonner ses convictions religieuses mais de ne pas les afficher dans le cadre de fonctions de service public. On clarifie les choses », raille le spécialiste.

  • La création d’un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui par la diffusion d’informations « permettant de l’identifier ou de la localiser »

Avec cette disposition, il serait possible de sanctionner un individu qui diffuse des informations personnelles sur une personne, pour la mettre en danger. Le délit de « mise en danger de la vie d’autrui » existe déjà, le gouvernement souhaite désormais l’étendre dans les cas de diffusion d’informations personnelles. On pense aux policiers visés par des anti-flics.

Cette disposition vise à empêcher les dénonciations en ligne qui peuvent amener à des tragédies, comme l’assassinat de Samuel Paty : l’enseignant avait été désigné par des parents d’elèves islamistes – soutenus par la FCPE – sur les réseaux sociaux, son nom et son lieu de travail communiqués par plusieurs collégiens, des mineurs de 16 ans protégés par le Code pénal.

Comme une large portion de la gauche, Philippe Gaudin conclut qu’il s’agit surtout « d’adapter notre droit ». « C’est une très bonne idée, le monde a été bouleversé par les nouvelles technologies et les réseaux sociaux, c’est une sorte de far west, la loi doit protéger la liberté ».

  • La création d’un contrat par lequel les associations qui solliciteront des subventions publiques devront s’engager à « respecter des principes et valeurs de la République », notamment l’égalité entre les femmes et les hommes, la fraternité ou le rejet de la haine

L’Etat souhaite désormais conditionner les subventions publiques accordées aux associations en fonction du respect des « valeurs de la République ».

Un moyen de s’assurer que les principes républicains, comme l’égalité hommes-femmes, sont respectés et que l’argent public ne finance pas ceux qui y contreviennent.

Une idée « baroque et improductive » , assène Philippe Gaudin. « Il n’existe pas dans notre constitution une liste de valeurs. Nous disposons toutefois de lois qu’il faut simplement faire connaître et respecter, demander d’approuver des valeurs me semble loufoque. Et de soutenir : Je trouve cette mesure très floue et cela risque de laisser penser que la laïcité est une idéologie qui s’impose à tous et non un cadre qui permet la plus grande diversité possible, à condition qu’elle respecte ce cadre ». Et ce cadre, est-il clair pour tous ou flou ?

  • Des mesures de répression contre la polygamie (qui devient un motif de refus de titre de séjour), les certificats de virginité ou les mariages forcés

Le gouvernement souhaite s’attaquer à la polygamie, déjà interdite par la loi, notamment en généralisant le non-renouvellement de titres de séjours professionnels et étudiants. Les mariages forcés seront plus contrôlés par les… ONG qui pourront « alerter les officiers d’état civil lorsqu’elles ont connaissance de mariages forcés sur le point de se contracter » a expliqué Marlène Schiappa. Enfin, les certificats de virginité seront interdits. Certaines familles demandent aux jeunes filles de justifier de leur virginité avant un mariage.

Victimisation

« Je suis totalement pour cette mesure en ce qui concerne la polygamie qui est interdite en France », considère Philippe Gaudin. Pour l’interdiction des certificats de virginité « spontanément, c’est très bien, mais beaucoup expliquent que si le médecin n’en fait plus, une autre personne (qui?) le fera. Et de balayer à nouveau cette proposition d’un revers de main: J’ai un doute sur l’efficacité de cette mesure, il faudrait plutôt mettre l’accent sur l’éducation à ces thématiques dans tous les hôpitaux de quartier. Nous avons besoin d’un effort sur l’éducation à la sexualité et à la défense des femmes, comme le fait Ghada Hatem [une gynécologue-obstétricienne franco-libanaise, apparentée à Gaspard Gantzer] à la Maison des femmes de l’Hôpital Delafontaine à St Denis », comme Mathias Wargon.

  • L’interdiction, sauf exception, de l’instruction à domicile pour les enfants de 3 à 16 ans, tous devant bénéficier d’un identifiant national

En France, c’est l’instruction qui est obligatoire et non la présence dans un établissement scolaire. Le gouvernement souhaite mettre fin à cette distinction en obligeant les enfants scolarisés à domicile de se rendre à l’école.

Cette mesure vise à remettre dans le giron de l’Etat les quelque 4.000 à 5.000 enfants (d’après les estimations de l’Education Nationale) qui, sous couvert de scolarisation à domicile, recevraient une instruction confessionnelle (musulmane, mais aussi catholique, dans des proportions moindres: les plus nombreux sont athées ou lubres-penseurs), en opposition aux valeurs de la république.

Pour Philippe Gaudin : « La liberté d’instruction est une liberté fondamentale qui autorise les parents à éduquer leurs enfants comme ils le souhaitent. Le vrai [le seul?] problème, c’est le contrôle: il devrait être beaucoup plus restrictif. Ce qui est compliqué, c’est de venir dans des territoires enclavés [zones de non droit] pour contrôler ce qu’il s’y passe, pour certains endroits. Déjà aujourd’hui la tâche des inspecteurs est quasiment impossible ». Renoncement ou parti-pris de gauche?

  • Un contrôle renforcé sur les établissements scolaires hors contrat

La disposition phare de cet article est la possibilité de demander la fermeture administrative d’une école hors contrat qui se rendrait coupable de manquements graves et réitérés. Ces établissements gèrent l’instruction de manière autonome, sans avoir à suivre les programmes officiels. Ils sont toutefois contrôlés pour des questions de salubrité et d’hygiène.

Le gouvernement s’inquiète de la part d’établissements hors contrats confessionnels. On compte 1.571 écoles hors contrat de ce type en France, dont 30 % sont des écoles confessionnelles, d’après la Fondation pour l’école. Motus sur les écoles coraniques…

Pour débusquer ces « manquements graves et réitérés », Philippe Gaudin considère qu’il sera compliqué « d’exercer une police idéologique dans les établissements », oppose Gaudin. « Il existe déjà des critères existants sur la qualification des professeurs, le matériel et le fait que l’école prodigue une instruction de qualité qui permet de passer les examens. Si la qualité de l’enseignement ne permet pas aux élèves d’obtenir leurs diplômes, on peut déjà fermer boutique. Si l’on s’occupe déjà de faire appliquer ces dispositions ce sera un grand pas en avant mais cela suppose courage et volonté », affirme-t-il, rejetant à nouveau le texte.

  • La modification du régime des associations de loi 1901, dans un sens plus contraignant, visant à inciter les associations musulmanes à passer sous le régime des associations cultuelles loi 1905 comme leurs homologues catholiques, protestantes ou juives

Aujourd’hui, deux lois peuvent encadrer les associations. Celle de 1901 et de 1905. La première avait vocation à organiser les associations culturelles, tandis que la seconde s’adressait aux associations cultuelles, faisant suite à la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Problème, un certain nombre d’associations cultuelles sont sous le régime de la loi de 1901 en se faisant passer pour des regroupements culturels. Selon les autorités, plus de 90 %… des mosquées dépendent de la loi de 1901. Ce dernier chiffre est un scandale, mais Philippe Gaudin est-il un laïc sincère ou partisan?

Lors de son discours du 2 octobre, Macron a affirmé que « nombre d’associations proposant des activités sportives, culturelles, artistiques, linguistiques ou autres, qui ont pour raison d’être l’accompagnement des plus ou l’aide alimentaire, déploient en réalité des stratégies assumées d’endoctrinement ». L’objectif est de pousser les associations loi 1901, qui sont en réalité des associations cultuelles, dans le cadre de la loi de 1905. Ainsi, ils devront se passer de financements publics alloués aux associations de loi 1901.

« Cette mesure oblige une clarification de la situation des associations » explique Philippe Gaudin. « Il existe des associations musulmanes qui peuvent aider à l’alphabétisation des enfants alors qu’elles sont aussi des mosquées et mélangent tous les plans. Si la municipalité ne le sait pas, elle peut la financer sans s’en rendre compte ».

  • Des contrôles plus stricts sur les flux financiers venus de l’étranger vers les associations religieuses

Le gouvernement compte imposer un régime déclaratif de ressources pour tous les dons étrangers qui dépassent les 10 000 euros. On parle également d’un dispositif « anti-putsch » qui permettrait d’éviter la prise de pouvoir d’une mosquée par des extrémistes. Une solution pour éviter que des lieux de cultes sur le territoire français ne se transforment en officine étrangère.

Une mesure « pas inutile » pour le directeur de l’IESR « ça pourra permettre d’être plus attentifs sur qui finance quoi ». Il y voit toutefois un « effet de manche ou d’affichage » car « celui qui finance n’a pas toujours un pouvoir direct d’influence, bien que cela mérite une attention particulière ». « La tonalité d’une mosquée dépend surtout de la formation et de la théologie de ses responsables qui peuvent être tout à fait français ». En ce qui concerne les mesures « anti-putsch », « compte tenu des enjeux géopolitiques ça n’est pas idiot » estime le spécialiste.

  • Le durcissement des peines en cas de provocation à la haine ou à la violence commise dans un lieu de culte

Cette disposition compte porter à 7 ans de prison la peine encourue en cas de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence commise dans un lieu de culte. Une volonté de limiter les appels à la haine, notamment dans les mosquées où certains prêches de haine, partagés sur les réseaux sociaux, ont suscité l’émoi.

« Je ne vois aucun problème à ce qu’on durcisse ces peines quand il y a des délits avérés mais on ne peut transformer la société en une chasse aux propos déviants, c’est totalement irréalisable » nuance Philippe Gaudin. « Toute mesure difficilement applicable n’est pas une bonne mesure, bien que l’intention de ce projet de loi soit globalement saine, on sent un souci d’immédiateté et un effet d’affichage de la part du gouvernement. Le quatrième pilier du discours des Mureaux (favoriser l’émergence d’un islam de/en France en accord avec notre laïcité) et la question de la formation des cadres musulmans en France sont le vrai sujet de fond, mais ils ne relèvent pas de ce projet de loi » conclut-il.

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