JO. 2024 de Paris: soupçons de prises d’intérêts et favoritisme sur le Comité olympique

Des perquisitions sur plusieurs sites, Solideo et le COJO, ce jour

Une perquisition en cours au comité d'organisation des JO-Paris 2024.

A 14 mois des Jeux olympiques de Paris 2024, une perquisition est en cours au siège du comité d’organisation (Cojo) à… Saint-Denis, commune dite défavorisée, comme la Seine-Saint-Denis, département geignard et mendiant, près de Paris, a indiqué mardi le Cojo, sans préciser sur quoi porte l’enquête.

Des perquisitions sont en cours mardi matin sur plusieurs sites, notamment au siège du Comité d’organisation (Cojo) des Jeux-2024 de Paris et à la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), a indiqué le Parquet National Financier (PNF).

Le ministère public a précisé que ces perquisitions sont réalisées dans le cadre de deux enquêtes préliminaires ouvertes respectivement en 2017 et 2022, sur des soupçons de prise illégale d’intérêts et de favoritisme. Elles concernent toutes deux des marchés attribués dans le cadre de l’organisation des Jeux olympiques.

Le Cojo fait savoir qu’il « collabore pleinement avec les enquêteurs ». Ces perquisitions sont menées par l’OCLCIFF (Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales) et la BRDE, brigade financière de la police judiciaire parisienne, a-t-on appris de même source.

La procédure générale relative aux achats « imprécise et incomplète »

Le Cojo est constitué sous forme d’une association loi 1901. La Cour des comptes suit de près son activité et doit publier un rapport très prochainement. En avril 2021, deux rapports de l’Agence française anti-corruption (AFA) sur l’organisation des JO, pointaient des « risques d’atteintes à la probité » et de « conflits d’intérêts », ternissant l’image des JO voulus « exemplaires » par le patron du Comité d’organisation, Tony Estanguet.

Ces deux rapports initiaux livrés début 2021, dont le Canard Enchaîné avait déjà évoqué la teneur il y a près d’un mois, sont consacrés au Comité d’organisation (Cojo) lui-même et à la Solideo, la société publique chargée de la construction (?) des différents sites pour les Jeux. Les inspecteurs de l’AFA ont estimé que la procédure générale relative aux achats est « imprécise et incomplète », et soulignent qu’il existe « parfois des situations de potentiels conflits d’intérêts non maîtrisés ».

JO 2024: la Seine-Saint-Denis, prête à glisser entre les doigts du Comité

« On ne sera pas la variable d’ajustement de Paris 2024 », menacent les élus

Plusieurs responsables politiques du département craignent que la Seine-Saint-Denis soit la grande perdante des économies bientôt décidées par le comité d’organisation. Il y a quelqes jours, l’Equipe rendait publics les possibles changements de locations pour certaines épreuves de Paris 2024. La Seine-St-Denis, qui devaient être au centre de ces Jeux, pourraient être la grande perdante. Les élus du 9.3 préparent une contre-offensive médiatique.

Un coup de pression comme on les aime. Quelques jours après avoir été stupéfaits à la lecture de L’Equipe, les élus de Seine Saint-Denis ont organisé leur contre-offensive médiatique jeudi juste à côté du Stade de France pour peser dans le débat, alors que le comité d’organisation des JO 2024 (Cojo) doit se réunir dans les prochains jours pour trancher dans le vif. Rattrapé par la crise du Covid et la chute anticipée des recettes de parrainage, Paris 2014 cherche à réduire les dépenses. 10 % de budget en moins, soit 400 millions à récupérer dans toutes les recoins.

Mais le 93 s’accroche à la natation comme la moule au rocher

Les premières fuites semblent vraisemblables. Foncièrement victimaire, le 93 avance des craintes de trinquer plus que les autres, alors que c’est en vendant la transformation accélérée de ce territoire populaire grâce aux Jeux que Paris a décroché le gros lot, devant Los Angeles. Stéphane Troussel, le président du Conseil départemental, a une grosse pratique du chantage et fait tout pour obtenir le maximum sans trop débourser : « Ça fait plusieurs mois qu’on nous joue cette petite musique désagréable des économies à réaliser en Seine Saint-Denis. On comprend bien le contexte, mais notre département ne doit pas être un alibi au moment de la candidature pour devenir la variable d’ajustement du projet ensuite. Il y a des lignes rouges qui ne doivent pas être franchies », assure le complotiste.

Une crainte singulière surnage dans cet océan de paranoïa.

Celle de voir les épreuves de natation, le traditionnel temps fort de la première semaine, déménager dans les Hauts de Seine (à l’Arena de Nanterre), pour faire l’économie du bassin démontable chiffré à 200 millions environ dans le cahier des charges. « Ce n’est pas une petite affaire que de perdre la natation, déplore Mathieu Hanotin, le nouveau maire, PS, de Saint-Denis et successeur d’un communiste. Quoi de mieux que d’avoir les épreuves les plus prestigieuses ici pour attirer les investisseurs ? On nous parle d’escalade en échange, mais même si je ne veux offenser personne, l’attractivité n’est pas la même entre les deux épreuves. Ce n’est pas le premier mouvement de revoyure qu’il y a eu. Alors non, on n’est pas contents ».

« Heureusement qu’ils ne peuvent pas déplacer le Stade de France »

Novembre 2015…

L’élu socialiste fait référence aux concessions déjà opérées en 2018 avec la perte, entre autres, du badminton, et la révision à la baisse des ambitions pour le « cluster » des media au Bourget (transformé ensuite en logements pour les habitants), qui risque aussi de perdre le volley, pressenti pour atterrir… à Lille, par une gymnastique visiblement très souple. En effet, les lignes 16 et 17 du métro qui doivent relier Paris au Bourget ne seront pas terminées à temps. Une perspective qui échauffe prodigieusement Stéphane Troussel, lequel en appelle à Jean Castex, l’ancien délégué interministériel aux Jeux Olympiques et Paralympiques pour défendre sa part du gâteau :

« Le gouvernement vient d’annoncer un plan de relance de 100 milliards d’euros. Il me semble qu’il y a là des possibilités pour accompagner la transformation de la Seine Saint-Denis. Ainsi relance–t-il le chantage social… Je sais ce que sont les promesses en l’air. Et ainsi reprend-il  le couplet de la paranoïa… Je rappelle que le problème de la piscine olympique devrait être réglé depuis longtemps. Ce qui ressemble fort à son refrain victimaire… On avait promis qu’elle serait construite à Aubervilliers que Paris obtienne, ou pas, les JO 2012. On attend toujours ». Le beurre et l’argent du beurre, c’est un droit.

Le 93 a reçu le Stade de France en cadeau d’Edouard Balladur, alors premier ministre et, en primes, la création de deux stations de RER, la couverture de l’autoroute A1 et la naissance d’un nouveau quartier d’affaires.

La paire Troussel-Hanotin ne dit pas tout. Sollicité par l’Equipe, le Cojo maintient que le 93 restera « le territoire qui accueille le symbole de… l’universalisme (!) des Jeux, le village olympique, et le premier sport, l’athlétisme, pour 985 millions d’euros sur le 1,3 milliard investi par l’Etat, via la Solideo (société de livraison des ouvrages olympiques) ». Une mise au point qui attire une plaisanterie grinçante de l’ingrat Mathieu Hanotin : « Pour la blague, je dis souvent « heureusement qu’ils ne peuvent pas déplacer le Stade de France » ». Sous-entendu ? Sinon l’athlétisme se ferait la malle aussi, comme la cérémonie d’ouverture, dont il se murmure qu’elle pourrait « casser les codes » et ne pas avoir lieu dans le stade des champions du monde 98. Cela commencerait à faire beaucoup.

Et l’insécurité dans le 93 n’est que fantasme…