Redon: offensive judiciaire de défenseurs des fêtes sauvages

Les anarchistes du teknival de Redon comptent sur leurs alliés de la justice

Une rave party a eu lieu à Redon le 19 juin. Des affrontements ont eu lieu entre les forces de l'ordre et les fêtards, entraînant des blessés chez les gendarmes. Un jeune homme de 22 ans a eu une main arrachée.

Suite à l’intervention des forces de l’ordre face aux fêtards libertaires qui souhaitaient investir l’hippodrome de Redon le 18 juin dernier, des participants et associations du monde des free parties annoncent que des plaintes ont été ou vont être déposées devant plusieurs juridictions.

Une rave party a eu lieu à Redon le 19 juin. Des affrontements ont eu lieu entre les forces de l’ordre et les fêtards, entraînant des blessés chez les gendarmes et une main de provocateur arrachée. 

Les amateurs de musique techno et de free party ont décidé d’organiser une riposte, deux semaines après l’intervention des forces de l’ordre contre un teknival organisé à Redon, au cours de laquelle un jeune homme avait eu la main arrachée et du matériel avait été détruit.

La coordination nationale des sons qui se présente comme un rassemblement de sound-system annonce des événements festifs pendant l’été mais également des recours légaux, précisés dans un communiqué publié mardi 6 juillet.

« Concernant la destruction illégale du matériel par les forces de l’ordre, plusieurs dizaines de plaintes seront déposées, que ce soit par les artistes qui ont vu leurs instruments de musique détruits, par les propriétaires de matériel de sonorisation qui ont acquis ce matériel avec leurs économies pour offrir gratuitement des concerts à la jeunesse ou par les loueurs, pour qui la « neutralisation » du matériel engendre des difficultés économiques pour leurs entreprises » détaille le communiqué.

Le communiqué annonce aussi qu’une plainte devant la Cour européenne des Droits de l’Homme est en cours de préparation et que « l’association Freeform a saisi l’IGGN (Inspection Générale de la Gendarmerie Nationale) concernant la destruction du matériel, avec pour objectif une saisine de l’IGA, et invite l’ensemble des participant.es de la fête de Redon à faire de même concernant l’usage disproportionné de la violence par les gendarmes dont ils et elles ont été victimes ou témoins. »

Nouveaux témoignages

Le collectif indique aussi avoir pu consulter « deux témoignages de personnes ayant assisté à la scène de la main arrachée. Toute deux affirment clairement avoir vu la grenade atterrir et exploser au niveau de la main du blessé, apportant ainsi la preuve que la mutilation était le fait d’une grenade lancée par les gendarmes en pleine nuit. Ces témoignages seront transmis au procureur de la République en charge de l’enquête. » 

Le Procureur de la République de Rennes indique ce soir ne pas avoir reçu de plaintes de collectifs ou de teufeurs. Philippe Astruc ajoute que « les différentes enquêtes ouvertes à la suite de ces faits progressent de manière méthodique notamment celle concernant les graves blessures à la main d’un jeune homme » et invite « toute personne qui s’estime victime de ces faits à un titre ou un autre à se faire connaître auprès des deux services en charge des enquêtes (section de recherche de Rennes et brigade de recherche de Redon) ou auprès du Procureur de la République. »

Réunion interministérielle

Par ailleurs, la coordination nationale des sons annonce qu’une réunion interministérielle se tiendra mercredi 7 juillet sous l’égide de l’Elysée et à la demande de Technopol. « Elle accueillera une délégation composée de la Coordination Nationale des Sons et de Techno +, aux côtés de Technopol et de Freeform. Cette délégation sera présente pour porter des revendications claires. »

Parmi elles : la suppression de l’amendement Mariani qui établit un régime d’exception des rave party par rapport aux autres événements festifs et culturels, la reconnaissance des pratiques culturelles amateurs ou l’arrêt des saisies illégales.

Le gouvernement est débordé par les ‘rave parties’

Plusieurs festivals savages en Seine-Maritime.

Depuis plusieurs semaines, les forces de l’ordre du département interviennent chaque week-end sur des free parties.

A la rave party sauvage de Nevers (elles doivent pourtant être déclarées et autorisées), à la mi-juillet, les teufeurs étaient encore nombreux le lundi

Dans des lieux reculés, telle la forêt domaniale de Beauvoir-en-Lyons (vaste hêtraie en zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique), dans le pays de Bray, que les écologistes ne protègent pas, au lieu-dit Le-Catelier, entre le samedi 8 août et le dimanche 9 août 2020, ces fêtes non déclarées rassemblent des jeunes autour de la techno. Elles sont décriées par certains en cette période de crise sanitaire, mais aussi à cause des nuisances sonores qu’elles engendrent. Cependant, elles ne peuvent pas, selon Grégory et Sarah habitués de ces soirées, « être cantonnées à un phénomène nouveau lié au Covid : c’est un vrai mouvement culturel qui date ». Les deux Normands insistent : « Les teufeurs ne sont pas des inconscients, les organisateurs ne sont pas des fous, » assurent-ils.

Association normande de prévention et de réduction des risques et des dommages en milieu festif, Prév’en Teuf et ses membres interviennent « à 90 % sur des événements techno comme des free ou des rave parties ». Grégory fait partie des membres fondateurs et soutient le mouvement des free parties « depuis ses débuts dans les années 1990 ». Sarah, « teufeuse assumée », est originaire de Rouen, à 24 ans cette étudiante partage sa vie entre la Normandie et Paris.

C’est l’idéal quand on aime la techno comme moi et les fêtes. Chaque semaine, je n’ai aucun problème pour aller à une free party que ce soit près de Rouen ou sur Paris. Je ne cherche pas vraiment, le bouche-à-oreille fonctionne très bien. Pour ma première free sur Paris, un ami m’avait filé un flyer avec un numéro de boîte vocale à appeler juste avant pour connaître le lieu. Maintenant je suis avertie par SMS. 

Pas d’appels sur les réseaux sociaux, « le but c’est évidemment pas d’être repérés avant d’arriver ». Grégory précise effectivement : « Contrairement à une rave party, une free party n’est pas déclarée. Elle rassemble en général une centaine de personnes. Les organisateurs installent le matériel (sound system) dans un endroit voulu à l’écart de la population sur un terrain privé souvent dans des zones forestières. La free party en général ne dure que quelques heures. »

Et Sarah d’ajouter : « C’est la différence majeure avec une rave déclarée qui peut aller jusqu’à plusieurs jours sur un site. Il est plutôt fréquent que les free parties soient stoppées par l’intervention des gendarmes. » Ces derniers sont appelés « le plus souvent par des riverains qui entendent la musique ou par le proprio du terrain ».

Grégory rappelle que « la free party en France, c’est loin d’être nouveau. Il y a eu la loi concernant la confiscation du matériel des organisateurs alors le mouvement s’est adapté face à la répression, mais il y a toujours eu des free parties ou des raves en Normandie. C’est avant tout un vrai mouvement culturel, selon moi. »

Pour Sarah, « avec la Covid, on est en manque de fêtes et évidemment tous les festivals ont été annulés. C’est normal que ça se développe. On a tous besoin d’aller se défouler ». Et la jeune femme d’insister : « Evidemment, les media évoquent des rassemblements énormes comme en Lozère, le week-end dernier, mais, moi, là où je vais, on n’est pas plus de 200 à chaque fois. » 

« Quand on me dit qu’on prend des risques par rapport à la Covid, je réponds que tous les jours j’ai des exemples à Paris d’endroits où il y a bien plus qu’une centaine de personnes rassemblées et qui ne portent pas de masques, sourit la jeune femme qui ne voit pas de danger à multiplier les prises de risques. Récemment je suis allée me baigner en Seine-Maritime ; franchement à la plage, il n’y a pas de risques ? »

« L’autogestion force à prendre soin de l’autre » 

Aucun des deux ne nie l’usage des stupéfiants dans les free parties. Grégory banalise le risque de contamination en free party. Il les minore puisqu’il assure la prévention sur site et vend ses prestations. Son argument massue consiste à affirmer que c’est pire ailleurs. « Ce qui peut paraître choquant, c’est que la vente et la consommation ne sont pas cachées sur les free parties. Mais, selon moi, la stigmatisation doit s’arrêter. Parce que dans les clubs, bars ou boîtes, c’est la même chose, sauf que par peur de répression, on se cache. Ce n’est pas parce que les free parties ne sont pas déclarées qu’elles ne sont pas très codées. Les teufeurs ne sont pas des inconscients et les organisateurs ne sont pas des fous. Equipe mobile d’intervention en milieu festif basée à Mulhouse, Prév’en Teuf n’est pas la seule association qui répond à leur demande [pub autorisée] quand une free party s’organise. L’autogestion force à prendre soin de l’autre ». Contrairement à ce qu’en pense le Haut-Conseil à la Santé Publique, le port du masque n’est donc pas le meilleur moyen de « prendre soin de l’autre »… Les media véhiculent ce message. C’est en pure perte que le HCSP recommande le port « systématique » d’un masque, « de préférence en tissu réutilisable », dans « tous les lieux clos publics et privés collectifs » pour lutter contre la Covid-19.

Sarah ne révèle pas si elle se rendra à une nouvelle free party ce week-end. L’effet de surprise doit rester entier. Pour Grégory : « Covid ou non, le mouvement Spiral Tribe (un sound system techno originaire de Londres, à l’origine du mouvement free party en Europe) ne va pas s’éteindre, ça, j’en suis certain. » 

Les risques légaux liés à l’organisation d’une free party?
Tapage nocturne, défaut de stationnement, détérioration de biens, abandon de déchets, facilitation d’usages de stupéfiants, mises en danger de la vie d’autrui, agression sonore : les risques encourus par les organisateurs des free parties sont nombreux et dépendent avant tout du nombre de personnes présentes. L’association Freeform, qui « intervient sur l’ensemble du territoire national auprès de jeunes souhaitant s’investir dans une pratique artistique, notamment dans le champ des musiques électroniques », a dressé plusieurs fiches sur son site indiquant ce que les organisateurs encourent.