Vers un Parlement ou une patrouille des castors ?

Vers une nouvelle assemblée introuvable de haineux destructeurs

On peut s’attendre à une participation record de la population aux élections législatives, les 30 juin et 7 juillet prochains. D’aucuns pourraient y voir le triomphe de la démocratie. C’est un leurre, juge Julien Aubert, vice-président du parti LR.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la participation électorale ne dit pas grand-chose de l’état d’esprit des citoyens. La preuve en est que seule une minorité d’électeurs ira voter le cœur léger et l’esprit enthousiaste pour le candidat de son choix. Le reste ira voter la boule au ventre quant au résultat attendu.

Dit autrement, ce vote massif ne permettra pas de faire dire au peuple à qui il souhaite confier les destinées du pays, mais plutôt à qui il ne voudra surtout pas s’en remettre. Il ne s’agira pas de faire échoir, mais de faire échouer.

Ce faisant, 2024 portera au pinacle la logique née le 21 avril 2002 : faire barrage. Combien de fois ai-je entendu d’électeurs me dire : « On ne vote plus pour désormais un candidat, mais contre ! ». Cet état de fait ne peut pas décemment leur être reproché. On ne peut pas décemment parler d’idées et de programmes dans une élection qui se joue en quinze jours. Merci président.

Dans quelques jours, tout sera donc combinaison de vote utile et de répulsion, une suite de stratégies électorales défensives. Il y aura donc ceux qui iront voter pour n’importe quel candidat central afin de faire barrage aux extrêmes, qu’ils estiment démagogiques (LFI et RN). Il y aura ceux qui iront voter RN ou LR Ciotti pour faire barrage à l’extrême gauche antisémite et au macronisme déliquescent.

Dans la nature, la construction de barrages est une activité propre aux castors. En juillet prochain, nous aurons des castors du centre, de gauche et de droite élus sur leur capacité à faire obstacle à l’autre et à bâtir des digues infranchissables. Néanmoins, les grands perdants seront la diversité politique et la nuance. Or, le castor – le vrai – érige des digues pour protéger les zones humides et contribue ainsi à la diversité des habitats.

Il y a ceux qui iront plébisciter le Front Populaire pour faire obstacle à Macron et au Front national, l’ancienne dénomination du RN. Nous aurons des castors élus sur leur capacité à faire obstacle à l’autre et à bâtir des digues infranchissables. Néanmoins, les grands perdants seront la diversité politique et la nuance.

Ce Parlement compartimenté risque d’être prisonnier des barrières d’étanchéité que ses membres auront eux-mêmes érigées et sacralisées devant l’électeur. Ces députés ne viendront pas pour débattre mais pour se confronter, frontalement. On sera « front contre front » (populaire, national, que sais-je) à l’image de ces boxeurs qui se rapprochent dangereusement et se défient des yeux avant le ring. Ce sera un Parlement sans débat où la loi du nombre prévaudra, sans possibilité de fluidité ou de porosité. 

Le pragmatisme sera érigé en faiblesse car l’adversaire sera l’ennemi. Se parler deviendra une collaboration ou une traîtrise en puissance.

Un Parlement introuvable, divisé en trois blocs minoritaires et irréconciliables ?

Si chacun redoute la victoire de telle ou telle coalition, la pire des options serait un Parlement introuvable, divisé en trois blocs minoritaires et irréconciliables, ayant écrasé au surplus tous les petits acteurs ne se rattachant pas à leur logique.

Trop divisé pour régner, trop monolithique pour évoluer. Comment faire tomber un gouvernement minoritaire si personne n’accepte de se « compromettre » en votant une motion de censure ?

Les travées de l’Assemblée nationale se mueraient alors en tranchées, sans qu’une percée stratégique puisse être actée. Ce serait une « drôle de guerre » en attendant 2027, la vraie bataille finale.


Ce Parlement compartimenté risque d’être prisonnier des barrières d’étanchéité que ses membres auront eux-mêmes érigées et sacralisées devant l’électeur. Ces députés ne viendront pas pour débattre mais pour se confronter, frontalement. On sera « front contre front » (populaire, national, que sais-je) à l’image de ces boxeurs qui se rapprochent dangereusement et se défient des yeux avant le ring. Ce sera un Parlement sans débat où la loi du nombre prévaudra, sans possibilité de fluidité ou de porosité. Le pragmatisme sera érigé en faiblesse car l’adversaire sera l’ennemi. Se parler deviendra une collaboration ou une traîtrise en puissance.

Un Parlement introuvable, divisé en trois blocs minoritaires et irréconciliables ?

Si chacun redoute la victoire de telle ou telle coalition, la pire des options serait un Parlement introuvable, divisé en trois blocs minoritaires et irréconciliables, ayant écrasé au surplus tous les petits acteurs ne se rattachant pas à leur logique. Trop divisé pour régner, trop monolithique pour évoluer. Comment faire tomber un gouvernement minoritaire si personne n’accepte de se « compromettre » en votant une motion de censure ?

Les travées de l’Assemblée nationale se mueraient alors en tranchées, sans qu’une percée stratégique puisse être actée. Ce serait une « drôle de guerre » en attendant 2027, la vraie bataille finale.

Il sera alors temps de réfléchir comment on en est arrivés là, et se décider à faire l’inventaire de toutes les « fausses bonnes idées » qui ont circulé depuis 20 ans. On peut citer en premier lieu l’instauration du quinquennat (inventé pour empêcher… la cohabitation) ou encore le non-cumul des mandats (qui limitait par l’ancrage la vague nationale). Dieu merci, Macron n’a pas fait voter la proportionnelle : nous serions revenus en 1947. La force du scrutin majoritaire est de transformer une situation sociale bloquée en majorité politique.

Plus largement, il sera temps de se pencher sur la manière dont on a fourvoyé la démocratie depuis des lustres, en insistant sur la valeur des étiquettes plutôt que celle, intrinsèque, des individus. Il faudra également arrêter d’instrumentaliser le souvenir du nazisme pour regarder le monde tel qu’il est et juger qui aujourd’hui répond aux critères du fascisme, qui propage la haine et qui essentialise ou racialise les individus (selon moi : le wokisme).

Enfin, il faudra faire vivre la République, la vraie, en s’interrogeant avec gravité : comment une société démocratique peut-elle lutter contre une idéologie qui nie les valeurs qui lui permettent de fonctionner de manière pacifique ?