Assurance chômage : Attal confirme une réduction de la durée d’indemnisation

Une punition collective

Les conditions d’ouverture des droits seront durcies à partir de décembre prochain, frappant prioritairement les plus précaires, confirme le premier ministre dans la «Tribune dimanche». Ce qui va mécaniquement plafonner la durée d’indemnisation à quinze mois, contre dix-huit actuellement.

Pour révéler le contenu de la troisième réforme de l’assurance chômage de l’ère Macron, Gabriel Attal aura donc attendu l’ultime limite avant la période de réserve imposée par les élections européennes pour infliger son nouveau coup de bâton aux privés d’emploi à compter du mois de décembre prochain – quand entreront en vigueur les mesures prévues dans un décret qui sera, lui, publié le 1er juillet. Il n’y avait en fait plus grand-chose à révéler, les principaux éléments du projet ayant été dévoilés durant la semaine lorsque la ministre du Travail, Catherine Vautrin, recevait syndicats et patronat pour «des rendez-vous qui n’avai[ent] de concertation que le nom, puisque tout [était] décidé d’avance», selon la CGT.

Les titulaires d’un emploi qui se croient peut-être à l’abri des coups se trompent lourdement. Gabriel Attal, qui a fondé une bonne part de sa communication sur la défense supposée des «Français qui travaillent», opposés à ceux qui se la couleraient douce en touchant les allocations, se sont fait balader. Il le redit à la Tribune dimanche, expliquant : «Les Français nous demandent de valoriser encore plus le travail : c’est ce que nous faisons.» Les sereins et lui oublient juste un petit détail : les chômeurs de demain sont les salariés d’aujourd’hui. L’économiste Michaël Zemmour l’a d’ailleurs rappelé récemment en relevant que la moitié des salariés font, à un moment de leur parcours, l’expérience du chômage. C’est dire si elle est massive.

Il faut travailler 8 mois sur 20 pour ouvrir des droits

Alors, que va-t-il donc se passer pour celles et ceux qui passeront ou repasseront par une période de chômage à compter du 1er décembre prochain ? La partie la plus visible de la réforme consistera en un durcissement des conditions d’ouverture des droits. Encore ? Oui, encore. Souvenons-nous qu’il y a de cela cinq ans, il fallait avoir travaillé 4 mois, au cours des 28 derniers mois, pour ouvrir des droits. En 2021, le gouvernement avait relevé à 6 mois la période travaillée nécessaire, et rabaissé à 24 mois la période dite «de référence». Désormais, il faudra donc avoir travaillé 8 mois sur les 20 derniers pour ouvrir des droits.

Le profil des futures victimes est connu : il s’agira notamment des «primo inscrits» à France Travail, puisqu’on démarre bien souvent sa carrière par un CDD et que ceux de plus de 8 mois sont plus rares que ceux de 6 mois. Mais pas seulement : «Compte tenu du fait que la période d’accès à l’emploi stable ne cesse de s’allonger, cela touchera aussi des personnes qui alternent durablement emploi et chômage. Elles mettront plus longtemps à ouvrir des droits, mais aussi à les recharger», prévoit Claire Vivès, sociologue au centre d’études de l’emploi et du travail (CEET). Bref, «les plus touchés sont les plus précaires», résume-t-elle.

«Deuxième effet Kiss-Cool»

Et cette mesure en cache une autre, qui concerne vraiment tout le monde. Le Premier ministre assurait sur BFM TV, le 18 avril, qu’il ne voulait pas tant «faire bouger les règles pour celui qui a bossé toute sa vie» que s’en prendre aux «situations ou on voit qu’il y a un système qui s’est organisé pour des multiplications de petits contrats, des contrats courts, entre lesquels on bénéficie du chômage». Et pourtant, «celui qui a bossé toute sa vie» est également concerné, car ce changement des règles d’ouverture des droits aura des effets sur la durée d’indemnisation. En effet, comme la CFDT l’a relevé dès jeudi (son secrétaire national chargé du chômage, Olivier Guivarch, évoquant un «deuxième effet Kiss-Cool»), la réduction de la période de référence de 24 à 20 mois va mécaniquement plafonner la période de travail pris en compte à 20 mois aussi. Or, puisque la réforme de 2023 a introduit un coefficient réduisant la durée d’indemnisation, un salarié ayant travaillé 20 mois sur 20, qui aurait donc théoriquement droit à 20 mois d’indemnisation, verra cette durée réduite de 25 %. Ce qui correspond, in fine, à quinze mois, un nouveau plafond donc.

Le gouvernement pourrait, s’il le voulait, éviter cet effet de bord. Mais il ne le veut pas. D’une formule très macronienne, Gabriel Attal l’«assume», en promettant que «dans le même temps, nous renforçons l’accompagnement avec France Travail». Ce qui reste à voir concrètement quand la réforme du RSA sera généralisée, début 2025.

Enfin, pour que le tableau soit complet, le gouvernement prétend renforcer le principe de «contracyclicité» introduit par sa réforme de février 2023. Or, celui-ci prévoit que les règles soient durcies «quand ça va bien», et assouplies «quand ça va mal». D’où la réduction de 25 % de la durée d’indemnisation, qui s’applique quand le taux de chômage est inférieur à 9 %. On vient de voir que même si ça ne va pas vraiment mieux – le taux de chômage est actuellement de 7,5 %, contre 7,1 % il y a un an –, cette durée d’indemnisation sera de fait encore raccourcie, foulant au pied la promesse de «contracyclicité». Mais, croyant dur comme fer que sa nouvelle réforme sera «le carburant qui nous permettra de créer toujours plus de travail dans notre pays», Gabriel Attal confirme un nouveau coup de rabot, si d’aventure le chômage descend jusqu’à 6,5 %. Il ne précise pas dans quelle proportion. Mais, d’après les syndicats qui ont vu Catherine Vautrin cette semaine, la réduction serait cette fois de 40 %. Ce qui, compte tenu de l’effet de bord expliqué plus haut, conduirait à 12 mois d’indemnisation maximum. Un seuil symbolique, peut-être un «rêve à réaliser»comme le chantait le poète, évoqué par Gabriel Attal lui-même lors d’une intervention sur TF1 au mois de mars.

Les «seniors» aussi concernés

On parle depuis le début des salariés de moins de 53 ans, mais les «seniors» ne sont pas épargnés non plus. Ces derniers bénéficient d’une durée d’indemnisation plus longue, de 22,5 mois pour ceux ayant 53 ou 54 ans, et de 27 mois maximum pour les plus de 55 ans. Certes, Gabriel Attal «refuse que cette filière seniors soit supprimée, car il est important de maintenir une protection et des règles spécifiques», explique-t-il, évacuant un fantasme de son ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. Mais il confirme qu’il faudra désormais avoir au moins 57 ans pour bénéficier de cette durée rallongée, suggérant au passage la disparition du premier palier.

Pour compenser – si l’on peut dire – le Premier ministre annonce l’introduction d’un nouveau dispositif déjà évoqué, ici ou là, notamment par le même Bruno Le Maire : un «bonus emploi senior». Concrètement, un senior qui reprend un emploi moins bien rémunéré que le précédent se verra verser par l’assurance chômage un complément lui permettant de retrouver le même niveau de salaire, pour une durée d’un an. Résumé sarcastique par le président de la CFE-CGC, François Hommeril : «Je suis une entreprise, je balance tout le monde à 55 ans, et après deux ans de chômage je les récupère à moitié prix.»

Et les employeurs dans tout ça ? Un petit effort, peut-être ? Comme d’habitude en ce qui les concerne, c’est tout de suite plus flou. Gabriel Attal souhaite «examiner l’opportunité d’étendre» le bonus-malus instauré en 2021, et qui semble avoir produit quelques effets. A ce jour, les entreprises de plus de onze salariés de sept secteurs d’activité (transports, hébergement et restauration…) sont concernées par ce mécanisme qui fait varier leur taux de cotisation chômage de 3 à 5,5 %, selon leur taux de recours aux CDD, rapporté au taux moyen de leur secteur. Combien seront-elles à l’avenir ? Cela dépendra d’une «concertation» menée par Catherine Vautrin.

Tout ça pour quoi ? Prudent, Gabriel Attal n’avance pas d’objectif chiffré s’agissant des créations d’emplois, comme des économies attendues. Dans la semaine, le ministère du Travail confirmait que le gouvernement escomptait 90.000 emplois supplémentaires. Pour rappel, trois millions de personnes pointent actuellement à France Travail en catégorie A (sans activité donc). Le premier ministre répète à qui veut l’entendre que «ce n’est pas une réforme d’économie» mais les impacts financiers, eux, pourraient en revanche se révéler massifs, en générant 3,6 milliards d’euros d’économies dans le régime de l’assurance chômage, pourtant déjà excédentaire. Au prix, estime la CGT, de la réforme «la plus violente» des dernières années.

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