Le Green Deal ? Ses législations écologiques étouffent les agriculteurs

Les obligations environnementales européennes croissantes retardent le paiement des subventions. 

Initié il y a quatre ans pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 dans l’ensemble de l’Union européenne, le pacte vert de l’UE est la bête noire des agriculteurs qui manifestent à travers l’Europe. Ils critiquent volontiers le « Pacte vert » de l’UE, décliné dans une série de législations environnementales, qui ne sont pour la plupart cependant pas encore entrées en vigueur. Dans le volet agricole du Pacte vert, qualifié de stratégie « De la ferme à la fourchette », voici les principaux textes jugés problématiques par les manifestants.

Avant le Pacte vert, la nouvelle PAC

Adoptée en 2021 et premier poste du budget de l’UE, la nouvelle Politique agricole commune (PAC) s’applique depuis janvier 2023, conditionnant le paiement des aides directes aux exploitations au respect de normes environnementales, pour préserver la biodiversité.

Figure notamment l’obligation de laisser 4% des terres arables en jachères ou en « infrastructures agroécologiques » (haies, bosquets, fossés, mares…), taux pouvant descendre à 3% sous conditions. Des « écorégimes » offrent des primes additionnelles aux agriculteurs participant à des programmes environnementaux plus exigeants. Mais nombre d’agriculteurs se plaignent désormais de paiements en retards, car suspendus à des contrôles jugés tatillons sur le terrain.

Restauration de la nature

Etats membres et Parlement européen se sont entendus en novembre sur cette législation imposant des objectifs de restauration des écosystèmes abîmés, accord qui doit être entériné par les eurodéputés dans les prochains mois. Si le texte oblige les Etats à prendre des mesures pour inverser le déclin des populations de pollinisateurs d’ici à 2030, le reste du volet agricole a été fortement assoupli au fil des négociations.

Les Etats devront prendre des mesures « visant à parvenir à des tendances en hausse » pour deux des trois indicateurs (papillons de prairies, carbone dans le sol, part des terres agricoles « à haute diversité »), avec des objectifs de population d’oiseaux en campagne. Enfin, 30% des tourbières drainées utilisées en agriculture devraient être restaurées d’ici 2030 (dont au moins un quart en les réhumidifiant), 40% d’ici 2040 et 50% d’ici 2050, mais avec des « souplesses » possibles selon les Etats et « sans obligations » de remise en eau pour les agriculteurs et propriétaires privés.

En revanche, l’objectif indicatif proposé par Bruxelles pour l’extension de zones « à haute diversité » (haies, étangs, arbres fruitiers…) sur 10% des terres agricoles à l’échelle de l’UE (et non par exploitation) a disparu, face à la bronca des eurodéputés de droite, qui disaient y voir une menace possible sur la sécurité alimentaire.

Emissions des élevages, carbone

Un texte sur les « émissions industrielles », finalisé fin novembre entre Etats et eurodéputés, élargit considérablement le nombre d’installations d‘élevage intensif de porcs et de volailles concernées par des normes exigeantes via l’abaissement des seuils en termes de taille – mais avec une mise en œuvre très progressive. Contrairement à ce que proposait la Commission, les élevages bovins ont été exclus.

Un autre texte en discussions fixe de nouvelles normes pour certifier le stockage de carbone, notamment celui absorbé dans les sols agricoles ou les forêts, ce qui pourrait ouvrir la voie à la vente de crédits sur le marché carbone (système d’échange de droits d’émissions de gaz à effet de serre, de crédits carbone et de quotas carbone) offrant des revenus aux agriculteurs.

Pesticides

Les eurodéputés ont rejeté en novembre un projet législatif visant à réduire de moitié à l’échelle de l’UE d’ici 2030 l’utilisation et les risques des produits phytosanitaires chimiques (par rapport à la période 2015-2017), tandis que les discussions s’enlisent au niveau des Etats, rendant très improbable toute avancée d’ici aux élections européennes de juin.

En janvier 2023, la Cour de justice de l’UE a de son côté banni toute dérogation à l’interdiction – en vigueur depuis 2018 – de trois néonicotinoïdes en plein champ, provoquant une déflagration chez les betteraviers. Mais cette décision n’est pas liée au Pacte vert, pas plus que la reconduction pour 10 ans de l’autorisation du glyphosate décidée mi-novembre par Bruxelles.

Bien-être animal

La Commission a proposé début décembre de limiter le temps de transport des animaux destinés à l’abattage, dans le cadre de nouvelles règles sur le bien-être animal -attendues depuis des années par les ONG mais finalement limitées aux transports sans viser les conditions d’élevage. Les négociations législatives commencent tout juste. Parallèlement, Bruxelles a indiqué le mois dernier vouloir assouplir le niveau de protection dont bénéficient les loups dans l’UE, jugeant que leur trop grand nombre pouvait menacer le bétail.

Emballages et score nutritionnel

Dans un texte visant à verdir les emballages, les eurodéputés ont voté en novembre une exemption sur les boîtes de camembert et autres fromages emballés dans du bois, tout en supprimant les restrictions proposées sur les emballages plastiques pour fruits et légumes – que les Etats au contraire soutiennent. Le texte est toujours en négociations.

En revanche, Bruxelles a renoncé à proposer une très attendue proposition sur un étiquetage nutritionnel (type Nutriscore) harmonisé à travers l’UE, initialement attendue dès 2022, et qui suscitait l’inquiétude de plusieurs Etats et du monde agricole.

Face au Green Deal, le retournement idéologique de la société allemande

 Des effigies du chancelier, Olaf Scholz, du ministre de l’économie et du climat, Robert Habeck, et de la ministre des affaires étrangères, Annalena Baerbock, au dessus d’un panneau proclamant « Le fléau de notre pays », ci-dessus, lors d’une manifestation d’agriculteurs allemands à la porte de Brandebourg, à Berlin, le 15 janvier 2024.

Jeudi 11 janvier. Depuis trois jours, les agriculteurs allemands multiplient les actions de terrain contre la décision du gouvernement, annoncée trois semaines plus tôt, de supprimer l’allègement fiscal sur le gazole non routier. Ce matin-là encore, alors que des tracteurs bloquent des autoroutes dans tout le pays, une ville fait la « une » des media : Cottbus, à la frontière polonaise, où plus d’un millier de manifestants se sont donné rendez-vous, malgré le froid polaire, devant le nouvel atelier de maintenance de la Deutsche Bahn, que doit venir inaugurer le chancelier, Olaf Scholz.

Heiko Terno dirige une exploitation de 360 vaches laitières entre Cottbus et Berlin et est vice-président de la Fédération des agriculteurs du Brandebourg. Interrogé sur ce qu’il pense du gouvernement, sa réponse fuse : « Le gros problème, ce sont les Verts. Comment a-t-on pu leur confier le ministère de l’agriculture ? Ces gens-là ne connaissent rien à nos problèmes. Avec les sociaux-démocrates [le parti d’Olaf Scholz] ou les libéraux [celui du ministre des finances, Christian Lindner], on peut ne pas être d’accord, mais au moins on discute. Avec les Verts, c’est impossible, on a affaire à des idéologues totalement coupés de la réalité. »

Ouvrier textile à la retraite, un autre agriculteur tenait à être là pour soutenir les agriculteurs. « Eux, c’est le prix du diesel, mais pour tout le monde, c’est pareil : on ne peut plus rien acheter ; depuis deux ans, tous les prix ont explosé. » Très vite, les coupables sont désignés : là encore, ce sont les Verts. « On avait du gaz pas cher mais sous prétexte qu’on l’achetait au méchant M. Poutine, ils ont fermé le robinet. On avait encore trois centrales nucléaires, mais comme ils ont décrété que le nucléaire est pire que Satan, on les a fermées au moment même où l’on risquait la pénurie d’électricité. Ces gens-là nous disent qu’ils veulent sauver la planète, mais en attendant, ils ruinent l’Allemagne et affament les Allemands. »

Les mots sont durs, mais ils traduisent un air du temps. Début 2021, le cercle de réflexion More in Common et l’institut de sondage Kantar avaient demandé à un échantillon représentatif de la population allemande : « Soutenez-vous le mouvement sociétal en faveur de la protection de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique ? » A l’époque, 68 % des personnes interrogées avaient répondu oui. Deux ans plus tard, en mai 2023, seuls 34 % des sondés ont répondu positivement à cette même question.

Dame Apolline de Malherbe, qui se veut la Elise Lucet de RMC (BFM), s’est faite redresser par Jordan Bardela:

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