Uber Eats conduit des salariés africains clandestins à manifester

Les comptes frauduleux de travailleurs au noir sans papiers ont en effet été déconnectés

Travailleurs clandestins

Plus de 500 livreurs africains de la plateforme Uber Eats, pour beaucoup sans-papiers, ont manifesté à Paris devant le siège français de la firme américaine, après la déconnexion de 2.500 comptes de travailleurs identifiés comme frauduleux. Chaque mois, la plateforme assure désactiver jusqu’à 300 faux comptes dans son pool de livreurs et livreuses, soit 50.000 personnes) .

«Ce que Uber est en train de faire est dégueulasse», s’est pourtant emporté un livreur guinéen dont le compte est toujours actif, mais un meneur qui est venu soutenir plusieurs de ses collègues bannis de la plateforme. Les manifestants, tous Africains, ont défilé entre la place de la République et le siège français du spécialiste de la livraison de repas à domicile.

Sauf que les associations et partis politiques animateurs de l’opération n’ont dirigé les manifestants africains sous les fenêtres ni du ministre des Transports qui a succédé à Djebbari, 127 Rue de Grenelle à Paris, ni de Matignon, où se trouve Elisabeth Borne, ex-ministre du Travail.

Des Africains clandestins ont-ils le droit au travail et à manifester ?

«Uber voleurs», «livreurs en colère», «justice pour les livreurs», ont-ils scandé. «J’ai été déconnecté il y a deux semaines, j’ai travaillé pendant tout le confinement, je demande à Uber de me mettre en règle afin que je puisse travailler librement», a déclaré Osseni Koné, un Ivoirien de 34 ans qui travaillait pour Uber Eats depuis 2019, en toute illegalité. Comme lui, de nombreux coursiers regrettent ces déconnexions «brutales» après plusieurs années à travailler (illégalement) pour l’entreprise américaine, alors que le travail au noir est condamnable.

La sanction pénale du « travail dissimulé » (même au vu et au su de tous !) peut aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende. Cette sanction est aggravée dans diverses situations. Si, par exemple, le travail au noir concerne une personne mineure, vulnérable ou dépendante, la peine peut aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende.

«On a été déconnectés de manière barbare, tout ce qu’ils ont dit c’est : document frauduleux», déplore un livreur ivoirien préférant conserver l’anonymat et qui présente un taux de satisfaction de 99% sur l’application après un an de livraison pour Uber Eats.

Ces désactivations sont la conséquence d’une charte gouvernementale, se justifie Uber.

L’audit qui a justifié la déconnexion est la conséquence de la signature d’une «charte» avec le gouvernement signée le 20 novembre 2020 pour «harmoniser les pratiques de contrôle entre plateformes» et lutter contre la sous-location illégale de comptes de livreurs. Les 60.000 comptes actifs ont donc été audités «par un prestataire externe» qui a identifié 2.500 profils considérés comme frauduleux.

Elisabeth Borne, alors ministre du Travail, et Jean-Baptiste Djebarri, ministre des Transports, ont poussé à la signature en mars 2020 d’une charte où les quatre principales plateformes de livraison, dont Uber Eats, s’engagent à davantage lutter contre la fraude, notamment via des contrôles d’identité plus poussés.

Signée sous la pression du gouvernement, la charte vise à lutter contre le travail illégal. La ministre du Travail, Elisabeth Borne, voulait responsabiliser les plateformes et lutter contre la sous-location des comptes de livreurs, derrière lesquels se cache une obscure réalité : droits du travail bafoués, travail illégal… Les polémiques ont enflé sur plusieurs entreprises employant des livreurs en tant que travailleurs indépendants. Alors, pour changer les pratiques et rassurer la clientèle, plusieurs plateformes (Deliveroo, Frichti, Uber­ Eats et Stuart) ont signé cette charte le mardi 5 avril. 

En général, des travailleurs indépendants sous-louent leur compte à des personnes en situation irrégulière et/ou mineures en échange d’une commission.

Tous les livreurs interrogés reconnaissent avoir utilisé des papiers d’identité ne leur appartenant pas, faux ou volés, pour créer leur profil, avec l’aide d’associations (et leurs hommes de …loi !), mais dénoncent néanmoins l’hypocrisie d’Uber.

«Pendant trois ans j’ai travaillé comme ça pour eux», s’indigne Ismaël Meïté, un Ivoirien de 32 ans sans-papiers. « Ils savaient très bien que la pièce d’identité et la photo de profil n’étaient pas identiques mais ça n’a pas posé de problème. Pendant le Covid on a travaillé énormément et maintenant ils disent qu’on n’est pas conformes ?», dénonce-t-il.

En cas de contrôle, vous devrez rembourser les montants touchés indûment comme des prestations sociales ou des allocations chômage. Ces remboursements peuvent être assortis de pénalités financières ou des sanctions administratives ou pénales complémentaires.

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