Antisémitisme : Daniel Obono compromet Simonnet (LFI, NUPES) avec Jeremy Corbyn

L’antisémitisme de ex-leader du Parti travailliste britannique renforce les accusations d’islamo-gauchisme contre la NUPES.

Danièle Simonnet soutenue par l’extrémiste Jeremy Corbyn,
exclu du parti travailliste

Aux manettes du Labour de 2015 à 2020, Corbyn a été accusé d’inaction face à la prolifération de plaintes pour antisémitisme visant des militants et élus travaillistes. Mais il a aussi été personnellement épinglé, pour des propos et événements controversés.

Les accusations d’antisémitisme visant l’ancien chef du Parti travailliste – principal parti de la gauche britannique – ont en effet refait surface ce week-end, après que les candidates NUPES aux législatives dans les 15e et 17e circonscriptions de Paris Danielle Simonnet et Danièle Obono, toutes deux membres de la France insoumise, se sont affichées à ses côtés.

La mise en scène du soutien d’une figure de la gauche européenne à la Nupes (ou Nouvelle Union populaire, écologique et sociale) a été retournée contre les deux candidates, pointées du doigt par leurs concurrents. «Les masques tombent : inviter et afficher le soutien de Jeremy Corbyn écarté du Labour et du groupe [à la Chambre des communes] pour complaisance avec l’antisémitisme en Angleterre […] est une honte dont est fière Danielle Simonnet», a ainsi écrit sur Twitter la socialiste Lamia El Aaraje, rivale malheureuse de Danielle Simonnet pour l’investiture de la gauche dans sa circonscription.

La députée européenne Nathalie Loiseau, tête de liste en 2019 de la majorité présidentielle, est pour sa part allée jusqu’à qualifier dans un tweet Jeremy Corbyn de «symbole de l’antisémitisme».

Les manifestations d’islamo-gauchisme de Corbyn

Il faut ici distinguer deux choses : les paroles et gestes de Jeremy Corbyn lui-même, et les affaires qui ont ébranlé son parti lorsqu’il le dirigeait (de 2015 à 2020) d’autre part, et contre lesquelles il lui a été reproché une passivité complice.

Concernant la première catégorie, différentes révélations survenues au cours de l’année 2018 ont alimenté les accusations d’antisémitisme visant le leader travailliste. D’abord, en mars 2018, un commentaire publié sur Facebook six ans plus tôt refait surface LIEN, dans lequel Corbyn regrettait le retrait d’une fresque murale dans l’Est de Londres. Problème : l’œuvre était controversée en raison de son caractère antisémite – elle alimentait la thèse d’un monde gouverné par les Juifs. Si le député britannique a ensuite changé de discours sur la fresque, expliquant qu’il ne l’avait pas regardée correctement et la qualifiant de «profondément dérangeante et antisémite», l’artiste a continué de nier tout racisme – sa fresque portant selon lui sur «les classes sociales et les privilèges».

Nouvelle polémique au mois d’août suivant, avec la publication sur le site du journal britannique Daily Mail d’une vidéo compromettante : tournée en 2013, on y entendait Corbyn railler les «sionistes britanniques qui ne comprennent pas l’ironie anglaise» et n’ont «aucun sens de l’histoire britannique». Pour sa défense, le député d’extrême gauche a assuré qu’il avait utilisé le terme «sioniste» dans un «sens politique précis et non comme un euphémisme pour désigner le peuple juif», ajoutant : «Je fais désormais plus attention à la manière dont je pourrais utiliser le mot «sioniste», car un terme politique qui s’identifiait autrefois lui-même a été de plus en plus détourné par les antisémites comme un code pour les Juifs.»

Toujours en août, Jeremy Corbyn a dû s’excuser pour un événement organisé en 2010 en tant que député travailliste, au cours duquel un survivant de l’Holocauste a comparé Israël au nazisme, comme l’avait alors révélé le Times. L’homme politique avait indiqué, pour sa défense, être «apparu aux côtés de personnes dont [il] rejette complètement les opinions».

Le mois d’août 2018 a enfin été entaché de lourdes critiques ciblant Corbyn, en raison de sa présence à une cérémonie qui s’était tenue en Tunisie quatre ans plus tôt en hommage aux auteurs du massacre des JO de Munich en 1972. La prise en otage de onze membres de l’équipe olympique israélienne par des militants palestiniens s’était soldée par la mise à mort des premiers. Après cette cérémonie, le leader travailliste a essuyé une condamnation quasi unanime de la communauté internationale, pour avoir déposé une couronne de fleurs sur la tombe d’un des terroristes. Notamment, il s’était attiré les foudres du Premier ministre israélien de l’époque, Benyamin Nétanyahou, jugeant qu’il méritait une «condamnation sans équivoque». Corbyn de rétorquer : «Ce qui mérite une condamnation sans équivoque, c’est le meurtre de plus de 160 manifestants palestiniens à Gaza par les forces israéliennes depuis mars, dont des dizaines d’enfants». Et de se justifier en rappelant que cet hommage s’inscrivait dans le cadre d’un événement plus large autour de la quête de la paix.

1.000 plaintes entre avril 2018 et février 2019

A côté de ces événements, Corbyn a été épinglé pour son inaction face à la progression de l’antisémitisme au sein du Labour. Jusqu’à son arrivée à la tête du parti, en septembre 2015, l’attitude problématique de certains travaillistes à l’égard des Juifs avait peu été mise en évidence. Alors que les prédécesseurs de Jeremy Corbyn avaient adopté une position très nuancée sur la question israélienne, Corbyn avait depuis des années, avec ses alliés de l’aile gauche du Labour Party, un discours très critique vis-à-vis d’Israël et de sa politique dans les territoires occupés. La position du Labour, consécutive à son arrivée aux commandes du parti, a été marquée par un antisionisme radical, lequel s’est accompagné de dérapages qui, se multipliant, ont fini par devenir un véritable problème public pour le parti.

De multiples déclarations et tournures problématiques ont été mises au jour, conduisant à la suspension de certains membres du Labour. Dès 2016, après que l’un de ses plus proches alliés a été écarté pour cette raison du parti travailliste, Corbyn a été forcé de clarifier sa position, et d’affirmer publiquement qu’il était «totalement et complètement et absolument contre tout antisémitisme». Outre les suspensions, le Labour a aussi enregistré des démissions, et en premier lieu d’importants députés juifs, comme Luciana Berger, cible d’injures sur les réseaux sociaux.

A l’été 2018, l’affaire a pris une ampleur sans précédent, du fait des révélations (mentionnées plus haut) concernant personnellement Jeremy Corbyn, mais aussi en raison des débats houleux autour de l’adoption par le parti d’un nouveau code sur l’antisémitisme. En effet, les travaillistes ont refusé en juillet 2018 de reprendre telle quelle la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), l’accompagnant de la précision suivante : «cela ne portera en aucun cas atteinte à la liberté d’expression sur Israël ou les droits des Palestiniens». Les désaccords entre ailes gauche et centriste ont atteint leur apogée à la fin du mois d’août, marquée par la démission du député Frank Field, après quarante années passées au Labour. Départ qu’il justifiait par «l’antisémitisme qui agite le parti» et une atmosphère «délétère».

Le Parti travailliste lui-même a fini par dresser un constat similaire, en révélant en février 2019 avoir reçu pour plus de 1.000 plaintes depuis avril 2018, date de lancement d’un système renforcé «de signalement et de traitement des cas d’antisémitisme». Dans un mail envoyé aux députés, Jennie Formby, alors secrétaire générale du parti, indiquait que près de 700 membres avaient sur cette période été accusés d’antisémitisme – parmi eux, 211 avaient reçu un avis d’enquête, 96 avaient été suspendus, et 12 seulement expulsés du Labour. Environ un tiers des signalements reçus concernaient donc des individus extérieurs au parti, selon les détails fournis par Formby. La plupart des plaintes portaient sur des messages postés sur les réseaux sociaux, dont «beaucoup» étaient anciens et remontaient parfois à huit années en arrière.

«Harcèlement, discrimination et interférences politiques»

Alors que, sous sa direction, l’antisémitisme a été dénoncé comme endémique, Corbyn a été accusé de ne pas traiter le problème à sa juste mesure. Premier coup porté à la gestion du leader travailliste : une émission intitulée «Is Labour Anti-Semitic ?» («Le Labour est-il antisémite ?») diffusée par la BBC en juillet 2019. Des sources internes au parti y révélaient que de hauts responsables travaillistes avaient interféré dans le processus de traitement des plaintes pour antisémitisme, alors que les litiges sont censés être réglés indépendamment des instances politiques du Labour. Par ailleurs, ces «lanceurs d’alerte» confiaient être confrontés depuis 2015, et non depuis avril 2018 seulement, à une hausse spectaculaire du nombre de plaintes pour antisémitisme.

Quelques mois après que Jeremy Corbyn a dû lâcher les rênes du Parti travailliste, le Comité pour l’égalité et les droits humains (EHRC), un organisme indépendant, a enfoncé le clou, dans un rapport publié en octobre 2020. L’enquête, qui vise la période où Corbyn était aux manettes, est accablante. Lancée dès le mois de mai 2019 «à la suite de graves inquiétudes publiques concernant des allégations d’antisémitisme et d’un certain nombre de plaintes officielles adressées à l’EHRC», elle a abouti à un rapport de 130 pages. Le texte pointe des défaillances «inexcusables» résultant d’un «manque de volonté de s’attaquer à l’antisémitisme plutôt qu’une inaptitude à le faire». Le parti «au mieux, n’a pas fait assez pour prévenir l’antisémitisme et, au pire, pourrait être considéré comme l’acceptant», conclut le rapport, qui parle d’«une culture» de l’antisémitisme. Différents faits «de harcèlement, de discrimination et d’interférences politiques» sont remontés, et le Comité estime que le Labour s’est ainsi rendu coupable d’«actes illicites».

De graves reproches très mal reçus par Jeremy Corbyn, qui a immédiatement critiqué le contenu du rapport. Le jour même, il écrivait dans un communiqué que ces accusations d’antisémitisme avaient été «grossièrement exagérées pour des raisons politiques, à l’intérieur et à l’extérieur du parti et par une bonne partie des médias». Dès le lendemain de la publication du rapport, la nouvelle direction du Labour a exprimé sa désapprobation et a décidé de suspendre son ancien chef.

Jeremy Corbyn a, dans la foulée, contesté cette suspension dans une publication Facebook. Il y tempère un peu ses griefs envers le rapport du EHRC, en écrivant que c’est le «nombre de membres accusés d’antisémitisme […] qui a été exagéré, pas la gravité du problème». Si sa suspension a finalement été levée quelques jours plus tard, Corbyn s’est néanmoins trouvé privé du «whip», soit le droit de voter au Parlement sous l’étiquette Labour, et donc de se présenter aux élections sous cette étiquette. A ce jour, ce droit ne lui a pas été rendu.

Laissez un commentaire (il sera "modéré)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.