Pédocriminalité: plaignants déboutés par la Cour européenne des droits de l’Homme

Le Vatican n’est pas coupable des actes commis par des prêtres belges.

La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) de Strasbourg a condamné jeudi les Pays-Bas pour n'avoir pas protégé des sources journalistiques dans une affaire portant sur des documents issus des services secrets. /Photo prise le 4 septembre 2012/REUTER - -
CEDH (Strasbourg)

Les 24 plaignants qui avaient poursuivi en vain le Vatican devant les juridictions belges n’ont pas eu davantage gain de cause devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) à Strasbourg, mardi 12 octobre.

Coup dur pour la laïcité, spécificité française. « L’immunité » du Saint-Siège reconnue par les « principes de droit international » a notamment été mise en avant par la CEDH, qui s’exprimait pour la première fois sur ce sujet.

Les requérants, de nationalité belge, française et néerlandaise, avaient été déboutés par les tribunaux belges qui avaient déjà invoqué cette « immunité de juridiction » du Vatican. Devant la CEDH, ils poursuivaient donc la Belgique, estimant que le rejet de leur action au civil les avaient empêchés de faire valoir leurs griefs contre le Vatican.

« Immunité du Saint-Siège »

Pays non-membre du Conseil de l’Europe, donc hors du champ de la Cour européenne, le Saint-Siège n’était pas directement visé par la procédure devant la CEDH, bras juridique du Conseil. La Conférence épiscopale de Belgique et le Vatican avaient toutefois été autorisés à intervenir dans la procédure écrite en tant que tiers intervenants.

Dans un arrêt assez technique, la CEDH a donné raison à la justice belge. « La Cour juge que le rejet (…) ne s’est pas écarté des principes de droit international généralement reconnus en matière d’immunité des Etats » et qui s’appliquent au Vatican, note-t-elle dans un communiqué.

« Au regard de la jurisprudence (…) et du droit international », cette décision « est tout sauf surprenante », a considéré dans un tweet Nicolas Hervieu, spécialiste du droit européen. « Mais c’est la première fois que la Cour européenne avait à apprécier la question de l’immunité du Saint-Siège« , singulièrement sur « des faits d’abus sexuels sur enfants », a-t-il relevé.

La Cour de Strasbourg a conclu à la non-violation des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme sur le « droit d’accès à un tribunal », invoquées par les requérants.

Ils avaient introduit en 2011 en Belgique une action collective en indemnisation contre le Vatican, des dirigeants de l’Eglise catholique belge et des associations catholiques, après le scandale provoqué par les révélations de l’évêque de Bruges, Roger Vangheluwe, qui avait avoué en 2010 des actes pédocriminels quand il était professeur au grand séminaire de Bruges. Le pape Benoît XVI avait accepté sa démission le jour même.

« Echec total »

Les requérants demandaient réparation en raison « des dommages causés par la déficience de l’Eglise face à la problématique d’abus sexuels en son sein », rappelle la CEDH.

Le Vatican « a des caractéristiques comparables à celles d’un Etat », poursuivent les juges européens, selon lesquels la justice belge était en droit de « déduire de ces caractéristiques que le Saint-Siège était un souverain étranger, avec les mêmes droits et obligations qu’un Etat », bien qu’il ne soit pas membre de l’UE… « L’échec total de l’action des requérants » devant la justice belge « résulte en réalité » de mauvais « choix procéduraux » qu’ils « n’ont pas fait évoluer » durant la procédure, conclut la Cour.

Vingt requérants ont toutefois pu bénéficier d’un dédommagement du « centre d’arbitrage en matière d’abus sexuels de l’Eglise catholique » belge, rappelle la CEDH. Cette décision intervient quelques jours après la publication des travaux de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase) en France, qui a estimé à 216.000 le nombre de personnes victimes d’un prêtre ou d’un religieux depuis les années 1950, voire 330.000, si on inclut les agresseurs laïcs associés aux institutions de l’Eglise. Le pape François a exprimé « sa honte » après la publication de ce rapport.

Il faut savoir que le milieu familial est le plus lourdement responsable (5,7%) d’abus et de crimes sexuels, devant l’Eglise. Les féministes ne peuvent ignorer non plus que les mères de famille ou les nourrices apparaissent plus fréquemment qu’on imagine dans des affaires de viols ou d’attouchements sur enfant.

La pédocriminalité n’est pas une spécificité des Catholiques.

Le politologue Bertrand Badie fait observer qu’on doit trouver de semblables affaires du côté du protestantisme ou de l’islam. Aucune étude scientifique n’est disponible sur le nombre de cas de pédophilie avérés chez les prêtres orthodoxes, les pasteurs protestants, les rabbins ou les imams. 

Au-delà des chiffres absolus, 1,2 % des personnes ayant pratiqué des activités liées à l’Eglise catholique dans l’enfance (scoutisme, mouvement de jeunesse, catéchisme, aumônerie, internat…) déclarent y avoir été abusées par une personne avant leurs 18 ans. Ce taux est de 0,8% en excluant les laïcs, avec simplement les membres du clergé (prêtres, religieux, diacres). « L’Eglise catholique est, après les cercles familiaux ou amicaux (5,7%), le milieu ou la prévalence des agressions (0,82%) est significativement la plus élevée », a résumé Jean-Marc Sauvé lors de la présentation du rapport. Ce n’est davantage que si on compare à des sous-catégories d’associations laïques: la gauche ne peut instrumentaliser la commission Saucé (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise, Ciase), si elle additionne les colonies de vacances (0,36%), les écoles publiques (0,34%) et les clubs de sport (0,28%) ou les centres sociaux et MJC. Et pour arriver à 100%, le compte n’est pas bon…

LIEN PaSiDupes : Pédocriminalité : quand Ségolène Royal étendit à l’école le champ d’investigation de Jean-Marc Sauvé

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